La maffia des lubrifiants semble avoir pris pied. En effet, des huiles moteurs, de fabrication douteuse sont commercialisées dans des points de vente appartenant à des privés.
C’est ce que nous avons constaté hier, quand un vendeur nous a proposé des bouteilles en plastique avec une étiquette sommaire sur laquelle on pouvait lire «Made in Saoudi Arabia».
Le plus grave dans cette affaire, qui ne semble pas choquer pour le moment, est le fait que ces huiles sont vendues à 280 dinars la bouteille d’un (1) litre, et sous le manteau encore ! Deux types d’huile sont proposées : la SAE 40 pour moteur essence dans un emballage plastique de couleur marron clair, et la SH pour moteur diesel, dans un emballage plastique de couleur noire.
Selon certains opérateurs qui semblent être au fait de cette situation, il s’agirait d’entreprises illicites qui récupèrent les huiles des vidanges, soit auprès de stations-service soit auprès d’opérateurs qui filtrent des quantités usagées ou les mélangent à des huiles recyclées.

Des ateliers auraient été localisés à Arzew et dans la wilaya de Sétif. Selon un mécanicien, certains automobilistes ont eu à pâtir de ces huiles contrefaites dont nous avons évoqué l’existence dans notre édition n° 3403 du 1er septembre.
Dans notre édition n° 3390 du 15 août, et alors que la pénurie des lubrifiants durait depuis plusieurs semaines, des revendeurs agréés ont crié à l’injustice et dénoncé que leur mise à l’écart par Naftal n’a rien réglé. Nos interlocuteurs avaient déclaré qu’un fax en prévenance de la direction de la société Naftal à Cheraga (Alger), daté de début août avait fait part d’un arrêt d’approvisionnement des revendeurs des huiles qui sont pourtant agréées par l’Etat.
Ces derniers se sont sentis mis en cause par cette pénurie, alors que depuis leur mise à l’écart, rien n’a été réglé, et la pénurie et de plus en plus aigue.
Une crise que nous avons nous-mêmes constatée, lors d’une virée à travers plusieurs stations de services notamment à Es-Sénia, où l’huile est indisponible que ce soit chez des stations gérées par Naftal ou en gérance privée ou même les points de ventes agréés (PVA). L’huile est introuvable, au grand dam des clients et des industriels qui sont les premières victimes de ce conflit qui perdure depuis déjà plusieurs semaines.
Résultat, la spéculation est la seule explication chez les gérants des stations de services qui, selon nos interlocuteurs profitent de cette crise pour augmenter les prix, qui ont doublé. Selon notre interlocuteur, ces huiles ne répondent à aucune caractéristique technique (viscosité notamment) et ne tiennent même pas 1.500 à 2.000 kilomètres dans les meilleurs des cas.
Certains automobilistes, ne pouvant se procurer des huiles produites par la raffinerie, ont été contraints d’acheter les produits contrefaits pour se dépanner, car il leur a été assuré que cette pénurie de lubrifiants est momentanée du fait de l’arrêt annuel de la raffinerie d’Arzew. Il s’agit d’automobilistes professionnels comme les transporteurs clandestins ou les chauffeurs de taxis.
Des sources de la raffinerie d’Arzew (RA1-Z) assurent que ce n’est pas la première fois que le complexe ferme. «En prévision de cette période de maintenance, nous constituons des stocks pour assurer la soudure.
En quoi cela serait-il différent cette année ?» Un argument recevable mais qui n’explique pas pourquoi les fameux bidons orange ne sont plus exposés en nombre dans les points de vente de Naftal, qu’il s’agisse de gestion directe (GD) ou de gérance libre (GL), et qui valent 1.070 DA le bidon de 5 litres.
Un fait qui plaiderait en faveur d’une baisse de la production à la raffinerie et la distribution d’huile en vrac, alors que ces fûts étaient généralement destinés pour les vidanges dans les stations-service. De son côté, un responsables de Naftal a déclaré: «Les lubrifiants constituent pour nous une source de bénéfices appréciables et nous sommes les premiers à pâtir de cette situation. Nous distribuons ce que nous recevons».
Coté huiles dites d’importation, c’est la pénurie également et quand des usagers ont la chance d’en trouver, les prix sont au-delà de tout entendement. Des revendeurs agréés, on continue de dénoncer une opération opaque. Les résultats constatés sur le terrain confirment que de véritables OPA ont été lancées dans le but de déstructurer un marché très juteux et en retirer des bénéfices colossaux au détriment d’entreprises publiques. Une façon de faire qui risque de mener à la faillite bon nombre d’entre elles et jeter à la rue des centaines de travailleurs.
Les responsables concernés laisseront-ils faire, alors que l’Etat est en train de déployer des efforts gigantesques pour « caser » des jeunes pour quelques mois en injectant des milliards dans les différents dispositifs ?
Ces milliards que convoitent des cercles véreux qui se prétendent opérateurs économiques seront-ils préservés et les bidons d’huile regarniront-ils les points de vente des points de vente, qu’ils soient du ressort d’entreprises publiques ou privées ? L’avenir nous éclairera.
Hakim Djaziri