Au-delà du préjudice financier qu’elle cause aussi bien au Trésor public qu’aux producteurs originaux, la contrefaçon est devenue, aujourd’hui, un phénomène dangereux pour la sécurité des consommateurs. Pour la seule ville d’Oran, depuis le début de l’année en cours, ce sont près d’une vingtaine de ménagères qui ont été victimes d’accidents provoqués par l’explosion de presses à café ou d’autocuiseurs contrefaits.
Le bilan de la Protection civile note, également, une dizaine d’incendies de magasins et d’appartement provoqués par des disjoncteurs défectueux.
Fini le temps où seul le propriétaire du produit contrefait était le grand perdant. Aujourd’hui, c’est toute la société qui se retrouve face au danger.
«Pourtant, il avait tout l’air d’être un pur produit d’une marque bien connue. Il portait même son label», dira une ménagère, victime de brûlures au deuxième degré provoquées par l’explosion d’une cocotte-minute. La malheureuse qui avait acheté cet ustensile dans un magasin bien connu du centre-ville a été trompée par l’emballage qui avait l’air d’être manufacturé en Europe et par l’assurance du vendeur qui lui avait juré par tous les saints qu’il ne s’agissait pas d’une contrefaçon.
Ces accidents ne sont pas les seuls en Algérie. Récemment, des citoyens se sont plaints de la qualité des lampes à incandescence qui explosaient après seulement quelques minutes d’utilisation. «Je me suis rabattu sur les ampoules économiques et j’ai découvert que même ces produits sont contrefaits», avouera un citoyen.
La traçabilité, une barrière tenue…
La prolifération des entreprises spécialisées dans l’import-import a encouragé la contrefaçon. Plusieurs entreprises européennes bien cotées en Bourse avaient, à la fin du siècle dernier, trouvé en la délocalisation de leurs activités vers l’Asie, le moyen de ne pas déclarer faillite.
Aujourd’hui, elles le regrettent amèrement, elles, qui ont été victimes d’espionnage économique qui en a fait les dindons d’une farce de mauvais goût. Pour vendre un article de pointe contrefait, l’astuce est très simple : l’importateur fait l’effort d’acheter un produit d’origine payé au prix fort. Il le prend dans ses bagages en Chine pour le confier à des spécialistes en contrefaçon. Ces derniers n’auront alors qu’à le copier des milliers de fois et l’expédier aux quatre coins du monde.
Aucun produit n’échappe à ce schéma qui permet de copier ce produit sans acheter les droits de duplication ou tout autre brevet le protégeant.
Les textes qui régissent la circulation des produits à travers le monde n’assurent pas une protection totale des labels protégés. En Algérie, les services des douanes tentent, tant bien que mal, de faire barrage à l’afflux de produits contrefaits.
Mais cette lutte est contrariée par un manque de volonté de certains pays car la réponse au phénomène doit être mondiale. «De plus, les interdits peuvent être contournés par des ruses qui consistent à doter ces produits de certificats de conformité établis par des réseaux installés à travers le monde.
La traçabilité ne peut pas, à elle seule, servir de barrage», affirme un ancien importateur qui avoue qu’il avait à plusieurs reprises confié des composants électroniques, des modules et autres produits audiovisuel à des usines de duplication installées en Chine et même aux Philippines.
Les produits cosmétiques, la grosse arnaque
Les produits cosmétiques tiennent le haut du tableau des produits contrefaits. Plusieurs distributeurs installés aussi bien à Oran qu’ailleurs n’hésitent pas à importer des produits en vrac qu’ils se chargent par la suite de conditionner et d’emballer en utilisant des étiquettes confectionnées par n’importe quel technicien en informatique.
«J’ai travaillé chez un distributeur qui importait des parfums dans des flacons qui ne portaient aucune étiquette. Dans la cave, on se chargeait de leur donner une identité en utilisant des étiquettes et des emballages de marques très prisées sur le marché mondial.
Ces produits allaient par la suite inonder les marchés populaires de M’dina J’dida et d’ailleurs. Tous les produits sont contrefaits aujourd’hui.
Rares sont les magasins qui vendent des produits originaux. «Pour offrir à ma clientèle des produits de qualité, je me rends personnellement en Europe pour les acheter auprès de grossistes. J’ai voulu négocier la possibilité de devenir le représentant officiel d’une marque connue, mais leurs conditions m’ont refroidi», avouera le gérant d’une parfumerie à Oran. Il estime que les grandes marques ont favorisé l’apparition du phénomène,
elles trouvent même leur compte», fera-t-il remarquer, précisant que ces marques organisent des fuites de certaines compositions de leurs produits pour doper leurs ventes, «ce sont les aléas de l’espionnage économique et de la guerre à laquelle se livrent les fabricants».
Les couches bébé de la partie
Il y a quelques mois, les services de la direction de contrôle des prix ont découvert un important lot de couches culottes pour bébés de différents âges qui étaient interdites de vente dans certains pays d’Europe. Le stock, estimé à des milliers d’unités, avaient fait l’objet d’une saisie suivie d’incinération.
Même si le sujet n’avait pas fait la une des journaux, des sources, à l’époque, avaient parlé de couches qui provoquent des eczémas et même des cancers de la peau en cas d’utilisation prolongée. Cette saisie n’avait pas empêché une certaine quantité d’être vendue au niveau de certains marchés à des prix défiant toute concurrence. Des mamans ont fait état d’une réaction allergique de leur bébé.
Les produits continuent de se vendre, même si ce sont des quantités limitées, dans certains marchés de l’intérieur du pays.
La contrefaçon n’épargne aujourd’hui aucun produit. Les produits cosmétiques, alimentaires, les tabacs, les alcools, les produits électriques, électroniques, les médicaments et autres, subissent de plein fouet ce phénomène qui ne peut être éradiqué sans le concours de tous les pays du monde.
F. Ben