L’absorption de Naftec en juin 2009 et celle de l’Enip depuis le 1er janvier 2011 par la société mère Sonatrach ne semble pas s’opérer aussi paisiblement que l’espéraient les décideurs, dont ceux à la tête du groupe pétrolier. Cet « élargissement » de la famille pétrolière se fait dans la douleur pour cause de « disparités et de subjectivités ».
C’est une tentative de jonction entre deux frères, « le riche et le pauvre ». Si l’un n’admet pas le partage, l’autre n’oublie pas, non plus, la privation ! Les travailleurs de l’Enip et de Naftec souffraient d’être sous payés, contrairement à leur collègues de Sonatrach.
Mais, depuis la fameuse fusion, une crise latente couve entre travailleurs, ceux « bannis » durant des années et ceux « privilégiés » d’avoir appartenus tout ce temps à la société mère et profitant de « ses largesses ». M. Norddine Cherouati, qui vient de Naftec, aura ainsi fait partie de ceux « méprisés » et rejetés par la grande tribu Sonatrach.
Et il aura fallu attendre 2009 et 2011 pour que les deux entreprises soient « légitimement » reconnues. Mais, le fond de la crise demeure très certainement la question des salaires. Et ce feu qui couve et s’attise risque de prendre des proportions considérables pouvant même aboutir sur « un incendie » et provoquer la paralysie de ce géant pétrolier. Depuis 2009, déjà, rien n’est plus comme avant pour les uns et pour les autres.
Ça l’est d’autant plus depuis janvier 2011 avec le rattachement des travailleurs de la pétrochimie, un autre géant mondial. Le groupe Sonatrach qui comptait un peu plus de 48 062 travailleurs en 2010 et aspire à atteindre un effectif de 51 000, selon le P-DG de cette entreprise qui l’avait pompeusement déclaré lors de sa première conférence, a absorbé les travailleurs de Naftec en juin 2009 et tout récemment ceux de l’Enip qui viennent d’intégrer le groupe le 1er janvier 2011 et avec eux leur lot de revendications et d’exigences.
Cela va du cadre dirigeant dont Sonatrach compte désormais dix rôles à la place de poste managérial, jusqu’au cadre supérieur et moyen pour arriver jusqu’au simple ouvrier. Actuellement, le salaire d’un cadre moyen varie entre 40 000 et 50 000 dinars, celui du cadre supérieur oscille entre 60 000 et 100 000 dinars. Le cadre dirigeant touche, quant à lui, parfois jusqu’à 200.000 dinars avec en plus une partie variable estimée à 6 ou 7,5 fois le Smig.
Celle-ci est versée annuellement, comme le stipule le décret exécutif 90-290 du 29 septembre 1990 relatif au régime spécifique des relations de travail concernant les dirigeants d’entreprise. Son article 8 fixe les bases de la rémunération ainsi que les différents éléments qui la composent, dont une partie variable.
Concrètement, cela peut être plus ou moins de l’ordre de 120 millions de cts/an. En 2003, Sonatrach avait fait appel à un cabinet d’audit américain, BM Towers Perrin, le chargeant d’élaborer un système de rémunération.
Cette étude, qui aurait coûté 50 millions de dollars à l’entreprise, a abouti à une grille des salaires répondant aux standards internationaux, vite rejetée par la Sonatrach, puisque proposant des salaires moyen pratiqués en Europe notamment, tel que 2 000 euros/mois pour un cadre moyen. L’étude a été donc jugée, une première fois, surévaluée et créant une disparité avec les salaires algériens. Le même bureau d’études américain nouvellement sollicité a confectionné, en 2007, une nouvelle grille en harmonie avec l’environnement salarial algérien.
Ce projet validé depuis ne trouve pas preneur et se heurte à des difficultés dans son application. Il y a un effet de rejet total et une remise en cause du système pour des « raisons de subjectivité, de manque de préparation, mais surtout le manque de beaucoup d’éléments nécessaires à une telle culture », nous dit-on.
Cette nouvelle classification ne semble convenir à personne et des mécontentements commencent déjà à pointer, reflétant un profond malaise généré par des « disparités » dans les salaires et des « subjectivités » lors du reclassement. Ce qui peut plaire aux « nouveaux venus », ne peut réjouir « les anciens ». A La veille de la décision d’intégrer Sonatrach, les cadres de l’Enip se seraient arrangés pour « gonfler les positions de leur personnel », affirme-t-on.
La réintégration de cette population venue de Naftec et de l’Enip a fini par créer « des perturbations au niveau de l’équilibre social ». Pour certains travailleurs tels que ceux de l’ENTP et de l’Enafor, qui sont affectés au Sud et dans des régions arides, il est exigé un « contrat de performance » définissant les salaires et où ils sont rémunérés sur la base du mètre linéaire foré. Cela a fini par créer une frustration que bien avant eux d’autres ont déjà vécu et faisant d’eux des « revanchards ».