Les Algérois sortent beaucoup durant les soirées du Ramadhan
A défaut de vrais loisirs, les Algérois ont trouvé une zone où ils peuvent se dégourdir les jambes.
Douzième jour du Ramadhan. A peine une heure après la rupture du jeûne, l’avenue de l’ALN (ex-Moutonnière), s’anime. Les embouteillages sont déjà là! Que se passe t-il? Pourquoi y a-t-il autant de voitures? La réponse se résume en un seul mot: Ardis. C’est en effet, la nouvelle soupape de décompression des familles algéroises qu’elles soient du Centre ou de ses banlieues. Avec des amis ou en famille, on se retrouve tous à Ardis! Une véritable ambiance festive règne dans cet hypermarché. Les familles, qui représentent le plus gros de la foule, font des courses, du lèche-vitrine, font profiter leurs enfants des loisirs disponibles ou tout simplement se promènent en bord de mer.
C’est le cas de Nassim accompagné de sa femme et de ses quatre enfants. «Depuis le début du mois de Ramadhan je viens pratiquement tous les soirs», affirme t-il. Pourquoi a-t-il choisi ce centre commercial pour passer ses soirées? «La sécurité», rétorque t-il d’un air soulagé. «C’est bien éclairé, il y a des agents de sécurité dans tous les coins et recoins, c’est fréquenté par les familles.
Alors pourquoi s’en priver? Ça nous change», atteste t-il. La sécurité n’est pas la seule chose qui attire Nassim. La gratuité fait également partie des motivations. «Ici le parking est gratuit, on peut se promener dans les allées du centre commercial, sur le bord de mer ou tout simplement s’asseoir sur les bancs», témoigne ce fonctionnaire dont le maigre salaire ne lui permet pas de faire des folies en termes de loisir surtout en ce mois de la flambée des prix.
Plus loin, au milieu du parking, un groupe de jeunes danse. «La musique est là pourquoi ne pas danser?», nous lancent-ils. Leurs amis sont assis en face des gobelets de thé et cigarette à la main. Ils discutent, se racontent des blagues…Ce groupe d’amis a l’air heureux. «On est contents d’être là cela nous change des cafés du quartier», nous font savoir ces jeunes qui viennent de la cité Sorecal de Bab Ezzouar. Heureux de trouver enfin un endroit qui leur permet de sortir de leur quartier. «Ardis, c’est bien mais on n’aurait jamais pu y venir s’il n y’avait pas le tramway. En Algérie, si tu n’as pas de voiture tu ne peux pas te déplacer le soir. Heureusement que maintenant, il y a le tram…», se réjouissent-ils. Pas loin d’eux, une autre bande d’amis est là. Ayant remarqué que nous sommes journalistes, ils viennent nous parler. Eux, sont de Belouizdad. Et c’est aussi grâce au tramway qu’ils sont là. Ces jeunes «Belouizdadis» sont aussi là pour se défouler. Mais, ils ont un autre objectif. «On est là pour nous rincer les yeux. Il y a de belles filles qui viennent ici», attestent-ils tout sourire.
Shopping, cirque où se la jouer à la «schumi»
Un groupe de jeunes filles se dirige vers l’entrée du centre commercial. Sur leur trente et un, ce groupe d’amies est là pour faire du shopping et prendre un café entre filles. «On va faire quelques magasins. On devait aller au centre commercial de Bab Ezzouar. Mais, il y avait trop de monde. En plus c’est trop renfermé, alors j’ai proposé que l’on vienne ici. On va profiter de l’occasion pour marcher un peu et digérer notre repas vu que l’on ne peut pas le faire dans nos quartiers qui sont occupés par les jeunes», raconte, Assia, l’une d’entre elles avec son joli sourire.
Il est presque 22h. La prière des tarawih vient de s’achever. C’est aussi l’heure du début du spectacle du cirque Amar qui a installé son chapiteau au niveau de ce centre commercial, devenu plus une mini «medina». Hanane court avec ses enfants. Elle a peur de rater le début du spectacle pour lequel elle est venue. Ses frères, cousins, nièces, neveu,… sont à l’intérieur en train de l’attendre. «On a programmé de venir à ce spectacle en famille. Il vaut le déplacement. De plus, le fait qu’il ait été programmé à Ardis qui non seulement est facile d’accès, mais dispose aussi d’un grand parking sécurisé», souligne-t-elle avec de s’excuser, le spectacle va commencer.
Ils sont des centaines de citoyens à prendre d’assaut ce chapiteau. D’autres par contre, préfèrent s’adonner au plaisir de la course automobile. Un karting est en effet installé dans le parking. Les badauds admirent le spectacle. Amine et son amie Lina, eux, attendent patiemment de faire leur tour de piste. Fan de course automobile, Lina qui suivait dans sa jeunesse les courses de Formule 1 sur TF1, avoue s’imaginer déjà au volant de l’un de ces bolides de course. Elle taquine son petit ami. «Je ne ferai qu’une bouchée de toi sur la piste», lui lance t-elle d’un air moqueur. C’est leur tour, ils prennent le volant de ces petites voitures de «Kart» pour 10 minutes de pure folie.
Ambiance de chez nous…
C’est le moment de nous éclipser après ce tour dans cette oasis au milieu de la baie d’Alger. La foule a doublé. Il n’y a presque plus aucune place dans l’immense parking (5000 places). Les embouteillages de la l’ex-Moutonnière ont gagné les artères de ce parking. Il nous faudra du temps pour pouvoir sortir de ce piège pour rejoindre notre seconde étape. Nous décidons d’aller à pied jusqu’au parc d’attractions de la foire (Dream Parc) (Pins maritimes, Alger). Comme à Ardis, il y a un monde fou. Ça grouille de partout comme dans une fourmilière. Par voiture, mais surtout par tramway, la foule afflue. Une véritable marée humaine. Ballon à la main, les bambins sont tous souriants, en attrapant les mains de leurs parents. Ils se sont défoulés dans les manèges de ce parc.
Les familles discutent entre elles. Des moments privilégiés sont partagés. Comme avec ces deux familles qui discutent entre elles pendant que les enfants jouent ensemble. «On vient de se rencontrer, après que nos gosses aient sympathisé. On parle de tout et de rien. Ça nous fait de nouveaux amis», se réjouissent-ils. C’est donc une ambiance bon enfant, bien de chez nous, comme on l’aime, qui règne chez ces familles. Tout comme chez les jeunes qui sont en train de se défouler avec ces manèges insuffisants pour accueillir tant de foule. «C’est la chaîne pour les jeux. Mais tant pis, on n’est pas venu jusqu’ici pour ne pas y jouer. On attend et on se fait de nouveaux amis dans la file d’attente», témoigne Réda, un jeune bachelier qui était là pour se changer un peu les idées.
Glaces et brochettes aquafortaines
Nous sortons de ce parc d’attractions où l’air est devenu irrespirable à cause de la foule nombreuse. A la sortie, on fait face à ce fameux tramway tant loué par les jeunes rencontrés dans ce reportage. Alors nous décidons de tenter l’avenir. Pour poursuivre sur la baie d’Alger nous allons vers Bordj El Kiffan. Le «tram» est tout aussi bondé de monde qu’Ardis et le Dream-Parc. Quelques dizaines de minutes après nous sommes à Bordj El Kiffan. Le «tram» semble avoir ressuscité le Fort de l’eau, comme les anciens le connaissaient. L’atmosphère est fumante. Ça provient des barbecues des «rôtisseurs» du Ramadhan qui se sont installés dans les quatre coins de la ville.
Leur présence est plus remarquée au niveau du Front de mer. Ils concurrençaient les vendeurs de glace au grand plaisir des passants. Cornet de glace à la main, qu’ils soient, seuls, en famille ou entre amis, ils se baladent le long de ce front de mer. Tel que sur la Croisette de Cannes. Ils admirent la beauté de la mer, et regardent les quelques baigneurs qui s’offrent un bain de minuit… Après un petit tour et après un bon bol d’air marin, et content de voir ces milliers d’Algériens profiter de la vie nocturne, on retourne à Ardis pour récupérer notre voiture. Mais, problème, il est 2 heures du matin passé, le tramway s’est arrêté de fonctionner depuis plus d’une heure.
Il n’y a pas de bus. Heureusement que les taxis clandestins sont là. Pour 150 dinars, le taxi nous ramène à notre point de départ avec la ferme conviction que la zone de décompression des Algérois est sa baie du côté Est. Surtout qu’au détour on voit l’avancement des travaux de l’aménagement de la baie d’Alger qui a pris forme à une vitesse incroyable. Gazons, bancs publics, arbres, fleurs, piétonnière, promenade… sont sortis de terre au milieu du désert qu’était cette zone. Ce projet cher au Premier ministre Abdelmalek Sellal et son ministre de l’Industrie Cherif Rahmani, qui était à l’époque ministre de l’Industrie, est un espoir pour les Algérois qui trouveront au moins où pouvoir se dégourdir les jambes…
La kheïma du Hilton pour les plus nantis
Pendant que certains vaquent du côté d’Ardis, du Dream Parc et du Front de mer de Bordj El Kiffan, d’autres vont à la kheïma de l’hôtel Hilton. Les amateurs de musique prennent la direction du Hilton où le chapiteau a, comme chaque année, été transformé en «kheïma» pour accueillir chaque soir des concerts de musique. Seul bémol, le prix des billets d’entrée qui n’est pas à la portée de tout le monde. Néanmoins, cela n’empêche pas une grande foule de s’y rendre. Néanmoins, la présence de cet hôtel avec sa kheïma et sa boîte de nuit, dans cette zone confirment que c’est le nouveau