On en parle très peu, aucune étude spécialisée ou statistiques ne sont disponibles, mais le harcèlement moral en milieu professionnel existe bel et bien en Algérie et des milliers de travailleurs et travailleuses en souffrent.
A l’inverse du harcèlement sexuel qui s’exerce généralement contre des femmes travailleuses par des responsables hiérarchiques ou des patrons, le harcèlement moral concerne les deux sexes et pousse dans la plupart des cas les employés à sombrer dans la dépression et parfois à quitter définitivement leur lieu de travail.
Cette forme de violence est l’œuvre de responsables pervers qui commettent une «persécution» morale à l’encontre des travailleurs ciblés pour les contraindre à démissionner. Le harcèlement moral n’est pas visible et ne laisse pas de traces concrètes sur la victime, mais s’exerce sous diverses formes pendant une longue période. Il y a eu des cas rapportés par la presse ou dénoncés par des organisations syndicales, mais il est toujours difficile d’apporter des preuves tangibles contre les auteurs de cette forme de violence.
La seule voie possible pour son dévoilement consiste dans les témoignages des collègues, mais ces derniers se retrouvent contraints de passer sous silence ces graves dépassements de peur de perdre leur emploi. «Il faut mettre en place un dispositif juridique à même de protéger les témoins car sans l’apport de ces derniers, il est quasiment impossible d’apporter des preuves contre l’agresseur», a souligné, récemment, Nadjia Zeghouda, syndicaliste et militante des droits de l’Homme, lors d’un séminaire organisée par la fondation Frederich-Ebert-Stiftung à Alger.
Le harcèlement moral est défini comme un ensemble d’agissements altérant l’intégrité physique et psychique du travailleur. C’est une conduite abusive de la part d’un supérieur, qui, par sa répétition et sa systématisation, porte atteinte à la dignité du salarié, selon une récente étude réalisée par Kamel Rahmaoui, chercheur en sciences juridiques.
Plusieurs procédés sont utilisés par le chef hiérarchique qui cherche à humilier son subalterne : absence de toute forme de communication, brimades et remarques désobligeantes, privation de toute forme d’activité, lui confier des tâches ingrates ne correspondant ni à son grade ni à ses compétences professionnelles, etc., précise l’auteur.
La forme la plus répandue du harcèlement moral en Algérie consiste à mettre la victime dans «un placard doré», c’est-à-dire le garder dans son poste sans lui permettre d’exercer son travail. «Cette forme de violence est notamment pratiquée dans les administrations publiques.
Le chef hiérarchique ne perd rien, si l’employé, cible de harcèlement, ne fait pas son travail car il est tout simplement payé par l’Etat. L’employé se sent alors inutile et perd confiance en soi, ce qui se répercute négativement sur sa santé physique et psychologique», a expliqué Nassera Merah, sociologue, qui insiste sur la nécessité de mener des enquêtes relatives à cette violence et mettre en place des lois qui protègent les employés.
A.H