Des juristes redoutent un viol de la loi dans l’affaire El Khabar: Le spectre de “la justice de la nuit”

Des juristes redoutent un viol de la loi dans l’affaire El Khabar: Le spectre de “la justice de la nuit”

Les avocats interrogés ne pensent pas moins que cette affaire cache mal “un malaise” politique qui plombe les hautes sphères du pouvoir.

Au-delà de la maladresse de la procédure engagée par le ministère de la Communication pour annuler une cession d’actions d’El Khabar au profit de Ness-Prod, des avocats pensent que l’épilogue du bras de fer risque d’être un coup de force. “Les déclarations de l’avocat du ministère donnent, peut-être, un avant-goût de ce que sera la suite de l’affaire”, pensent des avocats interrogés, hier, alors qu’ils participaient à une journée d’étude sur le code de procédure pénale, organisée à Alger.



Indépendamment du fait que ces spécialistes du droit mettent en garde contre toute instrumentalisation de la justice à des fins, qu’ils disent, “non avouées”, ils précisent que l’avocat du département de Hamid Grine, qui a déclaré que le ministère peut se substituer à l’Autorité de régulation du fait qu’elle n’est pas installée, “relève d’un abus de pouvoir et de mépris des textes de loi”. “La justice de la nuit peut encore sévir”, alertent-ils, soulignant que “le fait que le pouvoir se soit engagé dans cette guerre, il est dans l’obligation de trouver des artifices juridiques ou d’en fabriquer d’autres pour aller au bout de sa logique répressive”. Ils prennent pour exemple l’article 25 que le ministère de la Communication “veut remodeler” à sa guise. “L’article 25 interdit à une même personne morale de posséder, de contrôler ou même de diriger plus d’une publication périodique d’information générale de même périodicité”, a dit l’avocat dans un entretien à TSA.

Pour ces avocats, l’article ne concerne pas ce cas de figure du fait que la société qui a repris des actions à El Khabar “est une personne morale” qui “ne détient, ne contrôle et ne dirige aucune autre publication”. Les avocats interrogés ne pensent pas moins que cette affaire cache mal “un malaise” politique qui plombe les hautes sphères du pouvoir. “Il est évident que cette affaire est commerciale, mais la célérité avec laquelle le pouvoir l’a politisée relève plutôt d’une volonté manifeste de se prémunir contre toute publication journalistique qui ne lui est pas acquise”.

Ces avocats ajoutent que le pouvoir algérien manipule les lois “selon ses désirs”. Ils se rappellent l’affaire Khalifa, “un personnage fabriqué de toutes pièces avant de le liquider à travers des simulacres de procès qui n’ont vu que des lampistes payer pour ceux qui ont pris l’argent des Algériens”. Un avocat a précisé que parmi ces gens qui avaient bénéficié des largesses “financières” de Khalifa figurent “de hauts responsables qui ont mis sur pied des usines” et qui “n’ont jamais remboursé”.

“Dans un environnement sale, seuls les coups bas, la manipulation et la force ont droit de cité”, a estimé un avocat qui pense que du point de vue du droit “le ministère a pris une fausse route”, sauf que, a-t-il ajouté, “lorsqu’un pouvoir, agonisant et honni, se mêle d’une cession d’actions d’une entreprise privée au profit d’un autre privé qui a fait ses preuves, sachez que cela est un baroud d’honneur, c’est le signe d’une fin de vie”.