Le mouvement estudiantin, qui gagne en ampleur et en maturité, annonce de graves perturbations pour l’année universitaire.
Un énième sit-in, auquel ont participé hier près de deux mille étudiants, devant le ministère de l’Enseignement supérieur. Une détermination d’aller plus loin dans leur action entamée il y a plusieurs semaines.
«M.Harraoubia, voulez-vous qu’on s’immole? On le fera pour arracher nos droits et pour notre dignité. Et votre silence conjugué à la politique du wait and see (attendre et voir) qui vous est chère, ne nous fera jamais reculer.»
Très en colère contre son ministre, Ilham, étudiante à l’ex-INC (Institut national du commerce), lui lance un défi. Même le sacrifice de soi, jamais évoqué jusque-là, est désormais une solution pour la communauté estudiantine. Pour notre vis-à-vis, les universitaires gagneront la bataille. «Il n’est pas question d’en douter», rassure-t-elle. Des propos acclamés par une dizaine d’étudiants qui l’ont entourée. «C’est une protestation plus extrême».
Un responsable agressé à l’arme blanche
La communauté universitaire à Tizi Ouzou, était sous le choc. Un inconnu a agressé hier, le directeur des oeuvres universitaires du campus de Hasnaoua. Ali Lamri, âgé de quarante-huit ans, était à bord de sa voiture en stationnement à proximité de la résidence universitaire de Hasnaoua (Nouvelle-Ville) quand un individu, armé d’un couteau, s’est approché de lui avant de lui assener un violent coup de couteau au niveau de la joue gauche. M. Lamri, grièvement blessé, a été transporté au service des urgences médico-chirurgicales, du centre hospitalo-universitaire Nedir-Mohamed, de la ville. Quant à l’agresseur, il a pris la fuite immédiatement, après son forfait et n’a pu être identifié.
C’est par ces termes que le Dr Belmekki, psychiatre à Alger, résume cette décision de penser à périr par le feu. Au fil des minutes qui s’égrènent, des dizaines d’étudiants rejoignent le mouvement.
Université grandes écoles, écoles préparatoires font front commun, même si les revendications diffèrent. Des chants, des pancartes placardées partout et des slogans scandés à tue-tête renseignent sur cet éveil d’une élite qui refuse de rentrer bredouille. «Destinés au meilleur, en route vers le pire», «Stop tyranny»…appellent le ministre à revoir sa copie. Par des réponses évasives et des promesses verbales, le ministre est devenu «l’accusé» alors qu’il devait être le maître de la situation. Il aurait suffi d’agir au bon moment pour éviter cette situation. L’extra time et le huis clos auxquels il a procédé, ne sont plus en sa faveur. «Il est simplement dépassé par les évènements.
Au lieu d’agir, il délègue ses conseillers», note Abdelkrim Ghermassa, étudiant en 3e année management à l’ex-INC. Chaque jour qui passe est une tare en plus pour le ministre. Et les étudiants ne comptent plus patienter davantage. Aujourd’hui, un sit-in devait être organisé à la place de la Liberté à Alger. Un autre, qui fera l’objet d’une réunion entre les délégués des étudiants la semaine prochaine, aura lieu devant la Présidence. La détermination de cette élite ne s’arrête pas en si bon chemin.
L’immixtion de certaines organisations estudiantines ayant d’autres objectifs que celui de voir leurs revendications satisfaites, ont buté sur le refus des milliers d’étudiants autonomes dans leur action. «Certaines organisations veulent accaparer le mouvement alors que celui-ci est spontané», ajoute Abdelkrim de l’ex-INC. Un autre front de contestation s’ouvre. Des étudiants rencontrés lors du sit-in ont dénoncé énergiquement les déclarations de Abdelkader Henni, recteur de l’université de Bouzaréah dans un entretien paru à L’Expression dans son édition de dimanche. «Dire que les motifs avancés ne tiennent pas la route est gravissime», tonne Hamid étudiant en 2e année littérature française. Sur les lèvres des acteurs de ce mouvement, une question: «Que fait actuellement le ministre?». «Tout sauf de nous tendre l’oreille», souligne Ahlem, étudiante à l’Ecole préparatoire des sciences et techniques, de Tlemcen.
Fouad IRNATENE