A force d’être sollicité, le gouvernement a fini par apprivoiser le problème du logement
Un toit décent et le reste on en reparlera après. C’est la rengaine répétée jusqu’à l’usure dans les favelas qui ceinturent la capitale.
Le compte à rebours a commencé. A 48 heures du début de la grande opération du relogement annoncée par le wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, le temps est figé dans les favelas de la capitale. «On attend samedi 21 juin et nous prions Dieu que l’on fasse partie de la liste», souhaite Djamel, agent de sécurité dans une médiathèque de la ville d’Alger. Kadirou, lui, promet à ses amis un grand couscous «pourvu que l’Etat me gratifie d’un logement que j’attends depuis 20 ans».
Les sujets de discussions ne portent plus sur la défaite de l’Equipe nationale mardi dernier contre la Belgique ou le prochain match contre la Corée du Sud dimanche prochain. Un toit décent avant le Ramadhan et le reste on en reparlera après.
C’est la rengaine qui est répétée jusqu’à l’usure dans les dizaines de milliers de favelas qui ceinturent la capitale. Dans un soucis d’équité et surtout de contrôle strict, une vaste opération de recensement a été discrètement opérée par les services de la wilaya. Le résultat a été effarant: quelque 72.000 habitations précaires ont été dénombrées à Alger (baraques, IMR, caves, terrasses, chalets), dont 16.000 se trouvent dans les haouchs (anciennes fermes coloniales). Ces habitations sont désormais dans un fichier national, et à chaque attribution de logements les bidonvilles seront immédiatement rasés puis clôturés avant que l’assiette foncière ainsi dégagée servira particulièrement à des espaces verts et éventuellement à d’autres bâtisses et infrastructures.
«Il s’agit de créer plus d’espaces verts et d’aires de détente pour la capitale qui étouffe depuis ces dernières années» affirme-t-on du côté de la wilaya d’Alger. La même instruction et la même rigueur ont été exigées également des autres wilayas, notamment celles limitrophes de la capitale. Le but étant d’en finir avec ces verrues qui rendent hideuses les villes du pays. Est-il concevable que dans un pays aussi riche comme l’Algérie subsistent encore des bidonvilles? Sur le pied de guerre, le wali d’Alger se lance le défi de rétablir la cité méditerranéenne dans ses droits: Alger ne sera que plus blanche. Aussi, annonce-t-il qu’un premier quota de 25.000 logements sociaux locatifs sera distribué en priorité aux familles des bidonvilles et des immeubles menaçant ruine (IMR), en plusieurs phases à partir de samedi 21 juin. Selon M.Zoukh, la wilaya a recensé 72.000 habitations précaires. D’ici la fin de l’année, la capitale compte réceptionner un quota supplémentaire de 11.000 logements sociaux locatifs sur un programme de 84.000 unités destinées à la lutte contre l’habitat précaire. Sur instruction du président de la République, le gouvernement a, à son tour, instruit tous les walis d’accélérer le processus de distribution avant le mois de Ramadhan. Selon le ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, le nombre de logements, prêts à être distribués a été estimé à 230.000 sur le territoire national.
A force d’être sollicité, le gouvernement a fini par apprivoiser le problème du logement. De stratégie électorale, il en fait un moyen de stabilité sociale. A titre d’exemple, les autorités n’ont plus besoin de mener une grande campagne pour rassurer les citoyens sur la disponibilité des produits de large consommation, sur les stabilités des prix des fruits et légumes durant le Ramadhan. Comme à chaque arrivée du mois sacré, le spectre d’un mécontentement généralisé, la crainte d’émeutes taraude les autorités. Cette année, une parade implacable a été trouvée. Il suffit de contenir une éventuelle agitation qui serait venue des bidonvilles, ces lieux de marginalisation oubliés et laissés-pour-compte depuis des années. C’est ce qui est fait. Tout ce beau monde est suspendu à cette opération de relogement. Mais gare aux fausses promesses!