Le feu est en la demeure, tisonné et attisé par des cadres et militants du parti qui, pour le moins qu’ils avouent présentement, dénoncent un deal secret, traduit dans les faits par notamment, l’acceptation de bonus électoraux immérités.
Le clairon de la contestation est sonné publiquement en premier par Samir Bouakouir, candidat malheureux à la députation, pour la circonscription du nord de la France. C’est lui qui asséna, avant que d’autres langues ne se délient, la grave accusation de ce que la direction d’Alger du parti soit gérée de l’extérieur par un clan du pouvoir. Une accusation corroborée, il faut bien le noter, par l’ancien premier secrétaire, Karim Tabbou, candidat heureux à la députation dans la circonscription de Tizi-Ouzou, qui atteste que «le FFS est en train de virer d’un parti d’opposition plaidant pour le changement démocratique et pacifique vers un parti qui s’accommode des compositions avec quelques franges du système et qui commence à se normaliser». Mieux encore, Karim Tabbou n’hésite pas un instant pour évoquer une normalisation en marche. «La direction est en train de conduire le FFS vers une normalisation, une domestication claire dont les objectifs sont de participer aux équilibres internes du pouvoir.» L’ex-premier secrétaire du parti sait assurément de quoi il parle. Il a été le premier à en faire les frais, éjecté sans préavis ni sommation de son poste afin qu’une nouvelle direction du parti puisse «injecter du mouvement dans le statu quo». Tardivement, peut-être, Karim Tabbou s’éveille au véritable sens de la fameuse formule par laquelle Aït Ahmed devait justifier l’alignement, inattendu, de sa formation dans la compétition électorale : la participation aux équilibres internes du pouvoir. Aussi, pas étonnant que le FFS fasse l’objet d’autant de gratitude de la part du pouvoir qui, pour commencer, l’a gavé de bonus électoraux injustifiés. «Des militants sont aujourd’hui scandalisés dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, après avoir appris que le parti s’est vu attribuer deux sièges qu’il n’a pas obtenus et qu’il n’a pas mérités. Le FFS est réduit à un parti qui accepte les strapontins», fulmine Tabbou. Fait aggravant pour un parti qui non seulement se retient de dénoncer les irrégularités, nombreuses et vérifiées, qui ont entaché le scrutin législatif mais bien pis encore, s’accommode au mépris de toute éthique politique, de la fraude lorsqu’elle lui est profitable. En témoigne, la satisfaction aucunement gênée qu’il a exprimée, après la délibération du Conseil constitutionnel.
Aït-Ahmed et la tentation de l’occulte
C’est vraisemblablement par fine ruse qu’aussi bien Samir Bouakouir que Karim Tabbou ont soigneusement travaillé à présenter le vieux «Zaim» comme quelqu’un qui a mordu à l’appât de la désinformation que lui auraient fait entendre «les combinards d’Alger.» ` Tout dans cette opération de mise au pas du FFS, laisse entrevoir un acquiescement conscient et une implication active de Hocine Aït- Ahmed. La compromission du parti avec le pouvoir, ou avec juste un clan de ce dernier, comme l’a souligné Bouakouir, est antérieure aux élections législatives. Ses prémices sont apparues dès janvier 2011, lorsque l’émeute était dans les rues d’Alger. C’était à ce moment-là que le FFS est intervenu, à travers la Ligue algérienne de la défense des droits de l’homme, dirigée alors par Me Mustapha Bouchachi qui, plus tard, drivera la liste électorale du parti dans la circonscription d’Alger, pour mettre le statu quo dans le mouvement de protestation qui réclamait le changement. Me Bouchachi qui certainement devait juste donner corps à la surenchère nécessaire au marchandage, puis à la conclusion du deal, avait mis, rappelons-le, toute son énergie à saborder la mobilisation citoyenne née autour de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD). Aït-Ahmed, qui ne s’est toujours pas lassé de contempler le jet des Pâquis, y contribua en qualifiant les manifestants d’Alger d’adeptes de footings hebdomadaires. Il faut vraiment être en plein dans le négoce politique pour se risquer à jeter l’opprobre sur des citoyens militants pour le changement. On ne peut, en effet, mieux rendre service au pouvoir. Mais en quoi tient ce négoce ?
Participation à l’alternance clanique
Si la chronique politique s’abreuve grandement à l’éventualité d’une rentrée du FFS au gouvernement, elle s’ouvre également à d’autres commentaires. Surtout que les ingrédients pour une meilleure compréhension de ce qui agite le FFS lui sont fournis par des cadres du parti. «Les tenants du pouvoir veulent, en inscrivant l’appareil du FFS dans le jeu du sérail, éviter tout risque politique de nature à perturber une nouvelle alternance clanique », a confessé Bouakouir. Au-delà donc de la participation au gouvernement, que la direction actuelle du parti n’infirme ni ne confirme, alors que la question n’a pas fini de lui être posée, le FFS est mis à contribution pour assurer une transition clanique au sommet de l’Etat, en 2014, s’entend. Ce qui revient à dire que le FFS est sur des perspectives politiques totalement autres que celles que d’aucuns lui connaissaient. Le parti ne milite plus pour le changement du système politique, mais entend apporter sa contribution à son maintien en y cautionnant une alternance clanique. C’est une tautologie, sinon une lapalissade que de dire que le FFS a choisi son clan et c’est une grande question qui reste posée quant à savoir lequel.
S. A. I.
SUITE À LEURS DÉCLARATIONS PUBLIQUES
Karim Tabbou suspendu, Samir Bouakouir exclu
La sanction n’a pas tardé. L’ex-premier secrétaire du FFS, élu député sur la liste du parti dans la circonscription de Tizi-Ouzou, a fait l’objet hier d’une mesure conservatoire. Le premier secrétaire, Ali Laskri a, en effet, décidé de le suspendre de toute activité au sein et au nom du parti. Une sanction qui était latente mais que la déclaration publique de Tabbou dans laquelle il accuse la direction du parti de se compromettre avec le pouvoir semble avoir précipité. La décision signée du premier secrétaire du parti, certainement diligemment instruit par Aït-Ahmed, retient comme entre autres griefs à son encontre, «le non-respect des fondements, objectifs, statuts et charte du parti», «dénigrement du parti, de ses militants et de ses dirigeants par des déclarations publiques et écrites», «refus volontaire d’exécuter les directives du parti», «la confiscation des documents du parti» et «la diffusion de rumeurs et dénigrements des militants». Un acte d’accusation lourd qui suggère l’exclusion comme verdict. Le même qui a été prononcé le jour même à l’encontre de Samir Bouakouir. Le premier secrétaire du FFS a décidé en effet que Bouakouir n’officie plus en sa qualité de représentant du parti à l’étranger.
S. A. I.