Des économistes suggèrent “un plan Gazelle” pour les PME

Des économistes suggèrent “un plan Gazelle” pour les PME

Des experts membres d’un Think Tank, (cercle de réflexion) suggèrent, lors de leur première rencontre organisée par Liberté, des politiques de soutien aux petites et moyennes entreprises, citant en exemples le “Small Business Act” adopté par le gouvernement des États-Unis en 1953 et le “plan Gazelle” lancé par le gouvernement français en 2006.

Si notre économie compte de très nombreuses “souris”, les très petites entreprises, et quelques “éléphants”, les grandes entreprises à rayonnement mondial, elle manque d’entreprises intermédiaires. Entre 2003 et 2009, le nombre de PME a pratiquement doublé atteignant plus de 400 000 PME en 2009, mais 96% d’entre elles sont des très petites entreprises (TPE). Les véritables PME ne représentent que 4% du total. L’Algérie compte ainsi moins de 10 PME pour 1 000 habitants (loin du standard mondial le plus bas : 50 PME/1 000 habitants). Du coup, des économistes et des experts membres d’un Think-Tank (cercle de réflexion) ont suggéré, jeudi, lors de leur première rencontre, organisée par le journal Liberté, sur “comment libérer les potentiels de l’entreprise privée pour relancer l’investissement, la production et la création d’emplois”, des exemples de politiques de soutien aux petites et moyennes entreprises et à l’émergence de “champions”, citant entre autres, le “Small Business Act” adopté par le gouvernement des États-Unis en 1953 et le plan “Gazelle” lancé par le gouvernement français en 2006.



De quelques idées reçues

Le professeur, Abdelmadjid Bouzidi, économiste, chiffres à l’appui, a démontré que contrairement aux idées reçues, hors hydrocarbures, l’économie algérienne est une économie privée. “Quand l’État s’occupe du public alors que l’économie est privée, je crois qu’il fait fausse route”, a-t-il estimé.

La part du secteur privé dans la valeur ajoutée hors hydrocarbures est estimée à 84%, avec les hydrocarbures, elle est évaluée à 47,4%. Le secteur privé est dominant dans toutes les branches industrielles sauf dans les ISMEE et les industries diverses. “On aimerait voir le privé dans les ISMEE, c’est parce que c’est là que l’industrialisation peut prendre corps”, suggère le professeur Bouzidi, relevant que le secteur privé représentent 77,7% de la production brute hors hydrocarbures. Les services fournis aux entreprises proviennent à 78,8% du secteur privé. Aux ménages, la part du privé est de 96,2%. “Tous ces indicateurs montrent bien que l’économie algérienne hors hydrocarbures est une économie privée”, insiste Bouzidi, avançant cinq raisons pour développer le secteur, des raisons tirées des expériences concrètes, les plus récentes sont celles des pays d’Europe centrale et orientale (PECO). “Il faut reposer la croissance sur le secteur privé”, soutient le professeur, Abdelmadjid Bouzidi, indiquant que la demande sociale va exploser à l’horizon 2025, alors que les recettes d’hydrocarbures vont chuter. Parallèlement, la demande globale est en expansion : les investissements et la consommation seront boostés par les programmes d’investissement publics et la revalorisation salariale. “Toutes les conditions de substitution aux importations sont réunies”, a-t-il souligné, plaidant pour que l’État puisse assurer les facteurs coopérants (infrastructures, utilités et formations) favorables à l’investissement productif.

Évoquant les dernières mesures du Conseil des ministres, M. Bouzidi, s’interroge : “Avons-nous l’équipe capable d’appliquer ce fantastique programme?” Et de mettre un bémol : “Ça, c’est de la dépense publique. On ne pourra pas tenir plus de 5 à 6 ans si le relais n’est pas pris par les opérateurs économiques”.

Les déclinaisons du plan “Gazelle”

Pour Smaïl Seghir, consultant, un plan “Gazelle” pour les entreprises algériennes peut être décliné en un certain nombre de points majeurs. Il s’agit d’encourager les investissements importants en décidant de mesures relativement simples à mettre en œuvre. Il s’agit aussi de la mise à disposition de terrains industriels à des coûts avantageux (pas seulement au Sud ou sur les Hauts-Plateaux), de réduire le taux d’imposition sur les bénéfices réinvestis et enfin d’encourager des embauches par un allégement substantiel des charges sociales. Pour M. Smaïl Seghir, l’exportation doit être déclarée priorité nationale. Il estime que la facilitation effective de l’exportation passe par deux initiatives essentielles : engager immédiatement la réalisation de ports en eau profonde avec des zones industrielles suffisantes, condition absolue pour être compétitif à l’international, et adapter la réglementation du commerce extérieur à la réalité de l’exportation (banques, douanes…).

Selon M. Smaïl Seghir, “il n’y a aucune raison pour que l’Algérie ne voie pas l’émergence de global players”. Bien au contraire, soutient-il, “l’Algérie a des atouts supplémentaires pour faciliter l’émergence de champions industriels”, citant, entre autres, l’importance du marché national aujourd’hui largement dominé par l’importation, la proximité du marché européen, l’énergie à coût compétitif et, surtout, des entrepreneurs qui ont fait leurs preuves sur les marchés internationaux.

L’absence d’une vision stratégique

L’expert Abdelhak Lamiri, PH.D et président-directeur général de l’Insim, a souligné l’illisibilité de l’économie algérienne. “On est loin d’avoir la vision stratégique des pays qui se développent rapidement et qui sont des dragons économiques”, a-t-il indiqué. M. Lamiri évoque aussi la démultiplication et l’éparpillement des instances qui s’occupent des entreprises, ce qui explique les mauvaises décisions. “Nous avons un appareil administratif peu expert. Nous avons une très pauvre qualité de régulation”, indiqué le P-DG de l’Insim, suggérant la mise en place d’une “institution Cerveau”. Taïeb Hafsi, professeur à HEC Montréal, dans une contribution lue par M. Smaïl Seghir, indique que “les années qui viennent de s’écouler nous ont mis face à des décisions incohérentes”.