Des anciens moudjahidine racontent la guerre de libération «La Révolution a été un acte conscient d’un peuple décidé à recouvrer sa souveraineté»

Des anciens moudjahidine racontent la guerre de libération «La Révolution a été un acte conscient d’un peuple décidé à recouvrer sa souveraineté»

«L’Ecriture de l’histoire de la guerre de Libération doit solliciter les acteurs du 1er Novembre 1954. On ne peut pas la laisser aux mains de manipulateurs qui pourraient, à dessein, travestir certains faits ou carrément n’en faire qu’une écriture biaisée»

, diront Hadj Mustapha Ghobrini, ancien condamné à la réclusion criminelle à perpétuité après une série d’attaques à la bombe perpétrées le 18 octobre 1955, et Kaddour Naïr, ancien condamné à mort après une attaque à la grenade contre un bar de la rue d’Arzew (actuelle rue Ben M’hidi), fréquenté par des soldats français.

Ces deux anciens moudjahidine, à la mémoire encore vivace, nous replongent dans le contexte historique de la guerre de Libération avec force détails. L’esprit encore alerte, ils racontent les sacrifices du peuple, convaincu de la justesse de sa cause, de l’engagement de ceux qui avaient pris les armes pour la lutte armée, ceux qui avaient bradé la machine à torturer, coloniale, pour organiser et structurer les premiers groupes de combattants.

«Le 1er novembre 1954, quatre groupes composés de 4 à 8 hommes devaient attaquer des cibles réparties à travers Oran. Un groupe devait attaquer la caserne d’Eckmühl, et les trois autres devaient cibler l’intendance de M’dina J’dida, la base aérienne de Tafraoui et un poste dans le port d’Oran. Le groupe commandé par Cheriet Ali Cherif devait rejoindre le lieu de l’opération (la caserne d’Eckmühl) à bord d’un taxi conduit par Azoulay, un juif collaborateur.

En se rendant compte que quelque chose se préparait dans son véhicule, il avait refusé d’emmener le groupe. Il fut liquidé par Ali Cherif qui prendra le volant pour rejoindre les autres hommes du groupe, dont je faisais partie, en face de la caserne.

A l’heure J, notre complice, qui devait nous conduire à l’armurerie de la caserne, a fait défection, ce qui nous a contraint à rebrousser chemin et à opérer autrement. Cheriet Ali Cherif, un militant actif de la cause nationale, sera arrêté quelques jours plus tard, condamné à mort et détenu à la prison civile d’Oran», dira Hadj Ghobrini.

Des cibles choisies

«Le 18 octobre 1955, l’organisation avait choisi 7 cibles pour mener des attaques à la bombe. Je fus désigné pour déposer des engins explosifs au siège de l’Echo d’Oran (qui abrite actuellement le journal El Djoumhouria) et l’Hôtel de ville.

Ces engins à retardement, furent fabriqués par Mohamed Bencheraa qui travaillait à cette époque dans les forges de la fonderie Ducros à Gambetta. L’opération avait ébranlé l’autorité coloniale. Je fus arrêté quelques jours plus tard et condamné à la réclusion à perpétuité», dira notre interlocuteur.

Kaddour Naïr, qui avait attaqué à la grenade un bar fréquenté par les soldats français, fut arrêté et condamné à mort par le tribunal des armées, le 28 octobre 1957. «A la prison d’Oran, j’ai connu Cheriet Ali Cherif, un homme cultivé, engagé et surtout animé d’une volonté de lutter contre l’occupant.

Il fut guillotiné le 28 janvier 1958. Les gardiens qui l’avaient accompagné dans la cour où était dressé ‘el-qerta’ (la guillotine), nous avaient raconté comment il avait refusé qu’il soit touché par le bourreau et les propos qu’il avait tenus à la veuve d’Azoulay, qui avait assisté à l’exécution, et aux responsables français présents. Ils les avait frappés par son courage et sa détermination quand il les avait invités à se rappeler cette date le jour où ils prendraient le bateau pour fuir l’Algérie indépendante.

Il s’était préparé à se sacrifier pour le pays. Il s’était rapproché de la guillotine en disant au bourreau : toi qui avait l’habitude d’exécuter les criminels de droit commun, tu vas tuer aujourd’hui un militant de la cause nationale qui n’a pas peur de ta machine, vas-y !», dira Kaddour Naïr.

Ces deux anciens moudjahidine sont convaincus que «nous avons perdu beaucoup de temps pour l’écriture de l’histoire. Il faut faire vite tant que les acteurs de cette période glorieuse du pays ont encore la faculté de se rappeler des détails encore jalousement gardés dans leur mémoire».

Par F. Ben