Ce qu’il convient d’appeler les événements de Ghardaïa devraient nous inciter à beaucoup de vigilance par rapport aux menaces que de tels épisodes comportent sur la stabilité du pays.
D’autant que l’on constate qu’il y a en parallèle un vide intolérable en matière d’analyse et de compréhension des choses, face à une situation où des mots dangereux et qui ne sont pas sans conséquences apparaissent dans le débat public, tels que «conflits interethniques» ou «conflits entre Arabes et Mozabites».
Il faudrait vraiment être totalement insensible à la réalité et au devenir de son pays pour ne pas être choqué par de tels mots et voir en eux tous les dangers qu’ils comportent.
Cela ne veut pas dire que ces qualificatifs doivent obligatoirement être recouverts par le voile pudique de la censure, mais encore faut-il être certain de ce que l’on avance et, donc, manipuler ces mots avec beaucoup de prudence. Il est, on le pense, inutile de revenir sur les dangers et les brèches que cela ouvre dans ce que le discours officiel, mais aussi la terminologie de certains partis tels que le FLN ou le PT, appelle le front intérieur.
Tout comme on ne peut rester indifférents à une situation qui frappe une population entière et qui alourdit un passif en le rendant de plus en plus ingérable. En revanche, il semble pertinent de se demander pourquoi, encore à ce jour, nul n’est capable de cerner la réalité du problème et de dire quels sont les vrais événements déclencheurs des événements de Ghardaïa.
Question d’autant plus à propos que ce qui s’est passé dans la vallée du M’zab n’est absolument pas nouveau. Cela a rappelé à une bonne partie de l’opinion nationale les événements de Berriane qui comportaient d’ailleurs beaucoup de similitudes, selon les comptes rendus faits par la presse nationale.
On est en droit de se demander si, en définitive, nous ne sommes pas plutôt devant un phénomène qui, par définition, recèle un caractère cyclique et dont l’avènement obéît à la réunion périodique des mêmes facteurs.
On devrait attaquer le problème qui se dresse tel une énigme de plusieurs aspects, sociologiques, économiques, politiques, etc et voir pourquoi cette répétition des choses devant lesquelles les autorités n’ont aucune possibilité de prévention.
On découvrirait alors, sur la durée, quels sont les véritables causes de ces événements et les facteurs déclencheurs. On saurait alors ce qui provoque ces tristes événements, ce qui les entretient et on saurait alors la véritable part que recèlent les clivages communautaires.
Ces derniers sont-ils le coeur du problème ou juste des facteurs favorisants ? Les communautés, qui vivent dans cette région, sont-elles dans l’impossibilité de cohabiter sans ces crises périodiques ? Répondre à cette question n’est pas secondaire, car cela permettrait de connaître les véritables remèdes aux problèmes et de situer en quoi ont échoué les institutions de socialisation de l’Etat.
Quand le chanteur Idir a soulevé le problème de la citoyenneté lors d’une récente conférence à Alger, il a effectivement mis le doigt sur quelque chose de fondamental, car c’est uniquement par la citoyenneté que la République peut dissoudre le communautarisme.
Or, la citoyenneté est une vaste idée qui inclut les droits et les devoirs politiques, économiques et sociaux. On revient, après ce petit détour, à la nécessité d’une analyse froide et multidimensionnelle de ce qui s’est passé à Ghardaïa, mais aussi partout où les émeutes et les troubles sont devenus une loi quasi-naturelle.
C’est l’unique voie par laquelle les institutions de l’Etat peuvent entamer leur travail et mettre en oeuvre des solutions durables. Ce qui conforte cette idée, c’est que le gouvernement travaille depuis plus d’une année et demie déjà à un vaste programme économique et social au bénéfice du Sud et des Hauts-Plateaux, après les mouvements des chômeurs du Sud et, malgré cela, l’instabilité continue de s’exprimer.
On a lu qu’à Ghardaïa, quelques jours après que l’accalmie soit revenue, qu’une vaste opération de distribution de lots de terrain allait y être lancée. Est-ce donc cela la solution et, partant, l’explication aux conflits qui oppose les communautés protagonistes à Ghardaïa ? Certains ont suggéré qu’une commission d’enquête nationale soit dépêchée sur les lieux, notamment après les accusations dont la police nationale a fait l’objet.
On devine bien que cet appel ne risque pas d’être entendu, du moins au plan politique, car on ne doute pas qu’au plan interne, la direction de la DGSN a déjà pris les mesures qu’il faut pour tirer tout cela au clair. Reste que ce qui se passe à Ghardaïa n’est pas le fait de parties précises ou de personnes isolées, puisque, encore une fois, l’on a à faire à un phénomène qui s’installe dans la durée et au-delà de la valse des fonctionnaires et des chefs de tribu.
Un autre regard s’impose pour mieux comprendre, dégager les véritables clivages sociaux ainsi que les véritables intérêts politiques et économiques en jeu dans ce qui était autrefois la si paisible région de Ghardaïa.
N. B.
Évènements de Ghardaia: Lancement de la prise en charge des victimes
La ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, Souâd Bendjaballah, a annoncé samedi le lancement d’opérations de prise en charge des personnes touchées par les derniers évènements survenus dans la wilaya de Ghardaia, à savoir la restauration des constructions et l’indemnisation des propriétaires de locaux.
« En application des instructions du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, des opérations de prise en charge des personnes touchées par les évènements de Ghardaia seront lancées”, a déclaré Mme Bendjaballah sur les ondes de la Chaîne I de la Radio nationale soulignant que « l’urgence sera accordée aux élèves en leur procurant des manuels, des articles scolaires et des vêtements afin de leur permettre de poursuivre les cours dans de meilleures conditions ».
Elle a précisé que son secteur « contribuera aux opérations de restauration des constructions endommagées en coordination avec le ministère de l’Habitat et des autorités locales de la wilaya », rappelant que « 96 constructions ont été incendiées ».
Concernant les locaux commerciaux endommagés suite à ces évènements, Mme Bendjaballah a affirmé que son département ministériel « contribuera à l’opération d’indemnisation des propriétaires de locaux en coordination avec les autorités locales dans le cadre de l’action d’une commission composée de représentants des ministères de la Solidarité, de l’Habitat et de la Santé ».
Jeudi dernier, le Premier ministre Abdelmalek Sellal avait reçu une délégation de citoyens représentant les groupes ibadhtite et malekite de la wilaya de Ghardaia afin de mettre fin aux tensions qu’a connues cette wilaya ces dernières semaines.
Au terme de l’entrevue, plusieurs décisions on été prises pour un retour à la normale, notamment la création au niveau des communes touchées, d’un conseil de sages, un « espace d’arbitrage et de conciliation » sur la base de la « coexistence harmonieuse et pacifique » ancestrale qui prévalait dans cette wilaya..
Bilal L.