Des Algériens ont dû abandonner tous leurs biens devant l’insécurité en Libye. Sur le chemin du retour, ils étaient délestés de toutes leurs économies et même de leurs portables sous prétexte qu’ils auraient filmé des scènes d’affrontement. Il aura fallu trouver des Libyens de confiance pour les conduire jusqu’aux frontières algériennes.
Les nombreux points de contrôle dressés sur la route menant vers la frontière de Mersa Beriga jusqu’à Ghadamès, à 12 km de Debdeb, sont devenus des “points d’intimidation et de menace”.
Des femmes algériennes rapatriées et qui sont mariées à des Libyens ont préféré garder le silence par peur des représailles contre leur mari resté là-bas. Des femmes mariées avec des Libyens sont rentrées avec leurs enfants pour la plupart sans leur mari. Les autorités libyennes empêchent les Libyens de fuir vers les frontières sous peine d’être exécutés sur place.
“On a fui l’insécurité, mais mon mari est resté pour protéger nos biens. Plusieurs magasins et maisons ont été saccagés et brûlés”, nous dira Fatima, cette Algéroise mariée à un Libyen mais elle garde le silence sur la situation en Libye se contentant de dire : “J’espère le retour au calme pour revenir à mon mari.”
Ils sont plus de 459 Algériens qui sont rentrés par les trois postes frontaliers de Debdeb, Djanet et Tilkoum depuis le 25 février dernier, selon les statistiques de la Protection civile. Sept d’entre eux sont toujours hébergés dans des sites d’hébergement alors que la plupart originaires de Ghardaïa, Oued Souf, Biskra, Ouargla et Illizi ont regagné leur famille.
Mais, selon des Algériens rapatriés,
plusieurs d’entre eux ont préféré rester
en Libye pour préserver leurs biens malgré l’insécurité et le danger car ils sont devenus la cible des milices de Kadhafi et des
révolutionnaires. Des Algériens possèdent des biens dans plusieurs régions en Libye à l’exemple de ce commerçant de Ghardaïa qui est rentré au pays par le poste frontalier de Debdeb et qui nous a confié qu’il n’avait pas le choix et a été contraint comme plusieurs de ses compatriotes de tout abandonner. “Mes biens, même mes effets vestimentaires, sont restés là-bas.” Il travaille dans l’électroménager.
Il avait des magasins et employait
des ressortissants étrangers. “Mais j’ai décidé de rentrer au pays sur conseil des amis libyens
qui m’ont dit que je risquais ma vie à tout moment, j’ai hésité mais quand j’ai su que des Algériens ont disparu sans trace et lorsque mes magasins ont été brûlés je suis rentré en urgence”, dit-il avec amertume d’avoir perdu le fruit d’années de labeur.
De Benghazi à Ghadamès, le chemin de l’enfer
Ce commerçant nous raconte l’insécurité tout le long du chemin menant aux frontières. “J’étais à bord de mon véhicule immatriculé en Libye mais c’est un ami libyen qui conduisait, j’étais harcelé par des individus armés qui portaient le drapeau vert c’est-à-dire les fidèles de Kadhafi. Ils ont fouillé le véhicule plusieurs fois et je fus soumis à un interrogatoire avant qu’ils prennent mon téléphone portable croyant que j’avais filmé les incidents”, ajoute-t-il.
Les réfugiés préfèrent se déplacer à partir de la mi-journée des villes de Ghadamès et Ghat, frontalières avec la Libye. Nous avons pu enregistrer le flux des réfugiés au niveau du poste frontalier de Debdeb à partir de l’après-midi. “On devait éviter les faux barrages. Des individus armés et souvent encagoulés interceptaient nos véhicules et nous délestaient de nos biens, portables et argent, ils prenaient tout avant de nous libérer”, nous dira un commerçant de Biskra.
Il finira par reconnaître avoir été maltraité par quelques Libyens. “Pas tous, il faut le reconnaître, on devait fuir, la situation s’est dégradée. Moi, j’ai laissé des milliards dans les banques libyennes mais j’avais peur, on nous a humiliés dans les points de contrôle. Ils nous ont dit que vous les Algériens vous avez sali notre pays vous êtes des trafiquants de drogue et maintenant vous êtes des mercenaires ! Alors que nous les Algériens travaillions honnêtement certes, il y a des gens bien mais on souffrait déjà d’être algériens avant ce soulèvement. Plusieurs Algériens se sont vus dépossédés de leurs biens et chassés rien que pour un malentendu avec un Libyen, on vivait dans la peur, il est toujours difficile d’être algérien en Libye”, témoigne-t-il.
Prise en charge psychologique des réfugiés par la PC
La plupart des Algériens rapatriés souffraient dans leur chair, mais aussi leur moral, ce n’est pas facile de quitter une famille ou perdre tout un labeur d’une vie. C’est le cas aussi pour les réfugiés étrangers surtout les Égyptiens et les Asiatiques. Dans ce sillage, on apprend que la Direction générale de la Protection civile a mobilisé des médecins spécialistes en psychiatrie pour la prise en charge psychologique de ces derniers. Des médecins spécialistes en psychiatrie ont été dépêchés sur les sites d’hébergement des réfugiés. Ces médecins au nombre de sept ont été mobilisés dans le cadre du dispositif mis en place depuis le 25 février dernier pour la prise en charge médicale et l’hébergement. Selon le lieutenant, Sofiane Bekhti, le chargé de communication du groupe chargé de la mission, des médecins de la Protection civile ont effectué des
consultations médicales préventives des réfugiés étrangers et algériens. “Une prise en charge médicale mais aussi psychologique” de même qu’il précise que “les médecins de la Protection civile de grade capitaine ont été tous formés dans le module psychiatrie des catastrophes et d’urgence pendant une année et encadrés par le professeur Kacha, directeur du centre psychiatrique de Chéraga. Les médecins nous ont expliqué que les réfugiés visiblement très affectés étaient inquiets sur leur situation et leur avenir”.
Les médecins ont dû faire un travail de proximité avec les réfugiés égyptiens surtout effrayés et qui avaient peur de représailles en Algérie à l’exemple de Abir, cette jeune femme égyptienne hébergée à l’auberge des jeunes à In Aménas. Elle a été suivie par une médecin avant de rejoindre son pays avec son mari et ses deux jumeaux Hassan et Hossein. “Ce n’est pas du tout Hassen Chehata, c’est le nom de mon beau-père !” Elle nous confie qu’au début, elle avait très peur de passer la frontière algérienne “surtout quand on a vu des gens en casquette et en tenue militaire, on s’attendait à ce que l’on soit arrêtés ou refoulés vers l’enfer libyen mais Dieu merci, ils nous ont reçus comme si on était de leur famille avec le sourire et nous ont souhaité la bienvenue dans votre deuxième pays, mon mari a éclaté en sanglots quand il a vu ce pompier porter mes jumeaux et leur offrir des gâteaux au chocolat”, raconte cette Égyptienne.
En revanche, des réfugiés asiatiques qui ignoraient leur sort à venir furent aussi suivis psychologiquement par les médecins de la PC d’autant qu’ils voulaient à tout prix regagner leur pays le plus tôt possible, comme c’est le cas de ces 300 Vietnamiens vu que le billet d’avion dépasse les 30 millions de centimes. Ce qui a poussé les agents de la Protection civile qui les encadraient à lancer une campagne de sensibilisation pour les calmer. “Les pompiers mobilisés sont chargés des missions d’intervention, sensibilisation et prévention dans les sites d’accueil et le dispositif mis en place est actualisé au fur et à mesure”, conclut le lieutenant Sofiane Bekhti chargé de communication de la mission.