L’accord est presque scellé, reste les modalités pratiques de sa mise en application. D’anciens responsables du GA (Groupe islamique armé) du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) et du FIS ( Front islamique du salut ) négocient avec le pouvoir une amnistie générale pour des milliers de terroristes ainsi qu’un retour du parti islamiste sur la scène politique. Sous une forme ou une autre. Depuis l’arrivée au pouvoir du président Bouteflika, 17 540 terroristes on été graciés entre juillet 1999 et septembre 2010.
« Nous avons reçu une réponse positive à un très, très haut niveau. La réconciliation nationale évolue vers une amnistie générale, pour tourner la page de la tragédie », révèle au journal Le Monde ( mardi 24 mai) Hachémi Sahnouni, ex-responsable du FIS dissous en mars 1992.
Cet accord entre les islamistes et les autorités algériennes comprend 14 points dont trois sont connus : la levée de l’état d’urgence, la libération des prisonniers islamistes et le rétablissement de leurs droits civiques. Le reste du document n’as pas encore été divulgué.
Dans une déclaration faite dimanche 15 mai à l’agence Reuters, Hachémi Sahnouni indiquait que 7000 personnes emprisonnées pour des faits liés au terrorisme devraient bénéficier d’une mesure d’amnistie générale.
Au journal Le Monde, cet ancien dirigeant d’Al Hidjra Wa Takfir, une organisation violente affiliée au FIS, avance deux dates pour la mise en application de cette amnistie : le 19 juin ou le 5 juillet. « Ou bien ça sera le 19 juin (date du coup d’Etat du 19 juin 1965 contre le président Ben Bella, Note de DNA), mais à 90 % plutôt autour du 4 ou 5 juillet », estime-t-il.
En contrepartie de cette mesure, les personnes élargies s’engageraient par écrit à ne pas reprendre les armes.
Si cette nouvelle amnistie devait se confirmer, ce serait alors quelque 25 540 terroristes qui auront officiellement bénéficié d’une grâce de la part de l’Etat algérien.
Le président Bouteflika qui a fait de la réconciliation nationale le cœur de son programme politique a déjà gracié 17 540 terroristes entre juillet 1999 et septembre 2010.
Les négociations autour de ce nouvel accord ont commencé trois ans plutôt entre d’un côté le pouvoir et de l’autre un groupe de responsables du FIS et d’anciens émirs des groupes armés. Depuis cette date, quatre réunions ont été tenues.
Outre Sahnouni, les négociateurs sont Hassan Hattab, ancien chef du GIA et fondateur du GSPC, Rabi Cherif et Mourad Khabat également membres fondateurs du GSPC, Madi Abderahmane, fondateur du GIA, Ben Messaoud Abdelakder, ex-émir du GPSC dans le Sahara ainsi que Abdelfattah Zeraoui Hamadache, prédicateur emprisonné entre 1992 et 2003 date à laquelle il a été libéré.
Fondateur du GSPC, Hassan Hattab s’est rendu aux autorités en 2007 et vit désormais en résidence surveillée.
C’est donc ce groupe de sept personnes qui négocient avec les autorités sans pour autant préciser s’il s’agissait de militaires ou des responsables de la présidence ou des deux à la fois. On se souvient qu’en 1997, c’est l’armée qui a négocié directement avec Madani Mezrag, chef de l’AIS (armée islamique du salut) une trêve des armes qui aboutit à une amnistie des combattants de cette organisation en 1999.
Si le nombre de terroristes qui sortiront de prison devrait être de 7000, le sort d’Abderrazak El Para, émir du GSPC détenu dans un lieu secret depuis 2004, n’est pas encore tranché « Nous l’excluons pas de l’amnistie, affirme au Monde Abdelfattah Zeraoui Hamadache. Il est considéré comme un prisonnier et il est d’accord pour la solution de la réconciliation à condition qu’il conserve sa liberté d’expression. »
En l’absence d’un démenti officiel, tout porte à croire que le pouvoir décréterait donc une amnistie générale avant la fin de l’été.
Le président Bouteflika y est favorable même s’il tient à assortir cette mesure d’une condition. Le 9 avril 2009, le chef de l’Etat affirmait à Tamanrasset qu’il « n’y aura pas d’amnistie sans un dépôt total et définitif des armes ». Mais en matière de concessions accordées aux anciens terroristes, les autorités n’ont pas souvent fait dans le détail.
Alors que la loi exclut que les auteurs de viols et d’attentats à la bombe ou de massacres du bénéfice de la grâce, des centaines d’émirs et d’activistes sont aujourd’hui libres sans être passés par la case justice. Bien mieux de nombreux émirs ont pu recycler l’argent des maquis dans le commerce sans la moindre inquiétude.
Alors pour amener le pouvoir à respecter ces nouveaux engagements, les membres du groupe des sept mettent un coup de pression, quitte à recourir au chantage des armes. « Nous lançons un appel avant qu’il ne soit trop tard : ou bien on arrête la tragédie ou bien cela va continuer », affirme Hachemi Sahnouni.
Zeroaui Hamadache se fait plus explicite avec des accents que l’on croyait révolus : « Ou le chemin de la réconciliation, ou celui du sang. Si rien ne passe pas, des islamistes vont reprendre les armes et ce sera une guerre civile totale, que nous voulons éviter. »
L’amnistie générale un prélude aux retours du FIS sur la scène politique ? Sans doute, même si les initiateurs de ce mouvement prennent des gants, sans doute pour ne pas braquer les Algériens encore traumatisés par une guerre atroce qui a fait plus de 100 000 morts.
Alors vers un retour du FIS ? « Pas forcément sous la forme d’un parti », tempère Sahnouni dans les colonnes du Monde.
Même si le pouvoir écarte la perspective que l’ex-FIS participe à nouveau à la vie politique, ces anciens responsables ne désespèrent pas de revenir par la petite porte.