Les conséquences économique, financière et sociale qu’engendrerait un tel seuil critique des cours du brut sur le pays risquent d’être dramatiques…
Tous les experts, très au fait de la chose économique, s’accordent à dire que les conséquences d’un prix du baril de pétrole à 40 dollars feront sombrer le pays dans une crise financière aux méfaits identiques à ceux de l’année 1986. À partir de 2017, si les cours du brut atteignaient ce niveau, l’Algérie subirait de plein fouet l’impact d’une véritable crise financière. “Le pays ne va pas vivre une crise économique mais plutôt financière car les institutions publiques continueront à fonctionner. Les conséquences sur le plan social notamment les secteurs de la santé, de l’habitat, de l’éducation, de la téléphonie… ne seront pas trop perceptibles. Les grands projets structurants, en revanche, seront, quant à eux, reportés à une date ultérieure, voire remis en cause”, explique l’économiste Abdelmalek Serraï.
La solution face à une telle probabilité est, selon l’expert, de lever toutes les barrières surtout celles qui bloquent le foncier agricole et industriel entravant ainsi l’investissement dans plusieurs domaines. “L’Algérien peut relever le défi. Des milliers d’hectares peuvent être exploités dans le secteur agricole pour la production de nombreux produits tels que les céréales”, indique M. Serraï. “Ce sont la bureaucratie et le blocage administratif qui posent problème, ce n’est pas la crise économique”, ironise M. Serraï. Il demande aux pouvoirs publics de libérer le foncier et de pousser les banques à accorder plus de crédits qui ne sont pas encore démocratisés. L’expert recommande une politique nationale de solidarité avec comme fondement l’ouverture de la manne, c’est-à-dire les finances, les terres agricoles et industrielles, par le gouvernement au profit des vrais investisseurs.
Dès 2017 et 2018, la donne sur le marché va changer surtout avec l’arrivée en force de l’Iran qui peut causer un déséquilibre des stocks de pétrole. M. Serraï préconise de ce fait la tenue d’une rencontre nationale de solidarité économique qui regroupera tous les opérateurs dont les recommandations seront considérées comme des engagements de la part de ces derniers (investisseurs). À l’Exécutif, cependant, d’ouvrir les portes à tous les détenteurs de projets viables.
La politique sociale subira-t-elle un changement ?
Pour Mourad Ouchichi, enseignant d’économie à l’université de Béjaïa, l’Algérie risque vraiment de vivre la même situation que celle de l’année 1986. Il en veut pour preuve les prix de l’or noir qui ne connaîtront pas une hausse de sitôt surtout avec l’entrée en production de l’Iran. La politique sociale du pays va, selon lui, subir des changements. Il citera certaines subventions en dehors de celles relatives aux produits alimentaires de large consommation, qui pourraient être supprimées telles que la bonification de 1% du logement, l’Ansej… “Il va y avoir une remise en cause partielle et insidieuse pour des raisons évidentes…”. L’universitaire fait certainement allusion à une éventuelle explosion du front social que le gouvernement veut éviter lors de la prochaine rentrée. “Car, l’État ne pourra pas maintenir le même volume de dépenses avec un cours de brut à 50 dollars déjà”, précise M. Ouchichi. L’enseignant craint le pire parce que si l’on poursuivait la même politique sociale prônée actuellement, l’État pourrait recourir à l’endettement extérieur. “Ce sera une décision très dangereuse et nous risquons de vivre la même période post-1986 avec tous les dommages qui en ont découlé”, avertit Mourad Ouchichi.
Un seuil critique des cours du baril de pétrole estimé à 40 dollars va, affirme Samir Bellal, maître de conférences, université de Boumerdès, aggraver les contraintes budgétaires qui seront, par conséquent, difficiles à gérer. “Ce qui serait important, c’est d’évaluer la situation à moyen et long terme car, jusque-là, les mesures prises par le gouvernement surtout celles de la LFC 2015, n’auront pas un impact réel”. Devant pareille crise, déplore-t-il, l’on continue à gérer et à fermer les yeux comme si de rien était. “On a peur de procéder à des ajustements qui risquent d’être impopulaires et douloureux”, avoue M. Bellal.