«Dans le cimetière d’Ain Beida, il y a plus d’enfants mendiants que de morts!», lance, avec regret, ce jeune homme qui vient périodiquement se recueillir sur la tombe de sa grand-mère.
Les visiteurs sont quasiment harcelés par une nuée de bambins. Nombreux n’hésitent pas à se cramponner à eux jambes pour leur arracher quelques dinars. Le phénomène de l’exploitation des enfants en bas âge par des mendiants professionnels, prend des proportions inquiétantes dans les rues de la ville.
La dernière opération de ramassage organisée par la direction de l’Action sociale et de la Solidarité (DASS), en collaboration avec le Croissant-rouge algérien (CRA), et les services de sécurité, a révélé que de nombreuses personnes, essentiellement des femmes, s’adonnaient à la mendicité en utilisant des enfants âgés de moins de dix ans qui, de surcroît, ne sont pas les leurs. Ces mendiantes professionnelles utilisent les enfants, parfois loués à des familles de condition modeste, dans le seul but d’attirer la compassion des passants.
Le montant de la location varie selon la constitution physique et l’âge des bambins. Les enfants handicapés, aveugles ou présentant une anomalie congénitale sont considérés comme étant des atouts utiles à la mendicité et leur location quotidienne auprès de leurs familles serait donc plus élevée que celle pour un enfant dit normal.
Les services concernés ont ainsi recensé cent-sept (107) enfants en bas âge utilisés par ces mendiantes professionnelles dont nombreuses sont fichées par la DASS et les services de sécurité. Dans les marchés, devant les mosquées, les hôpitaux, les restaurants, des grandes artères aux petites rues enclavées… le phénomène de l’exploitation des enfants en bas âge est devenu endémique.
Le choix des sites n’est pas fortuit. Certains axes sont devenus très prisés par les habitués de la mendicité, jusqu’à devenir partie prenante du décor à certains endroits. Les feux tricolores près du lycée Lotfi, ceux de l’hôtel Sheraton, la rue Larbi Ben M’hidi sur toute sa longueur ainsi que de multiples entrées de pâtisseries et autres commerces, les bars entre autres, sont devenus des endroits très prisés par les mendiants toujours accompagnés d’enfants.
Si le code pénal algérien punit d’emprisonnement les adultes qui se livrent à la mendicité, les enfants, même exclus de cette sanction, doivent bénéficier de la protection que leur confèrent les différentes conventions relatives aux droits de l’enfant, ratifiées par l’Etat algérien.
Le plus préoccupant est que certains enfants «loués» seraient issus de la DASS. Ils auraient été adoptés par de tierces personnes, dans le cadre de la kafala, pour exercer cette activité lucrative. A l’origine de cette situation, l’absence d’un mécanisme efficace pour le suivi des enfants adoptés.
A. Saïd