Les soldats ont été appelés en renfort aux policiers pour sécuriser le référendum d’aujourd’hui en Egypte
Quinze personnes ont été blessées hier lors de heurts à Alexandrie, deuxième ville d’Egypte, entre partisans et adversaires d’un projet de Constitution soumis aujourd’hui à un référendum, placé sous haute protection.
A Alexandrie, dans le nord du pays, des groupes des deux camps ont échangé des jets de pierres et des voitures ont été brûlées. La police est intervenue pour tenter de rétablir le calme, ont rapporté des témoins. Selon les services médicaux, 15 personnes ont été blessées dans les accrochages. Au Caire, quelque 2000 partisans du président Mohamed Morsi étaient rassemblés devant une mosquée de l’est de la capitale à l’appel de partis islamistes pour soutenir le projet de loi fondamentale. L’opposition, qui appelle au «non», organisait plus tard dans la journée des marches en direction du palais présidentiel, gardé par l’armée et situé à Héliopolis dans la banlieue du Caire. Des manifestations similaires se sont succédé depuis fin novembre, dégénérant à plusieurs reprises en affrontements entre les deux camps, qui ont fait huit morts il y a une semaine devant la présidence. Lors d’une conférence de presse du Front du salut national (FSN), principale coalition de l’opposition, le libéral Amr Hamzawi s’est dit «confiant que le peuple égyptien dira non à la Constitution des Frères musulmans», mouvement islamiste dont est issu M.Morsi. Le référendum doit se tenir aujourd’hui dans dix gouvernorats, dont Le Caire et Alexandrie et la région instable du Sinaï (est). Dix-sept autres gouvernorats voteront le 22 décembre. Quelque 120.000 soldats ont été appelés en renfort pour aider les 130.000 policiers à assurer la protection des opérations de vote. La division du pays en deux zones de vote successives a été décidée in extremis, manifestement pour faire face à un boycott de nombreux magistrats chargés de superviser le scrutin. Le projet de Constitution vise à doter le pays d’un cadre institutionnel stable, censé selon ses partisans refléter les changements intervenus dans le pays depuis la chute de l’autocrate Hosni Moubarak début 2011. L’opposition laïque, de gauche et libérale dénonce en revanche un texte adopté en toute hâte par une commission dominée par les islamistes, qui engendrera selon elle, une islamisation accrue de la législation et contient des lacunes en matière de protection des libertés. Ce référendum est également vu comme une forme de vote de confiance pour ou contre M.Morsi, élu à une courte majorité de 51,7% des voix en juin. M.Morsi peut compter sur la capacité de mobilisation de la puissante confrérie islamiste, mais il fait face à une profonde crise économique qui provoque le mécontentement populaire. Quelle que soit l’issue, ce référendum «va exacerber les tensions politiques et les ressentiments» entre un président qui a fait le choix de maintenir un texte controversé et une opposition dopée par la vague de contestation, estime Hani Sabra, un expert du centre d’analyse économique américain Eurasia Group. Mohamed El Baradei, prix Nobel de la Paix et figure de proue du FSN a déclaré que le projet de Constitution était «nul et non avenu», et que s’il était adopté, ses adversaires «feraient tout pour le faire tomber avec les moyens démocratiques et pacifiques». Il a prôné, dans une déclaration, un retour temporaire à la Constitution de 1971 (suspendue après la chute de Moubarak), le temps de rédiger un texte consensuel. La patriarche de la communauté copte (chrétiens d’Egypte, 6 à 10% de la population), Tawadros II, a pour sa part «appelé les Egyptiens à participer» au vote, sans exprimer ouvertement de préférence pour le «oui» ou le «non». L’église copte s’était retirée de la commission chargée de rédiger la Constitution pour protester contre certaines dispositions relatives à la loi islamique. Le scrutin concerne 51,3 millions d’électeurs inscrits, sur une population totale de 83 millions, qui fait de l’Egypte le pays le plus peuplé du monde arabe. Les Egyptiens vivant à l’étranger ont commencé à voter mercredi pour quatre jours dans les missions diplomatiques.