Des bijoux contrefais inondent le marché Algérien,Tout ce qui brille n’est pas or

Des bijoux contrefais inondent le marché Algérien,Tout ce qui brille n’est pas or

P110814-10.jpgCes bijoux «truqués» sont importés frauduleusement ou fabriqués dans des ateliers clandestins

Selon de nombreux bijoutiers, la mafia locale de l’or est en connexion avec des réseaux étrangers, implantés en Turquie, en Italie, en France, en Suisse, mais aussi et surtout en Syrie.

La commercialisation et la fabrication d’objets de joaillerie dans des sites informels sont devenues une pratique largement répandue dans notre pays. «Il y a environ 15 tonnes d’or contrefait, de moins de 18 carats (entre 14 et 18 carats), avec de faux poinçons, qui circulent sur le marché informel. Une telle quantité représente 40% de l’or dont bénéficie le marché parallèle.

Un marché estimé à des centaines de milliards de centimes», soutient un responsable de l’Ugcaa. Ces bijoux «truqués» «sont importés frauduleusement ou fabriqués dans des ateliers clandestins, que l’on trouve nombreux à travers le territoire national» a indiqué le même responsable ajoutant que la pratique du faux poinçon qui s’est généralisée se présente sous de multiples facettes. «Les poinçons sont fabriqués sur commande auprès des spécialistes italiens, turcs, malaisiens et thaïlandais», a-t-il indiqué. Ce sont donc des réseaux dotés de moyens et d’appuis inébranlables. De ce fait, le commerce informel des objets en or constitue la «chasse gardée» des gros bonnets ayant pignon sur rue et le bras long dans les rouages de l’administration. Selon de nombreux bijoutiers et professionnels avertis, il est soutenu que la mafia locale de l’or est en connexion avec des réseaux étrangers, implantés en Turquie, en Italie, en France, en Suisse, mais aussi et surtout en Syrie. «La Syrie est devenue, depuis ces dix dernières années, l’un des principaux pays ayant un marché à partir duquel s’approvisionne la mafia locale algérienne», témoigne Omar, un vieux bijoutier, installé à la Casbah (Alger). En Algérie et au niveau des marchés et points de vente visités, le constat établi est amer et renseigne sur de nombreuses anomalies, ayant trait au développement massif de faux poinçons, la vente et la fabrication illégale de l’or et d’autres objets précieux et l’absence de toute marque.

Cet état de fait s’explique, de l’avis des professionnels en la matière, par plusieurs raisons essentielles. Entre autres, on citera, notamment l’absence de contrôle du marché de l’or par les services concernés (Agenor), la demande de plus en plus croissante d’or par le consommateur et les gains énormes glanés dans cette activité juteuse.

50% de l’or mis en vente est faux

Selon des sources bien informées, il est signalé que le circuit informel de l’or détient pas moins de 50% du métal précieux mis en vente. Cet état de fait a ainsi ouvert les portes à des circuits hermétiquement spécialisés dans les commerces illicites de l’or et fermés à toute possibilité d’infiltration.

Ces derniers, témoignent nombre d’artisans, échappent à tout contrôle. Car, selon eux, les réseaux de contrebande s’approvisionnent en Turquie, en Italie et en Syrie et bénéficient par conséquent d’une sécurité inouïe. Sur ce plan, une virée dans les marchés de l’or, se trouvant à Alger, comme c’est le cas à la place Emir Abdelkader nous renseigne amplement sur le commerce informel de l’or, pratiqué au vu et au su des autorités, qui connaît, outre des clients composés de simples citoyens, des rushs de producteurs artisanaux ou à la chaîne vers l’or cassé cédé de nos jours jusqu’à 2000 DA le gramme, alors qu’auprès des artisans agréés ce métal précieux se vend à quelque 4000 DA le gramme, à en croire B. Mourad, commerçant et fabricant d’une riche gamme d’objets de joaillerie. Et de préciser que suite au manque de contrôle, l’absence de sanction et de sensibilisation quant aux effets néfastes des bijoux contrefaits ou vendus dans des circuits informels, a fait que les artisans et les bijoutiers évitent de s’approvisionner auprès des fournisseurs, producteurs et importateurs connus, tout en leur exigeant les factures réglementaires, pour n’acheter que des bijoux dont le titrage est conforme à la réglementation en vigueur. «La circulation de l’or est un jeu fermé à toute possibilité d’infiltration. Bien huilés et profondément implantés, les réseaux étendent leurs bras à toutes les régions du pays, néanmoins, les wilayas d’Alger et de l’est du pays se distinguent des autres», divulgue notre interlocuteur. Selon lui, les plaques tournantes du vaste trafic de l’or, en Algérie sont, entre autres, Batna, Tébessa, Constantine, Guelma et Oran. Néanmoins, l’on relèvera que Alger et M’sila sont considérées comme les deux plus importantes wilayas, où se trouvent les «bourses informelles de l’or» alors que la wilaya de Guelma s’arroge visiblement, le titre de capitale du trafic des louis d’or.

De ce fait, il convient de signaler que le marché national est largement inondé d’or et d’objets de joaillerie issus des importations frauduleuses, de la récupération des bijoux sous la forme d’«or cassé», du façonnage et de leur remise sur le marché sous une fausse garantie. «Ceux auprès desquels nous nous approvisionnons ne sont que de petits intermédiaires, exerçant au profit des grands barons, agissant dans l’ombre», témoigne B. Mourad, un bijoutier, en exercice depuis une vingtaine d’années, à Alger. En connaissance de cause, le même bijoutier indiquera, par ailleurs, que le marché de la joaillerie haut de gamme (diamants et autres pierres précieuses) frauduleusement importée, est en plein essor, alors que ses animateurs ne se soucient guère des contrôleurs ou des mesures annoncées de temps à autre par l’Etat qui veut assainir le marché national de l’or. S’agissant de l’ouverture du marché de l’or aux importateurs agréés et la mise en place des neuf nouveaux poinçons, jugés inimitables, il faut dire que ces mesures n’ont pas enregistré le résultat escompté par la tutelle qui comptait réorganiser le marché de l’or. Au sujet de l’ouverture dudit marché, il est perçu du côté des joailliers comme étant une démarche, qui n’arrangera pas les activités des petits artisans, mais fera, cependant, le bonheur et la richesse des barons, au bras long sur le marché. «La reprise de l’importation des objets en or n’est pas faite pour les petits bijoutiers, qui risquent de disparaître de la liste et ce, du fait de la concurrence déloyale que leur livrent les joailliers informels», souligne H. Abelkader, un artisan-bijoutier, à Alger.

La Bourse de l’or à Batna

Par ailleurs, nous avons appris auprès de diverses sources que de grosses quantités d’or proviennent via nos frontières, une activité qui est devenue de nos jours, un jeu d’enfant pour les réseaux spécialisés en la matière. Avec un prix du lingot oscillant entre 1,3 et 1,5 million de dinars, avoue un faux fournisseur, l’enjeu pourrait impliquer des gens intouchables. Et pour preuve, il avancera l’exemple de la wilaya de Batna, où, à chaque coin de la ville, on y trouve des points de vente en détail et en gros, alors que cette activité est pratiquée sans que ses auteurs ne se soucient des services de sécurité ou de structures de contrôle.

La puissance de ces réseaux a été, témoigne-t-il, mise en exergue récemment par une importation frauduleuse de lingots de 24 carats, frappés du sceau de la Fédération suisse. Pourtant, cette qualité d’or de 24 carats est strictement interdite en Algérie. Néanmoins, on la trouve très facilement, précise notre interlocuteur. Pour un artisan-bijoutier de Merouana, relevant de la wilaya de Batna, D. Zouhir, le trafic de l’or est encouragé, étrangement, par le comportement passif des pouvoirs publics à l’égard de réseaux activant aux frontières approvisionnant le marché informel. Selon lui, les trafiquants, audacieux et plus que jamais organisés, ne connaissent plus de limites. Après l’or suisse, ils ont jeté leur dévolu sur celui italien de 750 millièmes (18 carats), qui est également interdit d’importation et de commercialisation.

Néanmoins, il soutiendra que rien n’est interdit quand il y a demande. Et à titre illustratif, il nous renvoie à visiter les vitrines bien achalandées de toutes les régions du pays, qui mettent en évidence et en valeur des bijoux et des objets précieux alors qu’ils sont interdits par la loi. Dans le même contexte, l’artisan des Aurès indiquera que les objets de la joaillerie qui sont réellement frappés de la garantie des impôts, ne sont même pas exposés en vitrine, car ce sont des «denrées rares».

L’or volé durant la tragédie nationale circule dans l’informel. Sur un autre volet, nous avons appris que l’or vendu dans les réseaux informels provenant des objets de joaillerie récupérés sous forme d’or cassé sur le marché national, sous une fausse garantie, est devenu l’une des spécialités, qui gagne de plus en plus du terrain dans les grandes villes du pays, en l’occurrence Alger, Batna à partir desquelles s’approvisionnent les réseaux locaux.

Cependant, d’autres sources soulignent, à leur tour, que d’importantes quantités de bijoux, qui sont remises sur le marché informel, notamment au cours de ces dernières années, appartiennent aux nombreuses familles dépossédées et délestées par les terroristes. «Des quantités énormes de bijoux volés à des familles durant les années de braise sont écoulées dans les marchés parallèles de l’or que l’on trouve de par les régions du pays», témoigne un des plus grands bijoutiers, à Alger, qui est aussi issu d’une famille de joailliers.