Les prélèvements opérés sur les marchés publics semblent être plus importants
Non quantifiée, la corruption a fait de «la commande publique un domaine privilégié».
La corruption ou le détournement de deniers publics à tous les niveaux, particulièrement au niveau des assemblées communales, s’érige en constante de gestion. Un sport national tellement banalisé que les maires sont désignés par le taux de commission qu’ils exigent aux soumissionnaires disposés ou jouant le jeux. Un pourcentage toutefois, jamais au-dessous de 10% du montant du projet à attribuer! Ces élus qui se remplissent les poches et s’en vont, sont légion. Selon les statistiques officielles, fournies hier au micro de la Radio nationale par le directeur général des libertés et des affaires juridiques au ministère de l’Intérieur, Mohamed Talbi «289 élus d’APC et d’APW font l’objet de poursuites judiciaires dont 109 présidents d’APC au motif de violation de la réglementation, détournement de deniers publics et conclusion de marché en violation du Code des marchés publics». Néanmoins, d’autres réintégrations d’élus disculpés par les instances judiciaires ont été recensées. Il s’agit, selon M.Talbi, de «80 élus réhabilités par la justice dont 21 P/APC». Tandis que, indique le même responsable «34 élus dont 10 présidents d’APC sur lesquels pèsent des décisions judiciaires définitives rendues à leur encontre sont exclus». Par conséquent, ces derniers, tombés sous le coup de l’inéligibilité «ne pourront plus se représenter ou siéger dans les assemblées élues», souligne-t-il. «Le service public est dans un tel état qu’il n’est plus possible de permettre à ces élus d’être en face du citoyen», a-t-il reconnu. Il faut dire que le nombre des affaires de détournements de fonds d’origine publique au profit des intérêts privés d’individus ou de groupes qui sont révélées en Algérie ne cessent d’augmenter. Les prélèvements opérés sur les marchés publics semblent être plus importants. Aujourd’hui, il n’existe aucune statistique qui permette de mesurer l’ampleur réelle des phénomènes de la fraude et de la violation systématique de la réglementation des marchés publics.
Non quantifiée, la corruption a fait de «la commande publique un domaine privilégié», selon les observateurs. Le versement d’une commission est un moyen qui semble bien adapté. Ces commissions dites habillées, sont versées en contrepartie d’un travail réel effectué par une entreprise, tandis que la commission d’entremise est censée rémunérer le simple fait de mettre en contact le maître d’ouvrage et un entrepreneur qui veut avoir accès à un marché. D’une façon ou d’une autre, l’étendue du désastre du gré à gré, est encore dramatique vu le plus grand nombre de dérives générées ces dernières années. Cette formule dite de «GAG», est une sorte de pacte corrupteur permettant au corrompu de bénéficier d’avantages directs ou indirects. Malgré cela, les autorités continuent encore à autoriser à grande échelle le gré à gré en justifiant souvent le choix par l’urgence, retard accusé ou cumul existant dans tel ou tel secteur. Or, tout le monde sait que le choix d’une procédure de consultation plutôt qu’une autre est un moyen souvent utilisé pour favoriser une entreprise par rapport à d’autres. En outre, si le Code des marchés publics a connu de nombreux amendements, notamment en 2006 et en 2008, la transparence dans l’octroi des projets est loin d’être la règle. Pour essayer de masquer l’utilisation du gré à gré comme moyen d’octroi des marchés publics, les responsables au sein des instances ou entreprises publiques émettent des appels d’offres qui s’avèrent avec le temps, infructueux. Les maires n’hésitent pas à se sucrer ou continuent leur racket jusqu’à la dernière minute à la tête de l’APC. Dans une atmosphère de sauve-qui-peut, ou détournement à «terme», tous les projets ou travaux et chantiers en suspens sont attribués subitement à quelques semaines ou jours avant la fin du mandat. Certains spécialistes affirment que «c’est lors de la réalisation du cahier des charges que l’on peut le plus facilement et le plus discrètement, mettre en place des éléments qui permettront de favoriser une entreprise par rapport aux autres concurrents». L’appel d’offres restreint est quant à lui utilisé pour écarter de la consultation des entreprises que l’on sait moins bien disposées en faveur du «maire» ou d’un autre décideur. L’absence d’appel à candidature ou (gré à gré) sont les infractions les plus couramment observées pour éviter que trop de candidats se présentent. Les anomalies comme les fuites organisées, l’entente préalable ou lorsqu’on consulte toujours les mêmes entreprises, les estimations surévaluées et les fausses facturations sont monnaie courante chez nous. La corruption structurelle et liée au système rentier, est par ailleurs, selon de nombreux observateurs, encouragée par la défaillance du système de sanction correspondant au forfait commis, par l’absence de contrôle ainsi que par une réglementation de plus en plus complexe et difficile à connaître et à comprendre.