Des experts analysent l’ère Chadli « Des réformes économiques courageuses »

Des experts analysent l’ère Chadli « Des réformes économiques courageuses »

Les réformes économiques engagées par le défunt président Chadli Bendjedid restent, en dépit de certaines critiques, les plus « courageuses et les plus profondes » de l’histoire de l’Algérie, car ayant mis fin à trente ans de règne d’une économie trop centralisée, s’accordent à dire des économistes interrogés par l’APS.

« Les réformes économiques initiées sous la présidence de Chadli Bendjedid étaient les plus courageuses et les plus profondes, eu égard à la situation qui prévalait », estime l’économiste algérien, Abdelhak Lamiri. Pour cet économiste, les « collaborateurs du défunt président Chadli, qui a présidé le pays pendant 13 ans (février 1979-janvier 1992), ont estimé que le sur-investissement, l’excès de centralisation et la sous-gestion menaient vers une impasse ». C’est sur la base de ce diagnostic qu’allait s’articuler la démarche économique de cette équipe dont la principale réalisation, dira M. Lamiri, a consisté à « abandonner l’industrialisation mal gérée de l’époque et opter pour une meilleure diversification de l’économie ».

« Si on avait continué le processus d’industrialisation, on se serait retrouvé avec une dette de plus de 100 milliards de dollars et les assainissements, aujourd’hui, auraient coûté cinq fois plus au budget de l’Etat », remarque l’économiste. Mais la chute des prix du pétrole en 1986 a conduit l’Algérie à se refinancer à très court terme et avec « des conditions désastreuses », car le Fonds de régulation n’existait pas à cette époque », rappelle le même l’expert. Les « erreurs » commises lors des réformes, comme l’endettement à court terme et l’application du PAS (Plan d’ajustement structurel), qui avait pesé trop lourd sur les finances publiques, étaient, quant à elles, « rattrapables », aux yeux du Dr. Lamiri. La période économique du président Chadli et de son Premier ministre, Mouloud Hamrouche, a donc connu des « correctifs sérieux » apportés à l’excès de centralisme et l’excès d’industrialisation incontrôlée et a ouvert la porte à une « ouverture économique profonde et prometteuse ».

Elle a surtout « évité à l’Algérie beaucoup de déboires », a-t-il conclu. De son côté, le conseiller économique indépendant, Abderrahamane Bankhalfa, estime que l’époque de Chadli représentait « la période dense de l’histoire économique du pays, car ayant permis une rupture entre deux modes de gestion opposés et une émancipation sociale sans précédent ».

L’ouverture sur l’économie de marché à la fin des années 1980, engagée dans une conjoncture financière internationale difficile, est la réforme « la plus courageuse » de l’histoire du pays, a-t-il encore soutenu. Rappelant les « réformes de première génération » adoptées par l’équipe Chadli dès 1988, l’ex-délégué général de l’Association des banques et établissements financiers (Abef) a énuméré, entre autres, l’élaboration de la première loi bancaire, la dotation des entreprises publiques de l’autonomie de gestion et l’émergence de la notion des capitaux marchands et non marchands. L’ouverture commerciale à travers l’autorisation aux opérateurs privés à importer a été « certes inévitable, mais a été été menée de manière trop rapide » ce qui a conduit, considère M. Benkhalfa, à l’émergence de l’importation au détriment de la production nationale.

Aussi, fallait-il, peut-être, opter pour des privatisations partielles des grandes sociétés publiques de l’époque, comme la Sonacome ou la Sonelec, pour leur assurer une gestion moderne au lieu de les démanteler en unités non fiables, estime-t-il encore. Le 12 janvier 1988, l’ère des réformes fut inaugurée avec la promulgation de six lois, rappelle l’ex-délégué général de l’Abef, qui a précisé qu’il s’agissait des lois relatives à l’orientation des entreprises publiques économiques, la planification, le nouveau régime des banques et du crédit, l’institution des Fonds de participation, le code de commerce, en plus des nouvelles mesures de la loi de finances pour 1989.

Détaillant ce dispositif, M. Benkhalfa note que « l’entreprise algérienne, débarrassée de la tutelle des administrations centrales, a été transformée en entreprise publique économique (EPE) autonome, alors que la loi 90-10 du 14 avril 1990 portant loi sur la monnaie et le crédit, préparée en 1986, a redéfini les conditions de gestion des banques et libéralisé l’investissement étranger. La réforme sociale s’est, d’autre part, manifestée par la promulgation de nouvelles lois qui révisaient le « statut général du travailleur », réorganisaient les relations de travail, réglementaient l’exercice du droit syndical et du droit de grève et redéfinissaient les règles de concertation entre les partenaires sociaux.

Toutes ces réformes n’ont, cependant, pas été bien « maturées », selon M. Benkhalfa, du fait de la chute des prix du pétrole et du contexte politique difficile qui a prévalu au cours de cette période. Cette situation a freiné le processus de réformes économiques et fait que l’économie nationale soit restée dépendante des hydrocarbures et tributaire de la volatilité des prix du pétrole.