A l’inverse de la plupart des villes européennes qui accueillent nombre de communautés hétéroclites, Genève est sans doute l’une des plus sélectives en raison de son rythme de vie politique et culturel ainsi que de son mode de gestion.
Parler de sélection ne renvoie pas nécessairement à des arrière-pensées sous-tendant une sorte de racisme organisé ou une exclusion systématique, basées sur le rite, la religion, la culture, l’ethnie ou autres. Non. En fait, Genève accueille, dans leur diversité et même leurs antagonismes, les cultures et les civilisations les plus anciennes de la planète dans une parfaite osmose. Selon la politique «le mieux vivre ensemble».
La sélection réside dans le fait que l’exil regroupe, en fait, les meilleurs ambassadeurs de leurs pays, les artistes les plus complets, les opposants les plus authentiques, les humanistes les plus dévoués et les êtres les plus sensibles épris d’équité, de justice, de paix et de perspectives humanistes. C’est cela la sélection qu’exerce l’attrait de Genève qui n’a pas de place pour les prophètes usurpateurs, les faux messies et les imposteurs et encore moins pour les chercheurs de l’Eldorado perdu. Une réalité qui a tendance à changer avec les nouvelles donnes sur l’échiquier de l’europe et les flux d’immigration qui commencent à poser de vrais problèmes aux gestionnaires du canton de Genève et aux Genevois eux-mêmes.
C’est dans ce décor idyllique et presque parfait qu’évoluent les membres de notre communauté. Complètement à l’opposé des villes de Marseille, Paris, Lyon et même Milano, Madrid et Bruxelles où priment uniquement les manifestations culturelles et les échanges artistiques, la communauté algérienne à Genève a une tout autre approche pour garder le cordon ombilical à son pays à travers des actions humanitaires et autres appuis pour le transfert de technologie et de didactiques. D’autres se sont spécialisés dans la promotion de l’art cinématographique algérien et arabe à travers des festivals de renommée qui ont lieu à Genève.
L’intégration de ces Algériens qui fortifient leurs liens avec cette société multiethnique très organisée et très active illustre, on ne peut mieux, un degré de conscience et une lucidité culturelle de haute facture chez eux. L’exemple de ces associations algéro-suisses, dont nous avons rencontré certains membres, est assez édifiant pour nous dévoiler l’ampleur de la tâche qui échoit à ces petits acteurs aux missions titanesques.
Association Nour des familles algériennes en Suisse
C’est une association bien particulière qui s’intéresse à l’enfance algérienne. Activant sur le territoire national depuis 1992, date de sa création à Genève, Nour prépare un projet de prise en charge des besoins exprimés du village d’enfants SOS de Draria. Il s’agit d’un centre de plus de 38 000 m² qui abrite 105 enfants avec leurs tantes et mères SOS répartis sur 11 maisons. L’association qui travaille sur ce projet depuis bientôt cinq années, devra passer à autre chose comme le veut la réglementation en vigueur concernant le programme de la fondation des amis suisses des villages d’enfants SOS «SOS Kinderdorf». Ressemblant étrangement à notre défunt président Boumediene, le président de Nour, M. Malek Rabehi, nous explique le sourire aux lèvres que «des actions similaires ont été menées à Ténès et dans l’est du pays.
Mais, aujourd’hui nous cherchons à nous amplifier. Nous sommes en train de prospecter, à l’échelle de l’Oranie et à Oran, afin de mener des actions de même nature». En fait, Nour collecte des fonds et des cadeaux qu’elle convoie sous l’égide d’un vérificateur de comptes vers le centre. «Nous ne demandons pas des comptes aux gestionnaires. Ce n’est pas notre mission. Nous demandons juste que le programme tracé soit achevé. C’est tout», notera notre interlocuteur qui ajoute que «cette année, le centre nous a envoyé une demande de budget de 47 000 francs suisses (30 000 euros). C’est sûr que nous n’allons pas satisfaire l’ensemble de ce budget, mais nous allons faire le maximum», nous confiera-t-il. A ce sujet, M. Rabehi nous fait part de la difficulté de récolter des fonds, du fait de la réticence des artistes algériens à travailler bénévolement et à contribuer aux actions humanitaires dans leur pays. «Seul M. Tahar Fergani a daigné venir donner un spectacle ici en Suisse.
Pourtant, nous expliquons aux artistes que nous leur garantissons la prise en charge et toutes les commodités y afférentes. Sauf le cachet. Ça ne passe pas», s’indignera-t-il. On croit savoir à ce sujet que l’association Nour organisera pas moins de six concerts jusqu’au mois de septembre ainsi que trois concerts de solidarité durant le mois de ramadhan.
Association Avenir
Née en 2007 à Fribourg, ville bilingue, (centre du diocèse catholique de la Suisse qui a célébré simultanément en Algérie et en Suisse, en 2004 avec le soutien du président de la République algérienne, M. Bouteflika, le 1650e anniversaire de saint Augustin), l’association est devenue un instrument incontournable dans l’aide humanitaire, la formation et l’assistance médicale entre les deux rives. «C’est une association à but non lucratif dédiée aux enfants, aux orphelins et aux adultes démunis. C’est une association qui dispense également une aide à la formation aux différents corps médicaux», note Mme Egger Belmokhtar, secrétaire générale de l’association.
Avant de créer cette association, cette Algérienne au profil médical expérimenté a dû effectuer des missions en Algérie en compagnie de médecins suisses chevronnés pour y prodiguer soins et interventions chirurgicales. C’est à partir de ces instants que Mme Egger Belmokhtar a fini par se rendre à l’évidence qu’il fallait faire davantage. Après six années d’intenses activités, elle décide de créer «Avenir» en concertation avec d’autres Algériens. Depuis, elle continue de faire venir des médecins en Algérie, notamment des ophtalmologues qui effectuent des interventions chirurgicales et autres consultations sur place dans les hôpitaux de différentes wilayas du pays. Il s’agit là de centaines d’opérations chirurgicales en ophtalmologie qui sont effectuées par ces médecins suisses en Algérie. A Beni Saf, pas moins de 80 interventions y ont été effectuées sur des patients présentant notamment des cataractes et autres.
L’association a également, à deux reprises, fait venir en Suisse des graines de footballeurs algériens. «Le choix de l’ophtalmologie réside dans le fait que cette chirurgie n’est pas trop lourde et ne nécessité donc pas un gros matériel», note M. Egger, médecin suisse impliqué dans cette grosse machine médicale et humanitaire. Depuis plus de deux années, «Avenir» a intégré dans son agenda médical la gynécologie. Des consultations et des interventions sont ainsi menées dans différentes wilayas du pays. Il y a quelque temps, une mission de gynécologues suisses a séjourné durant huit jours à Ghardaïa. Et ce n’est pas fini. Parallèlement, l’association mène depuis quelques années des programmes de formation et de recyclage au profit de médecins et de gestionnaires d’hôpitaux algériens.
L’association El Atlas de Zurich
Née d’un désir d’intégration, d’attachement aux valeurs sociales algériennes et de cohabitation entre les familles algériennes, maghrébines et autres, l’association a été le trait commun des nationaux dans une ville hétéroclite aux accents allemands très distincts. «C’est en 2005 que nous avons créé l’association. Il fallait le faire car ce n’était facile à l’époque où le terrorisme avait causé des séquelles indélébiles. Mais nous avons cassé le tabou», nous confie M. Rachid Benzerfa, chargé des relations extérieures et qui entraîne également deux équipes de football à Zurich.
L’association, en dépit de problèmes logistiques et financiers, elle ne possède pas de local et aimerait que le consulat puisse leur donner un coup de main, arrive malgré tout à réaliser un bon travail afin de faciliter une intégration positive de la communauté. Organisatrice de fêtes familiales, circoncisions, mariages, tournois de football, veillées ramadhanesques, expositions et exposés sur différents thèmes, l’association tente tant bien que mal d’assurer une mission sociale, éducative, culturelle au profit de la communauté. Des cours d’arabe sont également dispensés aux enfants dans un minuscule local en attendant mieux. Dans une ambiance festive, les Algériens d’El Atlas se rencontrent ces derniers temps pour se parler et discuter des problèmes qui subsistent et des projets à réaliser. C’est le cas de ces familles algériennes obligées d’effectuer de longs périples pour prendre l’avion.
«Il n’existe pas de ligne directe sur Oran. Nous sommes quelque 300 Algériens originaires de l’Oranie. Nous sommes obligés de prendre le train vers Genève durant trois heures. Ensuite, nous avons 1h40 pour rallier Alger et pour nousrendre à Oran il faut 1h30. Ce qui demande une journée complète.
Or, nous avons Mulhouse à une heure de route de Zurich. Ce serait plus simple pour nous s’ils ouvraient une ligne à partir de cette ville», s’insurge la plupart des Algériens résidant à Zurich. Nous apprenons plus tard que la compagnie Aigle Azur pourrait inaugurer une ligne vers Alger à partir de Mulhouse. Il existe, aujourd’hui, en Suisse alémanique plus de 1 046 Algériens qui vivent de manière officielle et légale.
Association Suisse Algérie Harmonie
Son président, Belghoul Benaouda, est un véritable trait commun entre les Algériens de Suisse. Il est également un facteur de rapprochement entre les communautés. Membre du parti des Verts de Suisse, principal parti politique, il est de toutes les activités et initiatives. Son association organise l’un des plus grands événements de Genève, le Festival international du film arabe. Il organise également de manière régulière et récurrente des cycles et des focus sur le cinéma algérien. Comme c’est le cas pour cette projection romanesque sur la littérature algérienne d’expression française qui a fait des heureux au théâtre de l’Alhambra les 25 et 26 avril dernier.