Des attentats sanglants à la veille du 3e anniversaire de la révolution, L’égypte retient son souffle

Des attentats sanglants à la veille du 3e anniversaire de la révolution, L’égypte retient son souffle

Au moins cinq personnes ont été tuées et des dizaines blessées dans une série d’attentats perpétrés au Caire hier matin, à la veille des célébrations du troisième anniversaire de la révolte ayant chassé Hosni Moubarak du pouvoir.

Vers 6h30, un kamikaze a fait sauter une voiture piégée sur le parking du quartier général de la police égyptienne dans le centre de la capitale, qui abrite également la sécurité d’Etat, les Moukhabarate. 4 tués et plus de 50 blessés, des dégâts jusqu’à 100 m à la ronde.



Quelques heures après cet attentat, un engin explosait à proximité d’une station de métro du quartier de Dokki, toujours au Caire, faisant un mort et 15 blessés. Un peu plus tard encore, une troisième bombe avait explosé devant un commissariat, dans l’ouest du Caire, sur la grande artère menant aux pyramides de Gizeh.

La veille, jeudi, 5 policiers sont morts dans l’attaque d’un poste de contrôle routier à Béni Suef, à une centaine de kilomètres au sud du Caire.

Peu après la série d’attentats de vendredi, attribués par le ministère égyptien de l’Intérieur aux djihadistes, des habitants se sont réunis pour conspuer les Frères musulmans, comme cela a été le cas lors des récentes attaques, brandissaient des portraits du chef de l’armée, le général Abdelfatah al-Sissi, le très populaire homme fort du pays qui avait destitué l’ancien président, issu des Frères musulmans, Mohammad Morsi. Ces attentats surviennent alors que l’Egypte s’apprêtait à célébrer aujourd’hui l’anniversaire de la “révolution du 25 janvier” lancée en 2011 dans le tumulte des “printemps arabes”. Et pourtant, cette commémoration, qui s’annonçait sous haute tension dans un pays profondément divisé, policiers et soldats étaient au niveau d’alerte rouge à travers le pays, particulièrement dans le centre du Caire, où se trouve l’emblématique place Tahrir qui s’était mobilisée deux fois. Une première fois pour se débarrasser de Hosni Moubarak, la seconde pour destituer son successeur islamiste, Mohamed Morsi qui s’était également révélé pharaonique avec le dessein de plomber l’Egypte avec les lois religieuses. Les attentats contre les forces de l’ordre se sont multipliés depuis que l’armée a destitué le président islamiste le 3 juillet 2013. Quelque 250 policiers et soldats ont été tués dans ces attaques, revendiquées pour nombre d’entre elles par des groupes djihadistes qui affirment agir en représailles à la sanglante répression des pro-Morsi par les autorités dirigées de facto par les militaires. Ces groupes disent s’inspirer d’Al-Qaïda, sans lui prêter allégeance. Bien que revendiquée par ces groupes dont un mouvement basé dans le Sinaï et sans lien démontré avec les Frères musulmans, les autorités égyptiennes attribuent leurs actions à l’influente confrérie, l’ayant déclaré dans la foulée “organisation terroriste”. Depuis, les dirigeants des Frères encourent la peine capitale et ses centaines de milliers de membres risquent des peines d’emprisonnement s’ils manifestent ou possèdent des écrits ou enregistrements de leur mouvement.

En attendant, le procès de Mohamed Morsi est reporté de semaine en semaine alors que les lourdes charges contre lui ont été énumérées par le procureur du Caire.

Défiant la répression sanglante et systématique dont ils sont l’objet, les Frères musulmans ont appelé hier à manifester durant 18 jours, soit la durée de la révolte populaire qui a mis fin, le 11 février 2011, à trois décennies de pouvoir absolu de Hosni Moubarak. Aujourd’hui, samedi, en plus des islamistes, les opposants à l’armée issus des mouvements de la jeunesse et des courants progressistes devaient également manifester sur la place Tahrir. Et le gouvernement intérimaire, cherchant à contrer le mouvement, a appelé ses partisans à manifester en masse samedi pour contrer le plan des Frères musulmans de semer le chaos.

Dans ce climat délétère, des responsables du gouvernement, et même de l’armée, annoncent à demi-mot depuis plusieurs jours que les manifestations pro-régime d’aujourd’hui serviront aussi à légitimer encore un peu plus la candidature du général Sissi à l’élection présidentielle promise pour 2014. Le Premier ministre égyptien Hazem Beblawi a déclaré hier devant le Forum mondial des décideurs économiques à Davos (Suisse), que l’esprit du “printemps arabe” était toujours vivant dans son pays et que le chef de l’armée, le général Abdelfatah al-Sissi, était “sous la pression du peuple” pour briguer la présidence, “comme de Gaulle” avant lui. Beblawi a fermement rejeté l’idée que le général Sissi était un nouveau Hosni Moubarak.

D. B