Dans notre pays, le pain est subventionné par l’Etat. Le prix de la baguette de pain est rigoureusement respecté sur tout le territoire national. On peut même dire que c’est pratiquement le seul produit dont le prix est stable depuis des décennies, malgré une inflation galopante. C’est bien pour le consommateur algérien, dont le pain est l’aliment de base. Mais qu’en est-il des boulangers ? Peuvent-ils s’estimer heureux de cet état de fait ?
Pour nombre de boulangers, ce n’est malheureusement pas le cas. Ils reconnaissent le bien-fondé de la subvention de l’Etat. Cependant, ils estiment, dans leur majorité, que le niveau de ce soutien public est aujourd’hui dépassé.
Il date en effet de 1996 et ne concerne uniquement que la farine. Pour produire le pain, même si cette matière est essentielle, il faut lui ajouter de la levure, du sel, de l’eau, du sucre ainsi que d’autres ingrédients, sans compter la facture d’électricité liée notamment au fonctionnement des fours.
Ces produits ne sont nullement subventionnés et leurs prix grimpent sans cesse. Quelle est donc la marge bénéficiaire du boulanger, cette marge qui devant lui permettre de pérenniser sa profession et de pouvoir faire vivre sa famille. Cette marge est bien maigre, se réduisant d’année en année, étant donné les frais d’exploitation. Et qu’en est-il de ses ouvriers ?
En 1996, le SNMG était de 4 000 DA, et les ouvriers pouvaient être satisfaits, vu leur pouvoir d’achat. Aujourd’hui, ce salaire minimum est 18 000 DA, alors que les dépenses de fonctionnement du boulanger ne cessent de grimper et que son bénéfice se réduit de manière alarmante. Pour compenser les déséquilibres causés par la production de pain, le boulanger étend ses activités aux domaines de la pâtisserie et des croissants.
Mais là aussi, il se heurte aux augmentations effrénées des prix de la matière première. La margarine a atteint des sommets et il en est de même pour le sucre, les oeufs ainsi que les différents ingrédients entrant dans la composition des gâteaux. L’Algérien peut manquer de tout, mais pas de pain Professionnel de la boulangerie, M. Idriss Abada regrette sincèrement cet état de fait. Il le regrette parce que le métier de boulanger est sa raison de vivre.
Il exerce cette activité qui se transmet de génération en génération, reprenant l’héritage légué par son père, avec pour principe essentiel l’amour du métier. Sa boulangerie située au centreville d’Alger, à la rue de Tanger plus exactement, constitue un modèle du genre, avec du pain de qualité, frais, croustillant, apetissant.
De longues queues se forment devant sa boulangerie pour acheter ce pain de qualité, dont les stocks s’épuisent en fin de journée, et cela sept jours sur sept, y compris les fins de semaine et les jours fériés. Pas un seul jour de fermeture, même le jour sacré de l’Aïd, et avec en tout et pour tout deux à trois semaines de congé par an ! «Je ne léguerai pas cette activité de boulanger à mes enfants.
C’est un métier trop dur qui ne fait plus vivre de nos jours», ditil amèrement. Et d’ajouter : «Moi-même, j’ai de grandes difficultés à recruter des ouvriers. Les jeunes d’Alger refusent ce métier, seuls l’acceptent des habitants de l’intérieur du pays. Et encore, pour quelque temps seulement. »
Dur, le métier de boulanger demande à être présent chaque jour à deux heures du matin devant le pétrin et à quatre heures devant les fours. M. Abada concède que des crédits d’investissement peuvent lui être accordés pour la modernisation de ses équipements, mais ce ne sont que des crédits remboursables, aux taux bancaires du marché, sans aucune bonification.
Dans son métier, une inquiétude taraude son esprit en permanence, celle des coupures d’électricité. «Le pain resté dans le four se détériore entièrement et il n’est plus consommable», déplore-t-il. La Sonelgaz lui a recommandé l’installation de groupes électrogènes, mais il n’a ni l’espace ni les moyens pour cela. Le métier de boulanger est en péril. Il requière des solutions urgentes pour revaloriser cette activité vitale. L’Algérien peut manquer de tout, mais pas de pain.