Des dinosaures aux gravures rupestres Le Tidikelt n’a pas encore livré tous ses secrets

Des dinosaures aux gravures rupestres Le Tidikelt n’a pas encore livré tous ses secrets

Jour après jour, des découvertes de pièces et de fragments d’ossements fossiles d’animaux datant de plus de 200 millions d’années dans le désert algérien se font à In Salah. Rares et d’une valeur inestimable, ces pièces viennent ainsi renforcer la richesse du patrimoine matériel de la région, mais Tidikelt n’a pas livré tous ses secrets.

La dernière découverte remonte au mois de mars 2015. L’équipe des chercheurs de l’Office national du parc culturel de l’Ahhagar (ONPCA) d’In Salah a mis la main sur un lot composé de restes de fossiles au site de Hassi Lahdjer. En 2014, à Gara de Bifina, distante de 20 km d’In Salah, l’équipe des chercheurs archéologues du parc était appelée à intervenir dans un chantier de forage. Cette fois-ci encore, les découvertes ne sont pas minces.

« Un tamisage entre 80 et 90 cm nous a permis de trouver une centaine de pièces de fossiles dont des vertèbres, des canines, des plaques dermiques, sans compter les fragments », a précisé Karim Samer, attaché de conservation à l’ONPCA d’In Salah. Dans un autre site distant de 4 km, une découverte d’une trentaine de pièces a eu lieu à la même période.

En 2012, lors d’un forage réalisé par un groupement algéro-italien à Hassi Moumen, à 60 km d’In Salah, des ossements de dinosaure ont été trouvés. Les travaux se sont arrêtés conformément à l’accord signé entre l’ONPCA et le groupement. Une opération de tamisage et de sauvegarde a été, de suite, lancée. « Le tamisage sur une profondeur de 24 à 30 m nous a permis de trouver plus de 4.000 pièces et fragments dont des canines et des vertèbres », a indiqué Karim Samer.

Le premier examen de ces pièces par le chercheur archéologue Lahboubi Ben Hamou d’Oran a révélé qu’elles appartiennent à trois espèces d’animaux : le carcharodon, une espèce de requin, le spinosaure, un dinosaure carnivore, et l’alligator, un crocodile. « Ces ossements datent de 250 millions d’années », a affirmé le chercheur. Le site en question a été fermé pour exploration. Un programme de fouille et de sauvegarde a été mis en place, ce qui a donné lieu à la découverte de plaques dermiques, des griffes et des mandibules.

La première partie de la deuxième fouille de ce même site, organisée en mai 2013, a permis la récupération de plusieurs autres pièces dont des vertèbres. En mars 2014, l’équipe de chercheurs a trouvé des canines, des vertèbres, et des plaques dermiques et autres pièces au cours de la deuxième phase de la fouille. « L’exploration de ce site est encore en cours », affirme Karim Samer.

Des moyens de conservation dérisoires

Le nombre de pièces trouvées est tellement important qu’il est possible de procéder à une reconstitution du corps des animaux en question. « Nous avons procédé à quelques petites opérations de collage et de consolidation ici même à In Salah, mais cela reste encore timide », a-t-il ajouté. Notons que les maigres moyens mis en place et l’absence d’expertise dans le laboratoire de l’ONPCA ne permettent pas d’assurer une opération d’une telle dimension.

L’identification et la datation de ces ossements, d’une importance historique, n’ont pas été faites de manière sérieuse et précise car elles nécessitent une expertise pointue et un travail méticuleux et surtout scientifique dont la charge revient aux grands chercheurs et instituts spécialisés, inexistants dans la région. En dehors de ces découvertes, la région d’In Salah est riche en gravures rupestres, témoins d’une activité humaine millénaire.

Des monuments funéraires, des gravures rupestres et des sites préhistoriques sont encore visibles à Gour Mahmoud où se trouve une nécropole remontant à 4.000 ans avant notre ère, Arak, Tihlegmine, Aïn Hadjaj, Inguer, Teguertimine, Afegulel. Les forêts de bois pétrifié sont la fierté de la région, compte tenu de leur rareté.

Des sites témoins se trouvent encore à Méliana, Hassi Moumen, Souf, Inguer, Fougarou, et Gour Mahmoud. Certaines forêts réputées dans la région ont été englouties par le sable. « C’est la spécificité du désert, et c’est la grande difficulté que nous avons rencontrée dans l’opération d’inventaire.

Certains sites, qu’on connaît pourtant bien, ont disparu par l’effet des vents de sable. Il viendra le jour où ils vont réapparaître », affirme l’archéologue. Des dizaines de monuments historiques, qui remontent à des milliers d’années, se trouvent au centre-ville d’In Salah Fougarat Zoua, Inguer, Hassi Lahdjer, Zaouiyet Elma, Iguesten.

A Fouat Laârab, c’est un village entier, avec sa mosquée, son ksar et ses maisons, qui vient d’être découvert. Outre les casbahs d’In Salah, la région comporte deux églises coloniales à Nourya et Bab Aoulef, en plus de la célèbre mosquée de Cheikh Senoussi. Une opération de protection de ces monuments est en cours en prévision de leur classification.

Au plan géologique, les sites de Taghit et Taghidit ont une réputation internationale de par les quantités non négligeables de fossiles marins datant de 500 millions d’années qu’ils recèlent. La valorisation des sites historiques est au centre du programme de l’ONPCA. Il est question de transformer celui de Hassi Lagouire en musée. Il s’agit également d’aménager en musée la casbah de Bajouda.

Un inventaire des sites naturels sera aussi lancé prochainement. Le but est de quantifier la richesse de la région, à l’instar de la guelta de Tihlegmine (270 km d’In Salah) qui est un espace de biodiversité. Connue pour son eau abondante même si elle est un peu salinée, In Salah a ses propres sources thermales dont celle de Tamazguiga, à 100 km au nord d’In Salah. Cette source est actuellement fermée et son projet d’exploitation est en cours de discussion.

L’outrage de l’homme

Mais toutes ces richesses subissent l’outrage de l’homme. Outre les pillages, les sites, notamment ceux abritant des gravures rupestres, sont souvent victimes de dégradation. Ces gestes constituent une menace certaine pour le patrimoine de la région.

La sensibilisation sur l’importance de cette richesse est très intense durant le mois du patrimoine. Les agents et les chercheurs animent à l’occasion des ateliers avec les écoliers. Outre la tenue d’expositions, les chercheurs organisent des ateliers sur les fouilles expérimentales, la fabrication de bijoux préhistoriques à partir des produits de base de la région et la peinture rupestre.