Des femmes qui se droguent témoignent à l’expression, »Un joint a détruit ma vie »

Des femmes qui se droguent témoignent à l’expression, »Un joint a détruit ma vie »

Les femmes, jusque-là éloignées de ce fléau, sont davantage concernées

Durant l’année 2012, quelque 100 femmes dont 7 mineures et 93 adultes ont été arrêtées par les services de sécurité.

Elle a commencé par curiosité, ensuite par simple habitude et elle a fini par devenir accro de la drogue. Safia, âgée de 39 ans est devenue une vraie consommatrice. «Si c’était à refaire, je ne prendrai, jamais ce premier joint qui a complètement changé ma vie. Je me retrouve accro aujourd’hui à ce poison», témoigne-t-elle avant d’ajouter avec un amer regret: «La drogue a détruit ma vie, elle m’a conduite vers le chemin de la délinquance et la perdition.» Accoutumée à la poudre blanche, Safia certifie que «la consommation de la drogue dans notre pays est déclenchée par les conditions de vie difficiles. Les jeunes ont besoin de fuir leur réalité amère, dans le cas des pauvres, ils ont besoin d’oublier leur situation».

Si l’alerte est donnée à travers ces chiffres publiés chaque fois par les services de sécurité, il n’en demeure pas moins que la consommation de la drogue est réelle dans la société algérienne. Les femmes, jusque-là éloignées de ce fléau, sont davantage concernées.

Fatima, dévoile qu’elle était adolescente lorsqu’elle s’est essayée à la drogue. Elle révèle que «c’était les erreurs de la jeunesse et le goût de l’aventure qui m’ont mené vers cette situation dramatique. Je n’avais que 18 ans, lors de mon premier skunk, dans un salon de thé entre copains, et jour après jour je suis devenue accro, sans m’en rendre compte» témoigne cette femme qui a fini par abandonner ses études supérieures. La consommation de la drogue par les femmes est un sujet tabou qui n’est abordé que du bout des lèvres. Pourtant, sauf à se voiler la face, ce phénomène ravageur est bien là, touchant de plus en plus de femmes jeunes et moins jeunes, principalement dans les grandes villes du pays.

L’usage de la «came», notamment le cannabis fumé par les femmes, se fait dans des cercles très restreints, soigneusement et hermétiquement fermés aux regards indiscrets. Sarah, jeune étudiante de 26 ans, consommatrice invétérée révèle pour sa part, qu’elle a pris son premier joint, elle aussi, par simple curiosité. Fait grave, c’est qu’elle souligne que «l’obtention de la drogue est facile, surtout vu le prix relativement bas. Ainsi, à la portée de tout le monde, la drogue est disponible comme toute autre marchandise ordinaire, elle est devenue, sans exagération, de plus en plus demandée et consommée» témoigne-t-elle.

«Je la trouve partout»

«Personnellement, je ne trouve aucune difficulté pour l’avoir, elle envahit le marché, les universités et les clubs.»

Selon plusieurs témoignages que nous avons recueillis, les femmes ne consomment pas uniquement des joints mais elles s’adonnent aussi aux psychotropes. Ce type de comprimés contient généralement de l’opium qui existe aussi sous forme de poudre et de liquide. Au regard des saisies considérables de quantités de drogues annoncées par les services de sécurité, on constate que le problème des stupéfiants en Algérie a pris, au cours de la dernière décennie, une ampleur jamais égalée. Chaque jour, de nouveaux adeptes, des jeunes des deux sexes pour la plupart, entrent dans la dépendance de la toxicomanie qui est aujourd’hui un véritable fléau social.

Selon le dernier bilan de la Dgsn, 11.780 personnes accusées de consommation ou de trafic de drogue ont été arrêtées, parmi les interpellés, on note la présence de 100 femmes (7 mineures et 93 adultes). Elles étaient 65 dont 2 mineures en 2011. Située en tête de liste des stupéfiants, la résine de cannabis, plus connue sous d’autres cieux sous les noms de kif, marijuana ou haschich, demeure la drogue la plus consommée par les femmes.

Elle se présente sous deux formes et porte plusieurs noms dans le langage des consommateurs algériens: herbe, zetla, weed, skunk, ganja ou le crack… D’autre part, le problème le plus inquiétant est l’apparition des drogues dures sur le marché algérien, un fléau jusque-là inconnu. En effet, pas moins de huit kilos de cocaïne et un kg d’héroïne ont été saisis par les services de sécurité. De même qu’une quantité de 56 tonnes de cannabis et 267 234 comprimés psychotropes a été également saisie en 2012, selon les services de communication de la Dgsn. Ce poison mortel, débarque désormais en Algérie par les frontières Ouest et Sud-Ouest. «Aujourd’hui des citoyens lambda, voire même des citoyennes, car des femmes de tous âges et de tous les milieux sociaux, avec une vraie vie de famille, ont peu à peu sombré dans la toxicomanie après avoir pris goût à des doses de stupéfiants alignées trait sur trait, soit pour faire la fête, chercher l’évasion de l’âme, fuir des événements douloureux ou encore tenir le coup professionnellement», souligne un psychologue dans un hôpital public.

Et le piège se referme…

Il révèle que «c’est ainsi que la drogue entre insidieusement dans leur vie. Dans des moments de lucidité, elles voudraient bien s’en détacher mais ne peuvent plus s’en passer, et c’est le piège qui se referme». De nos jours, l’âge d’initiation à la drogue baisse alors que le nombre de femmes et d’enfants qui prennent de la drogue augmente et cela devient particulièrement préoccupant. «Une dose de cocaïne suffit largement pour les rassurer: elle leur permet de s’éclater et de

retrouver des sensations fortes propices aux rêves, et c’est aussi la quête du plaisir de se laisser aller à tous les fantasmes, de vivre l’euphorie tant désirée, le temps d’une soirée ou d’un week-end. La drogue permet aux toxicomanes d’avoir un sentiment de puissance.» Pour certaines, le sentiment de se laisser aller à des excès destructeurs est toujours présent, ce qui explique que dans la majorité des cas, elles essaient d’observer une stratégie de gestion de cette accoutumance par une planification de leur consommation, pour éviter la descente rapide aux enfers.

Il précise que «la dépendance aux produits stupéfiants sous toutes leurs formes, notamment à la cocaïne sniffée est toujours dangereuse et présente des risques réels, au double plan physique et psychique. Sautes d’humeur, maux de tête, sudations importantes, tremblements des membres, palpitations, impression de lenteur et délires paranoïdes, peuvent s’accompagner d’autres problèmes physiques.» «Outre la nécrose de la cloison nasale, il y a le risque d’accident vasculaire cérébral et la crise cardiaque en cas d’utilisation intense, voire d’overdose. Quand la cocaïne devient un véritable centre d’intérêt pour le consommateur et qu’elle occupe une place trop importante dans sa vie, sans aucune stratégie de gestion de son accoutumance, c’est là que surgit le danger, notamment quand le consommateur est tenté d’augmenter les doses en période de grand stress ou face à un choc événementiel», regrette le psychologue.