Des dizaines d’arrestations ont été enregistrées rien qu’à la gare routière du Caroubier
La chasse aux «gardes communaux» était donc lancée… En l’espace d’une heure, plusieurs centaines de personnes contrôlées, arrêtées et embarquées vers les commissariats de la capitale. Un coup de filet impressionnant!
«On n’est pas venu à Alger pour casser ou saccager mais pour protester pacifiquement…», témoigne Mohand, un garde communal venu la wilaya de Tizi Ouzou. Il est venu pour prendre part à une marche prévue pour hier à Alger. En effet, la journée d’hier a été des plus mouvementées. Des dizaines d’arrestations ont été enregistrées rien qu’à la gare routière du Caroubier, cueillis à la descente de bus pour ainsi dire. La raison? Des milliers de gardes communaux, venus des quatre coins du pays, se sont donné rendez-vous pour une marche de la gare routière à Alger-Centre. Les éléments de la police, au fait de cette initiative, ont encerclé à l’aurore toute la gare. La stupéfaction était générale!
Des dispositifs antiémeute ont occupé les lieux. Le mot d’ordre: «Embarquer toute personne suspectée d’appartenir à la garde communale.» La chasse aux «gardes champêtres» était donc lancée… En l’espace d’une heure, vers 9 heures du matin, plusieurs centaines de personnes contrôlées, arrêtées et embarquées vers les commissariats de la capitale. Un coup de filet impressionnant! Rencontré sur place, Mohand, un garde communal qui a échappé par miracle à l’arrestation massive, a accepté de témoigner. «Les gardes communaux, au niveau national, étaient informés de la tenue de la marche dans la capitale», raconte Mohand. «Nous sommes venus de toutes les wilayas, même les plus éloignées pour participer à cette protestation…» «Nous avions prévu comme point de rencontre la gare routière du Caroubier à 8 heures du matin, d’où était censée commencer notre marche», indique Mohand. Voyant rentrer un policier dans le cafétéria, Mohand, s’est tu. «Je crois qu’il vient vers nous!» clame-t-il d’un ton terrorisé par la peur de se faire embarquer. Le policier est finalement venu demander un café. Mohand reprend sa parole d’une voix plus basse et d’un regard craintif et méfiant.
«On est venus hier soir pour ne pas rater le rendez-vous. Chacun s’est débrouillé à sa façon. Il y a ceux qui ont passé la nuit chez la famille, et ceux qui se sont réfugiés dans les bains maures et d’autres encore, qui ont les moyens, ont loué des chambres d’hôtel», témoigne Mohand. Lui qui n’a presque personne dans la capitale s’est offert une chambre dans un hôtel de fortune situé au square Port-Saïd.
«Je n’ai rencontré personne, aucun des nombreux gardes communaux venus pour la marche», indique-t-il. Par contre, «on s’informait via le téléphone portable», dit-il. La décision de marcher vers Alger-Centre a été prise après qu’une délégation d’une dizaine de gardes envoyée par les manifestants pour rencontrer le directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel, la semaine passée, soit revenue bredouille, selon des protestataires. Aujourd’hui, 15 ans après, «on se retrouve face au néant. On est considéré comme des journaliers et encore. Jusqu’à quand? Nous réclamons nos droits. Toutes nos revendications n’ont pas été satisfaites. On nous traîne de jour en jour. On nous a donné une date de mise en application de toutes nos revendications. Mais, hélas, tout n’est que parlote», s’indigne Mohand d’un visage froissé et déprimé.
Pour accéder à la retraite sans limite d’âge, «les éléments de notre corps sont sommés de retirer des formulaires nécessaires auprès de la wilaya. Or, nous ne dépendons pas de la Caisse nationale des retraités, du coup il faut que l’on s’adresse au ministère qui nous renvoie vers la wilaya et on se voit refusé le dépôt de dossier», explique Mohand. Ce dernier, cumule 15 ans d’expérience comme garde communal puis a démissionné. Il a droit à une retraite mais les services de la wilaya lui ferment les portes au nez. Comme lui, aujourd’hui, ils sont des dizaines de milliers. «J’ai travaillé pendant 15 ans. Je n’en peux plus. Je suis complètement usé. J’ai toujours travaillé honnêtement. J’ai combattu le terrorisme pendant plusieurs années sans me soucier de mes droits car mon pays et notre peuple étaient vraiment en danger. Je ne savais pas ce que signifiait un droit si ce n’est mon devoir de protéger mes concitoyens», témoigne-t-il tête baissée. Aujourd’hui, Mohand est âgé de 40 ans. Il s’est marié il y a deux ans. Avec son enfant de dix mois, Samy et sa femme, il se retrouve sans travail, livrant une seconde bataille à la misère! L’emportera-t-il?
Mohand conclut: «J’ai passé ma vie sous la pluie, sous la neige, sans manger, pour défendre mon idée du patriotisme. Aujourd’hui, je continue sans la peur au ventre…»