Dès l’aube des indépendances africaines, depuis les années 60s du siècle dernier, un rêve audacieux a germé : celui de bâtir un pont routier traversant le désert du Sahara, reliant les nations du Nord de l’Afrique à celles du Sahel.
Ce projet titanesque, baptisé Route transsaharienne (RTS), ne se résume pas à une simple infrastructure de transport. Il incarne une promesse de développement et d’intégration continentale. En Algérie, dès les années 1970, le président Houari Boumédiène a été un fervent artisan de cette initiative, la baptisant « La route de l’unité africaine ». Plus de cinq décennies plus tard, ce projet est en passe de devenir une réalité tangible. Son objectif principal, selon M. Mohamed Ould Mohamedi, Secrétaire général du Comité de liaison de la route transsaharienne (CLRT), est de « transformer la RTS en un corridor logistique, voire un corridor économique ».
L’ambition est grande : faciliter le transit, dynamiser le commerce et générer des investissements le long de son tracé pour désenclaver des régions entières. Ce gigantesque chantier, qui s’étend sur près de 10 000 km, est aujourd’hui achevé à plus de 90 %. Il relie l’Algérie, le Mali, le Niger et le Nigéria, avec des ramifications vers la Tunisie et le Tchad.
Ainsi, la RTS est un catalyseur potentiel pour le commerce interafricain, un moteur de croissance et un pilier essentiel dans la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). En d’autres termes, elle s’érige en un outil stratégique pour l’avenir économique du continent.
Un chantier pharaonique pour désenclaver les pays du Sahel
Le projet de la Route transsaharienne est un exemple de la détermination africaine à surmonter les obstacles géographiques pour favoriser l’unité et le développement. Ce chantier dont l’axe principal relie Alger à Lagos, est sur le point d’être finalisé.
« Il y a 2500 km en Algérie, 1000 km au Niger et 1000 km au Nigéria qui sont pratiquement finalisés », a précisé M. Mohamed Ould Mohamedi, secrétaire général du Comité de liaison de la route transsaharienne, lors d’une interview sur les ondes d’Alger Chaîne III. La RTS ne se limite pas à cet axe central. Elle se ramifie en d’autres voies, comme l’axe Tamanrasset-Bamako au Mali et l’axe Niamey-N’Djamena au Tchad, ainsi qu’une liaison vers la Tunisie (Gabès).
La route transsaharienne représente une opportunité sans précédent pour les pays du Sahel, en particulier pour les nations enclavées comme le Mali, le Niger et le Tchad. Elle leur offrira un accès direct et plus rapide aux ports méditerranéens algériens, ce qui réduira considérablement les coûts et les délais de transport. En effet, une étude menée en 2021 par la CNUSED avec le CLRT a révélé que les pays enclavés gagneraient « pratiquement une douzaine ou 13 jours » en transitant par les ports algériens, comparativement aux ports guinéens.
Cette réduction des délais est cruciale pour l’approvisionnement régulier de ces pays en produits de première nécessité et autres marchandises, améliorant ainsi leur sécurité alimentaire et leur stabilité économique. Par conséquent, la route transsaharienne est bien plus qu’une simple route, c’est une artère vitale qui injectera un sang neuf dans les économies du Sahel.
Faire de la Route transsaharienne un corridor économique
Aujourd’hui, alors que l’infrastructure physique est largement en place, le principal défi consiste à transformer la Route transsaharienne en un véritable corridor économique. Selon M. Mohamed Ould Mohamedi, le but est de « mettre en valeur » l’investissement colossal que représente la RTS.
Ce processus de valorisation passe par la mise en place de mesures de facilitation du transit et du commerce entre les pays impliqués. Il s’agit d’harmoniser les réglementations douanières, de simplifier les procédures administratives et de créer un environnement propice aux affaires le long du tracé. C’est dans cette optique que le CLRT s’efforce de promouvoir ce projet comme un outil essentiel pour la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
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En outre, la RTS est un puissant catalyseur pour l’investissement privé. Les opportunités d’affaires abondent dans des secteurs variés tels que le tourisme, la logistique et les services. L’ouverture de cette route crée un besoin en infrastructures d’accompagnement : stations-service, hôtels, restaurants, centres de maintenance et de stockage. « Le privé national a un rôle à jouer dans le cadre de la mise en valeur de ces investissements », a souligné M. Ould Mohamedi.
Il a également insisté sur la nécessité d’attirer les partenaires étrangers pour exploiter pleinement le potentiel économique de la région. Ainsi, la RTS n’est pas seulement une infrastructure de transport ; elle est un pôle de développement économique qui pourrait créer des milliers d’emplois et stimuler la croissance dans des régions jusqu’ici marginalisées.
Un projet stratégique pour l’intégration africaine
Le projet de la Route transsaharienne est l’incarnation d’une vision d’intégration et de coopération panafricaine. Dès sa conception, il a été pensé comme un outil de cohésion régionale, un moyen de rapprocher les peuples et les économies.
Cette route est le fruit d’une collaboration de longue date entre plusieurs pays africains, symbolisant leur engagement à surmonter les frontières pour un objectif commun. L’Algérie, en particulier, a joué un rôle moteur dans la réalisation de ce projet, notamment en désenclavant ses propres régions de l’extrême sud, comme l’a rappelé le secrétaire général du CLRT : « au début des années 70, […] c’était pour ce qui est de l’Algérie désenclaver toutes les zones de l’extrême sud du pays ». De la même manière, la route offre aujourd’hui une bouffée d’oxygène à ses voisins enclavés.
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Malgré les progrès, le chemin est encore long. La transformation de la RTS en un corridor économique nécessite une collaboration continue entre de nombreux acteurs. Comme le précise M. Ould Mohamedi, il s’agit d’un « travail de très longue haleine parce qu’il implique beaucoup d’opérateurs, beaucoup de partenaires, beaucoup d’institutions qui doivent se mobiliser ». La complexité de cette tâche réside dans la nécessité de coordonner les efforts de différents gouvernements, d’organisations internationales et du secteur privé pour créer un environnement harmonisé qui facilite le commerce et l’investissement.
La mise en place de la ZLECAf ajoute une couche de complexité, mais aussi d’opportunité, en fournissant un cadre continental pour ces efforts. En bref, la réussite du projet dépendra de la capacité des pays à travailler de concert, à résoudre les défis réglementaires et à attirer les investissements nécessaires pour maximiser les retombées économiques.
La route transsaharienne signe sa présence à l’IATF 2025
La Route transsaharienne est bien plus qu’une simple infrastructure routière. Elle est un vecteur d’intégration, un moteur de développement et un symbole de la volonté africaine d’autonomie. Née de l’idéal panafricain, elle a traversé les décennies pour se muer en un projet concret, unifiant le Maghreb et le Sahel.
Avec plus de 90 % de ses 10 000 km achevés, elle est sur le point de libérer un immense potentiel économique pour l’Algérie et ses voisins enclavés. Le défi de la prochaine étape sera de la transformer en un corridor économique, en facilitant le commerce, en attirant les investissements et en s’alignant sur les objectifs de la Zone de libre-échange continentale africaine.
L’histoire de la RTS est celle d’une vision qui a résisté à l’épreuve du temps. Le Comité de liaison de la route transsaharienne (CLRT) joue un rôle crucial dans ce processus de valorisation, comme l’a indiqué M. Mohamed Ould Mohamedi : « Durant l’IATF (Foire commerciale intra-africaine, 2025), nous serons présents, le CLRT présentera des conférences… nous ferons la publicité qu’il faut pour assurer un développement harmonieux de notre projet ». Il est clair que la route transsaharienne représente un atout majeur dans la quête de l’Afrique pour une croissance durable et inclusive. Elle est une invitation à l’action, un appel au secteur privé national et international à investir dans l’avenir du continent.
En fin de compte, la réussite de la RTS ne se mesurera pas seulement à la qualité de son asphalte, mais à la prospérité qu’elle apportera aux millions de personnes qui vivent le long de son tracé. C’est un projet qui redessine la géographie économique de l’Afrique, en la rendant plus connectée et plus autonome.