Un peuple qui souffre le martyre
Les restes de 60 personnes reposaient dans une des nombreuses fosses communes découvertes par l’Association des familles de détenus et de disparus sahraouis.
Il y a eu Tazmamart, Derb Moulay Chérif, la «Carcel Negra» (prison noire) et maintenant des fosses communes «clandestines» dans les territoires du Sahara occidental. Le Maroc a voulu cacher son forfait. Son passé l’a rattrapé. La torture est une caractéristique qui a longtemps collé à l’image du trône marocain. Le Makhzen tente vainement de faire taire les voix du peuple du Sahara occidental.
De celles des détenus sahraouis qui s’élèvent de la «prison noire» de la ville d’El Ayoun occupée et des autres geôles du Royaume. Nombre d’entre eux n’ont pas résisté aux violences de leurs bourreaux. Les forces de répression marocaines ont essayé de dissimuler leurs traces. Leur refusant des sépultures dans le respect de la tradition musulmane. Rattrapées par leurs fantômes: Tazmamart est ressuscité.
35 prisonniers décédèrent dans des conditions inhumaines (sans lumière, sous-alimentés, torturés, en proie à la chaleur et au froid, sans le moindre soin et sans aucun contact avec l’extérieur) dans ce bagne construit entre 1972 et 1973 sur ordre du défunt roi Hassan II, après le coup d’État avorté de Skhirat pour mater toute opposition au trône.
Le Makhzen avait fait d’eux des sous-hommes. Quarante années plus tard, l’histoire balbutie. Le pouvoir marocain réserve le même sort aux Sahraouis avides de liberté. «L’Association des familles de détenus et de disparus sahraouis a découvert des fosses communes dans les territoires occupés dont une renferme les restes de 60 personnes», a affirmé, lundi, son président, Abdesslam Omar qui a appelé les Nations unies à intervenir rapidement pour préserver ces preuves des violations commises par les autorités marocaines. «Cette découverte a été faite avec l’aide d’organisations internationales dont une espagnole», a-t-il précisé. Quelle suite sera donnée à cette affaire macabre? «L’association présentera sous peu un rapport aux Nations unies, portant sur les violations des droits de l’homme perpétrées par les autorités marocaines» a indiqué le président de l’Association des familles de détenus et de disparus sahraouis qui a fait savoir, par ailleurs, que les statistiques en sa possession montrent que plus de 500 Sahraouis ont été portés disparus dans différentes localités des territoires occupés.
«Les statistiques marocaines font état de 322 Sahraouis enlevés, libérés en juillet 1999 suite à l’intervention de l’ancien envoyé du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, James Baker», a ajouté le président Afapredesa. L’existence des disparitions forcées de Sahraouis dans les territoires du Sahara occidental occupé a, par la suite, été constamment réfutée par les autorités marocaines qui ont fini par reconnaître que près de 640 ont été enlevés tandis que 350 d’entre eux sont morts. Même les enfants n’ont pas été épargnés. Un rapport publié en 2011 en signale 14 parmi les personnes enlevées. C’est toute la détresse du peuple sahraoui qui est jetée à la face de la communauté internationale. C’est toute la face inhumaine du pouvoir marocain qui est mise sous les feux des projecteurs.
Les forces de répression marocaine ne reculent devant rien. Elles ont torturé des Marocains épris de liberté. «Notre sang coule goutte à goutte», a murmuré Abdellatif Zeroual, philosophe, poète et membre de la direction nationale d´Ilal Amam (mouvement politique, d´inspiration marxiste-léniniste), avant de rendre son dernier souffle en 1974, sous la torture, dans les geôles du Derb Moulay Chérif, le tristement célèbre centre de détention du Royaume chérifien. «La prison, c´est laid/Tu la dessines, mon enfant/Avec des traits noirs/Des barreaux et des grilles/Tu imagines que c´est un lieu sans lumière/Qui fait peur aux petits/Aussi pour l´indiquer/Tu dis que c´est là-bas/Et tu montres avec ton petit doigt/Un point, un coin perdu/Que tu ne vois pas/…Moi qui suis pleine d´amour pour toi/ Et tous les autres enfants/ Suis-je là-bas?/Parce que je veux que demain/ La prison ne soit plus là», a écrit Saïda Menebhi dans son recueil de poèmes et ses lettres de prison (1), laissés en héritage. Incarcérée à la prison de Casablanca, elle est mise à l´isolement.
Elle s´est éteinte le 11 décembre 1977 après 34 jours de grève de la faim à l´hôpital de Casablanca faute de soins appropriés. Des cris de détresse qui sont aussi ceux du peuple sahraoui. MT (1) «Saïda Menebhi», L´Insurgé n°11 (Journal de SUD Etudiant Perpignan), p. 7, Janvier 2009.