Nous l’avions remarqué durant toute la semaine et les joueurs nous l’ont eux-mêmes confirmé lors de la conférence de presse d’après-match. Halilhodzic avait mis les bouchées doubles sur ce match, pourtant sans enjeu, hormis celui de ne pas finir dernier.
Le technicien bosniaque a géré la préparation de ce match comme s’il s’agissait d’une finale de CAN, voire d’un match de Coupe du monde. Bien entendu, il avait à cœur de réussir sa première sortie à domicile, devant un public du 5-Juillet réputé très difficile, mais plus que cela, c’est son avenir en équipe nationale qu’il jouait dans ces 90 minutes.
– Par Mohamed Bouguerra
Il était attendu au tournant

C’est vrai que son avenir professionnel ne dépendait pas de ce match. Il a été clair dès le début, du côté de Dely Ibrahim, que ces deux matchs n’étaient que du bonus et que la mission «réelle» d’Halilhodzic ne commencerait qu’avec les éliminatoires de la CAN-2013 et bien sûr de la Coupe du monde 2014, mais ce match «hybride», sans enjeu, qui venait clôturer des éliminatoires de la CAN-2012 cauchemardesques, tout en servant de préparation aux prochaines échéances sentait le traquenard à plein nez. On sentait depuis Marcoussis que le style Vahid Halilhodzic, tout en force, et qui n’a cessé de briser des tabous, ne plaisait pas à tout le monde, surtout du côté des cadres de l’équipe, les anciens du staff et bien sûr du côté de certains responsables du football national, qui avaient pris l’habitude de s’ingérer dans le travail du sélectionneur national. Cette victoire 2 buts à 0, et avec la manière s’il vous plaît, lui donne la garantie de travailler dans la sérénité au moins jusqu’au soir de la première journée des éliminatoires de la CAN-2013 au mois de février prochain
Sa politique a finalement payé
Lorsqu’il est arrivé à Marcoussis, en cassant tout sur son passage, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, avec ses idées avant-gardistes d’ordre, de rigueur et de discipline, qui, il faut l’avouer, nous ont paru, pour l’équipe nationale algérienne, utopistes, beaucoup d’observateurs ne lui ont pas donné plus de deux mois avant de se casser les dents.
Il nous paraissait impossible que le caractère bien trempé et sans concession de Vahid Halilhodzic, qu’on lui a connu à Lille et au Paris Saint-Germain par exemple, s’impose dans une équipe nationale qui était née, avait grandi, avait gagné, puis avait perdu dans le laxisme le plus total. Ce fameux volet «discipline» de l’équipe nationale, où tous les sélectionneurs qui se sont succédé, y compris le «général» Benchikha, se sont cassé les dents. Vahid a préféré suivre le vieil adage «mourir avec ses idées» et a, depuis son arrivée, tout fait pour les imposer, plutôt que de se fondre dans le sirupeux «je-m’en-foutisme» ambiant qu’il a trouvé en arrivant. Et tant pis pour ceux qui s’attendaient à un entraîneur national du type du Français Bruno Metsu, qui avait pour habitude, lorsqu’il entraînait le Sénégal, d’aller en discothèque, danser avec ses joueurs jusqu’au bout de la nuit
Désormais, il a les coudées franches
Nous l’avions souligné précédemment dans nos colonnes, le head coach des Verts était à la recherche de son «match référence» qui lui permettrait de vraiment démarrer son aventure algérienne. Avec un tel résultat, obtenu quand même, il faut le souligner, avec une certaine manière, compte tenu du désert technique et offensif que l’équipe nationale vient de traverser depuis la dernière Coupe du monde, même si ce sont des Fennecs et qu’en matière de désert, ils en connaissent un rayon, Vahid Halilhodzic s’est mis non seulement l’opinion publique dans la poche, mais aussi les décideurs sportifs et politiques. Il s’est mis aussi tout le groupe des joueurs dans la poche en leur démontrant par A+B que ce résultat positif a été obtenu grâce à la rigueur, à la discipline, au sérieux et au travail qu’il a exigé d’eux. Le Bosniaque, qui a, en l’espace de 90 minutes, fait taire tous ses détracteurs, a désormais l’adhésion de tous les acteurs du football national et de toutes ses composantes pour mener sa mission à bien et à sa guise
Des «putschistes» ont essayé de le saboter
Même s’il pratique beaucoup l’humour en conférence de presse et qu’il fait mine, lorsqu’il donne des interviews aux journalistes, sur un ton insouciant, de ne se rendre compte de rien, Vahid Halilhodzic sait très bien que sa venue n’a pas fait plaisir à tout le monde et que pour ces personnes, tous les moyens seraient utilisés pour lutter contre lui, y compris les mauvais résultats de l’équipe nationale. Ce sont ces mêmes putschistes qui avaient fait courir le bruit, à quelques jours du match Algérie-République centrafricaine, qu’Halilhodzic allait signer de manière imminente aux Girondins de Bordeaux, alors que lui était en pleine préparation du match de l’EN. C’est dimanche soir, sur le rectangle vert, que Coach Vahid a répondu à ses détracteurs qui faisaient grise mine
Il a dompté ceux que l’on croyait indomptables
Qui aurait dit, il y a quelques mois, que nos internationaux se fondraient sans sourciller, et dans un laps de temps si court, dans le moule Vahid Halilhodzic. Nos joueurs habitués à leur liberté de mouvement, à leur plan de vol élastiques et à leurs retards incessants étaient réputés indomptables. Vahid Halilhodzic a dû payer le prix fort pour s’imposer à la tête de ce groupe. Il a dû se passer deux fois de la petite perle du football algérien, Ryad Boudebouz, et sanctionner pour un retard le sauveur de Dar Essalem, Hameur Bouazza, pour faire des exemples. A voir le rendement de l’équipe nationale au stade du 5-Juillet dimanche soir, on peut dire qu’Halilhodzic a réussi son coup.
Une révolte couvait au sein du groupe
Avant le match Algérie-République centrafricaine, une révolte couvait au sein du groupe. Surtout du côté des cadres de l’équipe qui n’acceptaient pas la non-sélection de Karim Ziani, les sanctions jugées par le groupe comme abusives contre Boudebouz et Bouazza, et plus généralement, qui étaient irrités par le style Halilhodzic. Ces anciens n’acceptaient pas le ton et surtout les critiques incessantes de Vahid Halilhodzic concernant leur rendement, vidéo à l’appui. Des séances vidéo vécues comme un calvaire pour certains.
Certains joueurs avaient prévu, en cas de mauvais résultat, de monter au créneau, lors de la zone mixte, en dénonçant auprès des journalistes le mépris dont ils faisaient l’objet. Mais la victoire de dimanche leur a, en quelque sorte, coupé l’herbe sous les pieds. Cette victoire a créé un tel enthousiasme dans le groupe qu’elle a emporté, tel un tsunami, toutes les rancœurs, en ne laissant place qu’à la joie. Les joueurs ont compris que Vahid avait comme stratégie de les piquer au vif, dans leur orgueil, pour les faire réagir le jour J et que cela avait fonctionné.
La barrière psychologique
du 5-Juillet est tombée
Il l’avait dit aux joueurs dès le premier contact qu’il avait eu avec eux à Marcoussis : «Vous n’aimez pas jouer au 5-Juillet ? Et bien, c’est là qu’on va jouer !» Vahid sentait qu’hormis Rafik Djebbour, qui est un inconditionnel du stade olympique, l’ensemble de son groupe refusait de jouer au stade du 5-Juillet. Après avoir sondé les joueurs sur le pourquoi de ce refus, le Bosniaque s’est aperçu que c’était plus par superstition, peur et pour d’autres raisons paranormales du même type que pour des raisons rationnelles. Il a donc jugé injustifié ce refus du 5-Juillet et a décidé de placer ce dossier dans ses chantiers prioritaires. Vahid Halilhodzic, qui sait qu’un stade de 80 000 places plein à craquer est très utile pour impressionner l’adversaire et pour donner des ailes à son équipe lors des éliminatoires, a décidé donc, pour sa première sortie au pays, de vaincre le signe indien et briser le tabou du 5-Juillet.
Il a dit en gros à ses joueurs : «Vous dites que ce stade porte la poisse, moi, je vous parie le contraire. La preuve, pour mon premier match, je me mets en danger en le jouant au 5-Juillet. Et je vous garantis que si vous vous donnez à fond et si vous appliquez ma tactique sérieusement, on gagnera ce match et vous vous rendrez compte que le surnaturel n’a rien à voir là dedans.» Sa stratégie s’est révélée payante, puisqu’on n’avait pas vu depuis très longtemps, en match officiel, une telle victoire avec panache au stade du 5-Juillet.
Il a métamorphosé Ghezzal
Qu’il faisait plaisir à voir, Abdelkader Ghezzal, à sa sortie du stade sous la «standing-ovation» du public. Un public qui se réconciliait avec lui après un divorce qui aura duré plus d’un an, à la suite de sa malencontreuse main, au Mondial, face à la Slovénie.
Ce qu’ignorent peut-être les gens qui ne suivent pas l’équipe nationale de très près, c’est que cette reconquête du public du besogneux attaquant de Cesena n’aurait pas pu se faire sans Vahid Halilhodzic, encore lui. Lors du premier stage de Marcoussis, c’est un Abdelkader Ghezzal au fond du trou sur le plan international qui n’arrive pas à marquer et qui est proche de jeter l’éponge, surtout lors du match d’application de Marcoussis, où en plein Ramadhan, lorsqu’il avait été copieusement sifflé et insulté par les supporters. Depuis ce jour, Vahid Halilhodzic n’a cessé de le mettre en confiance, de l’encourager et de souligner lors des points de presse son implication, son exemplarité, son travail énorme même s’il ne marque pas et son amour du maillot. Ces déclarations ont eu pour effet de motiver Ghezzal et de faire réfléchir le public qui a infléchi sa position concernant le joueur.
Il a mis le public dans sa poche
La plus grosse performance de Vahid Halilhodzic, ça n’aura pas été la victoire face à la Centrafrique non, mais la conquête, en un tour de main, du public du 5-Juillet qui, à 18h43, sifflait copieusement les Verts, et à 21h15, criait Halilhodzic Allah akbar. C’est au moment où il est entré sur le terrain et qu’il a entendu les sifflets que Coach Vahid a demandé aux supporters, en les haranguant, en agitant les bras à la manière de Mourinho, d’encourager plutôt que de siffler. Ces gesticulations de Vahid, auxquelles il faut ajouter le but d’entrée de Yebda, ont reconquis le stade du 5-Juillet.
Il va pouvoir sélectionner à sa guise
Conséquence heureuse pour Vahid Halilhodzic, dorénavant, ses choix ne seront plus aussi discutés qu’avant. Ainsi, il pourra à l’avenir sélectionner qui bon lui semble, jusqu’au prochain faux pas de l’équipe nationale.
M. B.