Ces glissements de terrains, qui ont causé des victimes et des dégâts collatéraux importants, interpellent les experts géophysiciens
Alger, Aïn El Hammam, Azzazga, El Tarf, Souk Ahras… et bien d’autres endroits ont été affectés par des glissements de terrains.
Les géophysiciens réunis hier, aujourd’hui et demain mer-credi pour le troisième séminaire de l’année, sur les huit programmés en 2012, vont étudier différents thèmes dont, notamment les essais géophysiques et aborder l’étude des sols. Si les nombreux glissements de terrain advenus ici et là dans le pays ne figurent pas de façon ponctuelle à l’ordre du jour des programmes de travail pré-établis, les séminaristes- techniciens ne manqueront certainement pas d’évoquer parallèlement, en marge des travaux, les cas de glissements de terrains ou d’effondrement (selon) survenus à Bouzaréah, Aïn El Hammam ou même ailleurs dans la capitale comme celui de vendredi au Boulevard des Martyrs.
Ces glissements de terrains, qui ont causé des victimes et des dégâts collatéraux importants, interpellent les experts géophysiciens, quant aux «carences» constatées qui mettent à nu les défaillances multiples de certains travaux routiers, urbanistiques, de canalisation des eaux usées ou potable, ou encore de mauvais drainage des eaux de pluie.
C’est ainsi que l’on a déploré la mort de deux personnes, une maman et son enfant, qui ont péri récemment à Alger (Bouzaréah), suite à un glissement de terrain causé par les fortes précipitations qui se sont abattues la semaine écoulée partout dans le pays, ou encore le sauvetage «in extremis» vendredi de deux familles vivant au Bd des Martyrs à Alger, pour ne citer que ces deux cas des plus récents.
Des situations graves ont été recensées sur les hauteurs de la capitale. On signale l’absence de murs de soutènement sous de nombreux terrassements destinés à des constructions ou encore très peu, voire aucun confortement des chaussées n’est réalisé lors de construction d’habitation ni par les particuliers, ni par les promoteurs immobiliers qui continuent de construire sur des talus abrupts et dangereux. Ces glissements de terrains ont mis à nu la complaisance des services de l’État, dont celui de l’urbanisme, qui octroient des permis de construire, sans «études très sérieuses avant de tenir compte des données techniques géophysiques très sérieuses avant de construire dans des zones intermédiaires en fonction de la topographie des lieux». Cette appréciation a été formulée, hier, lors d’un entretien avec L’Expression par M.Mohamed Belazougui, directeur du Centre national de recherche appliquée en génie parasismique (CGS).
Dans ses explications, il a souligné que «nul ne peut agir de façon précise pour éviter ces phénomènes et aucune technique n’existe pour ce faire». «Cependant, dira-t-il, «trois facteurs majeurs déterminent les conditions «sine qua non» que doit comprendre la nature du sol destiné à supporter un bâti quelconque: sa nature, le degré de la pente et l’eau.»
«Les glissements localisés ont des limites et plusieurs solutions existent pour parer à d’éventuels cas», a rassuré Belazougui. Les plus usitées sont les plantations pour retenir le sol, notamment sur les bassins versants contre le ruissellement pour freiner l’érosion des sols, et le drainage des eaux de pluie. Cette dernière méthode doit être réalisée à «une certaine profondeur du sol». Cette technique «abaisse le niveau de la nappe phréatique», prévient-il tout en révélant un autre moyen qui consiste à procéder à un «re-profilage du terrain selon différentes techniques».
Le directeur d’un département du CGS, Sadi Beddek, en l’occurrence, qui assistait à l’entretien, rappelait qu’auparavant «les gens ne construisaient pas dans certaines régions connues pour ces aléas. L’information circulait «de bouche à oreille» instaurant l’interdit de construire sur certains terrains. Aujourd’hui, regrette-t-il, les gens construisent sans aucune étude réaliste préalable», au demeurant obligatoire.
Le grave glissement constaté récemment à Aïn El Hammam est dû à «l’amoncellement d’anciens remblais sur lesquels ont été construits un marché et de grandes villas-immeubles», a précisé le directeur du CGS.
Un expert-docteur (M.N) en génie para-sismique, expliquait pour sa part que «les sols fins causent des glissements alors que les sols rocheux» provoquent des effondrements».
Vulgarisant les techniques de sauvegarde utilisées, il a expliqué que globalement, on peut intervenir après un glissement localisé à l’échelle d’un bâti en intervenant sur la pente, le drainage périphérique ou sur les travaux de soutènement. Par contre, «rien ne peut être fait» à une plus grande échelle. Dans ce cas, le premier indice constaté est une «légère inclinaison des arbres» qui témoigne de la présence d’eau en sous-sol.
Le second indice est «l’affaissement d’un sol ou des fissures» qui apparaissent. Il ne manquera pas de rappeler que «les anciens connaissent ces phénomènes et ne s’aventurent jamais d’y construire.»
Cet expert a également estimé qu’il faut dresser une carte de glissement de terrain par un bureau d’études spécialisé, comme l’a été celle établie après la catastrophe de Bab El Oued en 2001. Questionné sur le drame de Bouzaréah, où deux personnes ont trouvé la mort lors d’un glissement de terrain, il dira qu’une «carte du massif de cette localité existe. Les zones sont classées en rouge, vert et orange selon les dangers potentiels de glissements ou d’inondations.» Il ajoutera qu’une couche de terre de zéro à trente mètres d’épaisseur par endroits, revêt cette zone complètement rocheuse», ce qui explique les glissements constatés.
A El Biar, au boulevard Bougara plus précisément, un autre glissement de terrain menace d’emporter une partie du quartier. Un chantier a toutefois été échafaudé pour conforter le talus et traiter le glissement qui a provoqué des fissures dans le corps de chaussée. Les travaux, entamés il y a plusieurs mois, traînent en longueur alors que la menace d’un gigantesque glissement de terrain se précise dangereusement.
Néanmoins, des particuliers et des promoteurs immobiliers continuent de construire sur des talus abrupts, ceci apparemment, loin de tout contrôle technique. Il se trouve que la capitale n’est pas la seule ville du pays à être touchée par les glissements de terrains. La terre a partout dangereusement bougé.
Des études de sol bâclées? Réalisées à la hâte? Ces conclusions trop hâtives ne sauraient tout expliquer à elles seules. Selon certains experts, dont l’avis reste à vérifier, «l’Algérie n’investit pas suffisamment dans les études et lance souvent de grands projets, avec des plans de réalisation incomplets».
En début février, l’Algérie avait été confrontée à un hiver rude, avec de la neige et des pluies torrentielles. Ainsi, à Azzazga (w. Tizi Ouzou), un glissement de terrain, ce phénomène naturel est observé depuis 1953, menace d’emporter une partie de la ville. À Lakhdaria (w. Bouira), la RN 5 a été fermée à maintes reprises ces derniers mois en raison d’éboulements et de chutes de pierres.