Au moment où le wali de Tizi Ouzou avançait ces chiffres – éloquents – réalisés à Béni Douala, il se trouve que dans cette même daïra, deux communes sont fermées par les citoyens!
Au moment où l’art d’interpréter les lois est devenu la distraction préférée des responsables de l’administration en Kabylie, des centaines de projets moisissent dans les tiroirs et des milliers de citoyens sont dans les rues. Hier, le premier responsable de la wilaya de Tizi Ouzou a révélé des chiffres tout simplement scandaleux! Pas moins de 101 projets de développement sectoriel, inscrits antérieurement à 2005 à Tizi Ouzou, n’ont pas vu leurs travaux de réalisation lancés à ce jour, a indiqué Abdelkader Bouazghi.
«Certaines de ces opérations relevant de divers secteurs, dont notamment ceux du logement et des équipements publics (Dlep) et de la direction de l’administration locale (DAL), traînent depuis les années 1997 et 1998 et attendent toujours d’être concrétisées», a fait savoir Abdelkader Bouazghi, lors d’une réunion du conseil exécutif de wilaya, élargie aux chefs de daïra, consacrée à l’évaluation des préparatifs des rentrées scolaire et sociale.
Qui est responsable de cette situation catastrophique qui dure depuis plus de dix ans? Pourquoi le premier responsable de la wilaya n’a-t-il pas décidé d’ouvrir une enquête pour situer les responsabilités?
En matière de consommation des dotations budgétaires allouées aux communes au titre des plans communaux de développement (PCD) de la tranche annuelle 2013, le wali a relevé, à la lumière d’un bilan comparatif des 67 communes, des taux d’exécution variant de 0 à 100% d’une commune à l’autre.
Quelle interprétation donner à de pareils chiffres? Le wali commente: «Ce sont toujours les mêmes communes qui travaillent et ce sont toujours les mêmes communes qui ne travaillent pas», en citant l’exemple de la commune de Béni Douala qui a fait du 100%, alors que celle de Aïn El Hammam se situe à l’antipode de cette situation avec 0% de budget consommé.
Or, au moment où M.Bouazghi avançait ces chiffres – éloquents – réalisés à Béni Douala, il se trouve que dans cette même daïra, deux communes sont fermées par les citoyens!
Il y a donc un sérieux problème dans l’interprétation des chiffres. De deux choses l’une: ou les citoyens sont fous au point d’aller fermer deux communes dans une même daïra qui a réalisé 100% de son programme ou alors ce sont les chiffres qui sont mal interprétés. Une autre hypothèse à ne pas écarter, le wali a été fourvoyé et on lui a remis des chiffres erronés.
«L’administration qui est fascinée par les chiffres. On s’en fout si le travail est bâclé, si cette consommation des budgets a répondu aux véritables préoccupations des citoyens», commente Mohand Boukhetouche, président de l’APC de Souamaâ.
Le wali a estimé «irrecevable» l’argument de «blocage» par les services financiers (contrôle financier et Trésor) invoqué par certaines communes en guise de justification de leur inertie. Il s’adresse alors aux maires concernés que «la vraie raison est à chercher ailleurs en ayant le courage de se remettre en cause pour rattraper le temps perdu, car le contexte et les conditions de travail sont les mêmes pour toutes les communes».
«Les résultats des uns et des autres parlent d’eux-mêmes», a-t-il observé. Soit, mais la centralisation n’est-elle pas pour beaucoup dans ce genre de situation?
Prenons le cas des deux daïras citées, Aïn El Hammam et Béni Douala: Il est évident que les conditions de travail ne sont pas les mêmes. Le coût des projets sera plus lourd à Aïn El Hammam qu’à Béni Douala en raison de la distance au chef-lieu de la wilaya et du relief. Ajouté à cela, la responsabilité n’incombe pas seulement aux maires.
«Ce ne sont pas les maires qui ont bloqué le stade de Tizi Ouzou, le téléphérique, le chemin de fer, le port d’Azeffoun, le centre des Equipes nationales à Aghribs, pour ne citer que ces grands projets…», rappelle
M. Boukhetouche.
S’adressant aux directeurs exécutifs concernés par «cette faible performance» en matière de conduite de la concrétisation des investissements publics, M. Bouazghi a qualifié cette situation d’«inconcevable» et qui «ne saurait se justifier par un quelconque argument, dès lors que tous les moyens de travail sont mis à (leur) disposition».
Cette situation de la non-consommation des budgets sévit également dans la wilaya de Béjaïa. Un vrai paradoxe kabyle.