Des arbres qui poussent,des murs badigeonnés et des routes asphaltées,Les petits miracles du métro d’Alger

Des arbres qui poussent,des murs badigeonnés et des routes asphaltées,Les petits miracles du métro d’Alger

Enfin le bout du tunnel

148 ans après l’invention du métro, les Algériens vont enfin goûter aux plaisirs de la modernité.

Mieux vaut tard que jamais. Le métro d’Alger est sur le point de voir le bout du tunnel. Les responsables du projet s’activent jour et nuit pour qu’il puisse être livré dans les délais. Ce qui n’a pas été fait en 30 ans est en train de se réaliser en 3 mois. Que nous vaut cet exploit? En tout cas, le tempo mis par les employés en charge du projet n’a jamais été vu en Algérie. Un petit tour à la station «Haï El Badr», qui est la seule station aérienne de la ligne, en vaut la chandelle. C’est dans cette station où l’avancée des travaux est la plus remarquée. Comme par enchantement, les bâtiments qui entourent le quartier ont été repeints pour retrouver leur blancheur d’antan.

Les poubelles et toute sorte de détritus ont disparu. Que dire alors de la chaussée, elle qui, depuis des années, est la bête noire des automobilistes! Eh bien elle a tout bonnement vu son asphalte complètement rénové. Les trottoirs ont également fait leur apparition dans ce nouveau décor d’Eden, un quartier noyé, il y a quelques jours, dans les immondices. Ses trottoirs ont aussi été agrandis et sont sur le point d’être bitumés. Mais la magie du métro de Amar Tou ne s’arrête pas là…! Bien au contraire, le meilleur reste à venir.

En effet, des arbres (et non arbustes) ont poussé d’un seul coup pour donner un aspect verdoyant au quartier. C’est cela la magie du métro. Que du bonheur donc pour les riverains.

«Notre quartier va pouvoir retrouver son lustre d’antan», affirme Sid Ahmed, un résident du lotissement Cadat de Kouba, qui jouxte la station Haï El Badr. «Cela même si le monde qui risque de se déverser dans le quartier me fait peur», ajoute t-il. «Par quelle magie ont-ils réussi à transformer notre cité en endroit où il fait bon de vivre?», s’interroge de son côté Mohamed, habitant la cité dite 1100 Logements de la Cnep. «Cela fait des années qu’on crie notre détresse compte tenu de l’état de notre espace vital, en vain», dénonce-t-il fermement. «Nos SOS sont restés inaudibles. Les autorités n’ont jamais pris la peine ne serait-ce de nettoyer le quartier. Et voilà que grâce au métro, il n’a pas seulement été nettoyé mais l’aménagement extérieur qui traîne depuis des années a été métamorphosé. Même nos bâtiments ont eu droit à un toilettage avec un petit coup de peinture», poursuit-il. Cependant, ce nouveau visage donné aux quartiers avoisinant la station Haï El Badr a tout l’air d’être un traitement de faveur par rapport aux autres quartiers qui bordent le tracé du tramway d’Alger.

Le carnaval du badigeonnage

A l’époque de l’inauguration du «tram», ces quartiers n’avaient pas bénéficié des mêmes faveurs. Les pauvres ont juste eu droit à un badigeonnage où seul l’immeuble d’un concessionnaire brûlé lors des émeutes de janvier dernier, avait été couvert pour masquer les dégâts. Sinon point d’arbre qui sorte prodigieusement de terre et encore moins de lifting. Pis encore, plus de 6 mois après son inauguration, des gravats entourent toujours ses lignes. La poussière est de plus en plus présente même sur les lignes en exploitation.

Rien n’a été fait pour améliorer l’environnement des alentours. Rien de verdoyant, contrairement à ce que nous a habitués le secteur des travaux publics avec la réalisation des trémies et autres ouvrages d’art qui verdoient l’endroit à chacun de leur passage… Alors comment expliquer ce traitement de faveur? Le métro est plus important que le tramway ou c’est par rapport au temps que ce projet a mis pour se concrétiser… 30 ans tout de même? La question reste donc en suspens. Mais pour Karim, un autre citoyen heureux de voir son pays se moderniser, cela s’expliquerait par la présence du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à l’inauguration. «Vous n’avez pas remarqué? A chaque fois que le Président inaugure quelque chose c’est le même carnaval qui se répète. Les responsables s’empressent de transformer l’endroit en paradis», estime-t-il.

«Ainsi, ils cachent au Président leur échec et leur mépris de la population. Ils lui font croire qu’ils font leur boulot, or…», rétorque-t-il furieux. «On voit à chaque visite présidentielle une pièce de théâtre où des arbres sont plantés un peu partout et des villes rénovées», précise Karim. «Cette rénovation des villes pendant les visites officielles se fait en quelques jours. Je ne comprends pas pourquoi nos responsables ne font pas la même chose tout au long de l’année pour qu’il fasse bon vivre dans tout le pays? Ils le font en quelques jours donc ce n’est pas aussi sorcier que cela à faire…», peste-t-il.

Deux siècles plus tard…

Ce coup de gueule de Karim relance le débat sur la capacité des Algériens, en particulier les responsables, à se surpasser dans l’empressement. Mais alors pourquoi ne le font-ils pas en temps normal? Cela est une autre question qui reste sans réponse. En tout cas, et pour revenir à la station Haï El Badr, il ne faut pas être de mauvaise foi et admettre que c’est une merveille digne des grandes stations des plus grandes capitales du monde.

Des correspondances avec des bus sont même prévues dans cette station. Un arrêt de bus est en train d’être aménagé. Cet aspect est très important et ne doit être nullement négligé puisque il va permettre aux citoyens une plus grande mobilité. Pour les autres stations qui doivent être inaugurées, tout est souterrain donc on n’a rien pu voir.

Toutefois, des travaux de rénovation ont été entamés mais ils ne sont pas aussi impressionnants que ce qui se réalise à la station Haï El Badr. Dans les autres stations, les ruelles avoisinantes ont été nettoyées, certains édifices blanchis. On peut aussi citer l’opération de nettoyage, à l’acide, que sont en train d’effectuer les agents d’entretien de la wilaya d’Alger au niveau de la fontaine de la place du 1er-Mai. Une fontaine abandonnée depuis des lustres. Voilà donc 148 ans après l’invention du métro (Le «Metropolitan Railway» de Londres, qui est le premier métro au monde, a été mis en service en 1863), l’Algérie s’ouvre à la «modernité».

Pour l’anecdote, le métro de Paris a été construit en deux ans (les travaux ont débuté en 1898 et il a été inauguré en 1900), par des ouvriers issus des colonies, particulièrement les Algériens. On peut donc résumer qu’au XIXe siècle les Algériens ont mis 2 ans pour construire le métro de Paris, alors qu’au XXIe siècle il a fallu 6 ans aux Français pour seulement équiper celui d’Alger…