Les manifestants sur la RN12 ne décolèrent pas. Ils viennent de la cité «Bidonvilles de Oued-Aïssi» dont l’association sous cette péjorative dénomination est approuvée par l’Etat, l’espérance de vie est de 59 ans et les bébés collectionnent des dizaines d’ordonnance s par an. Les hommes meurent de maladies chroniques et les enfants de diverses pathologies.
Avec ses centaines de fosses septiques empestant la mort, les conditions de vie dans cette cité de la désolation aux murs de parpaings et aux toits en ethernit sont impossibles. Originaires de M’sila, les 187 familles qui y habitent dans la promiscuité sont là depuis 1959. C’est pour protester contre les conditions infernales de leur mode de vie qu’elles ont bloqué depuis lundi la RN 12 au niveau de l’hôpital psychiatrique jouxtant leurs mansardes lézardées et empestant la mort. Les habitants ont tenu à ce que nous la visitions après avoir décliné notre identité et le nom du journal car, apparemment, certains titres sont indésirables ici. Mais, pour ce faire, il faut se boucher le nez devant ces odeurs pestilentielles et éviter les mares d’eau trouble. Leurs demandes pressantes de recasement dans des conditions décentes remontent à 1962. Elles sont réitérées à intervalle régulier depuis cette date. Et ce ne sont pas les promesses qui ont manqué. Les habitants vous citeront un à un les responsables qui se sont succédé à la tête des administrations locales et les partis politiques qui les ont «abreuvés de promesses», ce pourquoi ils n’entendent pas céder un pouce de leurs revendications en adressant leur appel au président de la République. A court terme, ils exigent un engagement écrit du wali pour lever le siège sur ce tronçon dont les images d’apocalypse avec ces pneus brûlés et les tas de gravats et de terre déversés sur la chaussée pour empêcher la circulation. Un membre de la cellule de crise informe nos interlocuteurs que le chef de daïra les attend non loin de là pour discuter du problème. «Nous ne nous adresserons pas à lui», rétorquent-ils visiblement blasés d’avoir affaire «à la petite autorité». Des dizaines de bus sont bloqués de ce fait des deux côtés de la route d’où débarquent des centaines de voyageurs pour la traverser et faire jonction avec les bus stationnés non loin. Munis de gourdins, les jeunes de la cité sont prêts à en découdre malgré les appels au calme du comité de crise qui a déroulé les dossiers de régularisation. Leur présence est aussi pour sécuriser les voyageurs dont une femme a été délestée de sa chaîne en or. «On veut nous imputer ces actes pour discréditer notre image et notre action auprès des citoyens», s’insurgent les jeunes manifestants qui ont engagé une course-poursuite contre le voleur qu’ils ont identifié. Un bureau d’études local aurait attesté de la solidité de la parcelle en question, battant en brèche les supputations de l’administration, soutiennent les manifestants qui énumèrent les démarches pour la cession de la parcelle de terre de 5 ha à usage d’habitation. Les interdits qui leur ont été opposés ne concernent pas «quelques barons locaux» qui ont été autorisés selon eux à construire en dur des bâtisses imposantes sur cette parcelle qui leur est interdite. La maquette prévoit un ensemble d’habitations avec toutes les servitudes, dont une mosquée et une école puisque leurs enfants effectuent près de 6 km à pied pour rejoindre l’école d’Alma au mépris des dangers. Pour ces habitants de la misère, leur demande de bénéficier de la loi portant résorption de l’habitat précaire est un droit. Ils évoquent une promesse faite en 2010 par le premier magistrat de la wilaya qui aurait assuré aux habitants du bidonville que leur problème serait réglé dans les trois mois. Et depuis beaucoup d’eau a coulé sous les ponts sans que rien de nouveau vienne les soulager des conditions extrêmes qu’ils vivent depuis plus de cinquante ans.
S. Hammoum