La longue attente sur le quai et la grande anarchie qui règne pour accéder sur ce bateau-taxi sont vite effacées par la beauté du panorama, engendrant le sourire des Algérois qui découvrent enfin leur côte.
9 heures du matin au port d’Alger, plus exactement à la Pêcherie. C’est la folie! Une foule compacte est rassemblée! Contrairement à ce que l’on pourrait croire ce n’est pas la solde aux poissons…Ces centaines de personnes attendent simplement de pouvoir emprunter le premier bateau-taxi algérien qui doit les mener, au bout d’une demi-heure, au port de plaisance d’El Djamila (Ex-La Madrague). Très rapidement cette navette maritime prend l’allure d’un bus aux heures de pointe! Bousculades, énervements, bagarres, cris, sont de mise.
Après s’être bagarré pour acheter le fameux billet de 50 DA, qui est vite écoulé, il faut être costaud pour monter à bord. L’anarchie prend le dessus. Dès que le bateau apparaît, chacun pousse son voisin pour essayer d’être le plus proche du pont. «Doucement, il y a de la place pour tout le monde», est lancé au milieu de la foule.
«Attention, il y a des enfants ici», crie une douce voix féminine qui est de suite coupée par des insultes…! Ça continue au point d’empirer dès que le bateau-taxi accoste! Certains sont à la limite de se retrouver à la mer. Il faut jouer des coudes pour pouvoir accéder au navire en empruntant son petit pont! Un air du fameux «Avancer à l’arrière» vient de suite à l’esprit! Débordé, l’équipage italien reste bouche bée devant un spectacle aussi désolant.
Ils essaient tant bien que mal de régler la situation, mais sans grand résultat! L’anarchie s’organise peu à peu, d’elle-même, et après un véritable parcours du combattant, les passagers arrivent tant bien que mal à monter à bord. Mais ce n’est pas fini, tout le monde court vers le toit pour pouvoir s’asseoir à l’extérieur et admirer cette belle traversée! Encore une fois c’est la bousculade, étant donné que les places intérieures ne sont pas suffisantes!
Un air du fameux «Avancer à l’arrière»…
L’équipage essaie d’expliquer qu’il y a des places à l’intérieur et que l’on pouvait apprécier le paysage, admirer la «balade» ou sortir sur le pont dès que le bateau démarrerait. Yacine, le seul Algérien de l’équipage, essaie d’aider ses collègues avec la traduction, tout en calmant l’ardeur des esprits. Après des dizaines de minutes, on arrive à relever la passerelle et le voyage peut enfin commencer! Il est 10h30 passées, alors que le bateau devrait déjà être à El Djamila, il vient à peine de démarrer! Après l’anarchie, place donc au répit!
Les passagers en profitent pour faire le tour des lieux et découvrir les autres parties du bateau, mis à part…ceux qui ont déniché des places à l’extérieur qui restent bien accrochés à leur siège. Ils admirent l’intérieur de l’Ischiamar III, ce beau navire italien affrété par l’Entreprise nationale du transport maritime des voyageurs (Entmv) auprès de l’armateur Capitaine Morgan. Des sièges bleus (344 total) sont répartis en deux niveaux dont une partie, une trentaine, se trouve sur le pont du navire. Des hublots permettent de contempler la baie d’Alger.
Il y a même une buvette au rez-de-chaussée où sont servis des cafés, de l’eau, du jus de fruit et des boissons gazeuses. D’ailleurs, après une dizaine de minutes Yacine, qui tient la buvette, fait savoir aux passagers qu’il était à leur service au cas où ils auraient besoin de quoi que ce soit, tout en signalant qu’il y avait des boissons qui se vendaient à son niveau.
Au bout de quelques minutes, le calme est revenu. Emerveillés, grands et petits, hommes et femmes admirent la côte de la baie d’Alger la Blanche avec les yeux écarquillés par sa beauté et le plaisir de cette traversée qui est un véritable repos pour l’esprit, une évasion du stress urbain. D’ailleurs, la majorité des passagers ne manque pas de l’immortaliser avec ses appareils photos et ses smartphones. Il va sans dire que les occasions de prendre de magnifiques clichés sont illimitées.
La vue de la ville est impressionnante à bord du bateau et donne l’occasion de faire de magnifiques photos. Un spectacle à vous couper le souffle!! Quelle merveilleuse façon de voir l’horizon. Les enfants sont pris dans les bras pour contempler de plus près cette mer à qui leurs parents ont tourné le dos depuis des décennies. La longue attente sur le quai et la grande anarchie qui règne pour accéder sur ce bateau taxi sont vite effacées par la beauté du panorama engendrant le sourire des Algérois qui découvrent enfin leur côte… «Wawe! C’est de toute beauté, une mini- croisière pour seulement 50 DA. Ça valait le coup de se faire bousculer.
C’est vraiment magnifique», assure Faouzi qui montrait du doigt son quartier de Bab El Oued à son fils de 5 ans. «C’est une très belle initiative. Je remercie les autorités pour ça, mais je regrette qu’il n’y ait qu’un seul navire», assure, de son côté, Faïza qui espère que cette expérience sera prolongée au-delà de la période pilote de trois mois.
Voir la Blanche sous un autre regard
Kaci apprécie cette traversée mais ne manque pas de crier sa colère de voir que les autorités aient attendu aussi longtemps pour mettre en place une navette maritime. «C’est grave qu’avec plus de 12 kilomètres de côtes, on n’ait pas de transport maritime urbain. Il faut développer ce genre de transport et pas seulement pour le tourisme», peste-t-il. Même son de cloche chez Farid. «Il faut ajouter plus de navettes et aménager les horaires en fonction des heures de travail pour permettre aux personnes actives d’aller au travail avec ce moyen de transport afin de decongétionner la capitale», soutient-il.
«Même pour le tourisme, les horaires ne sont pas bien aménagés puisque le dernier départ El-Djamila est à 19h30. Or, j’aurais voulu le voir rester encore plus tard pour pouvoir dîner au port de plaisance ou même faire une ballade nocturne», ajoute-t-il, non sans savourer cette traversée sous le beau soleil algérois.
Il y a quelques doléances, mais les avis convergent sur la beauté de cette balade. «Rien à dire, on à la plus belle baie du monde», lance, émerveillé, Mourad qui fait savoir qu’il revenait du Brésil où il a assisté à la Coupe du monde de football. «C’est mieux que Rio», ajoute t-il d’un air désespéré de voir cette belle côte abandonnée… Durant la mini-croisière les passagers expriment leur joie et s’amusent donc.
De la Pêcherie en passant par Bab El Oued, Bologhine, Raïs Hamidou, Hammamet, Aïn Bénian et enfin El Djamila, les passagers dégustent la baie d’Alger! Néanmoins, la belle balade à peine terminée que les mauvaises habitudes refont surface! Dès l’arrivée à El Djamila, la bousculade reprend de plus belle pour descendre du navire! Pis encore, ceux qui attendent pour monter se précipitent sur le pont empêchant ainsi les passagers de quitter le bateau.
Certains refusent même de débarquer voulant rester coûte que coûte à bord! Et rebelote, l’équipage et les agents de sécurité essaient encore de régler les choses. Mais l’anarchie semble ancrée dans les esprits puisque ça finit par se régler. Il faut oublier ces «petits» déboires et retenir le bon moment que les Algérois ont passé en voyant la Blanche sous un autre regard…