Derrière la visite de Fabius à Alger, l’ombre de l’Aqmi

Derrière la visite de Fabius à Alger, l’ombre de l’Aqmi

Le cas du Mali, dont le nord est désormais contrôlé par les alliés de l’Aqmi, mouvement lié à Al-Qaïda fondé sur les ruines du GSPC algérien, s’annonce comme le dossier le plus difficile de la visite de deux jours de Laurent Fabius en Algérie.

En se rendant ces dimanche et lundi en Algérie, à l’occasion de sa première visite dans un pays arabe depuis qu’il est ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius compte bien sûr préparer la future venue deFrançois Hollande. Le chef de l’Etat compte lui-même aller dans ce pays avant la fin de l’année. L’Algérie, qui vient de célébrer le cinquantième anniversaire de son indépendance, et la France, ancienne puissance coloniale, entretiennent des relations proches mais difficiles et complexes. A l’occasion de cet anniversaire,François Hollande, élu le 6 mai, avait adressé une lettre à son homologue dans laquelle il estimait qu’il y « a place désormais pour un regard lucide et responsable » de la France sur son passé colonial en Algérie. « Français et Algériens partagent une même responsabilité, celle de se dire la vérité », avait-il estimé.

Mais au-delà de ces relations parfois délicates, la mission de reconnaissance de Laurent Fabius vise aussi à aborder un problème qui touche directement l’Algérie, principale puissance dans cette région de l’Afrique : celui du Mali. Leur frontière commune, héritée de la colonisation, est pour l’essentiel une immense ligne droite tracée en plein désert. Une ligne largement poreuse aux passeurs, clandestins… et groupes terroristes comme l’AqmiAl-Qaïda au Maghreb islamique. Héritier de l’ancien GSPC algérien, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, fondé en 1998 en pleine guerre civile algérienne et alors dissident du GIA (le Groupe islamique armé de sanglante mémoire), ce mouvement a depuis fait allégeance à Al-Qaïda. Il s’est constitué un véritable fief dans le désert au fil des ans, enlevant et rançonnant pour accumuler un « trésor de guerre ».

Et c’est précisément l’Aqmi qui, avec ses alliés d’Ansar Dine (Défenseurs de l’islam) et du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), contrôle une bonne partie du Nord du Mali. Les groupes islamistes ont profité de la désorganisation née du putsch militaire pour conquérir des régions entières à l’aide des rebelles touaregs, avant de prendre le dessus sur ces derniers. Depuis, ils prétendent imposer la charia dans les régions qu’ils contrôlent : en témoignent l’histoire de ce couple fouetté en public faute d’être marié, ainsi que les scènes de destruction de mausolées comme ceux de Sidi Mahmoud ou Sidi Moctar.

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Les pays africains, par le biais de la Cédéao, se disent prêts à l’envoi d’une force militaire de quelque 3000 hommes. Mais ils souhaitent d’abord obtenir un mandat de l’ONU pour une opération de reconquête du Nord du Mali. La France ne cache pas sa préoccupation, tout en refusant de s’impliquer de trop près : il convient « que les Africains eux-mêmes puissent organiser le soutien au Mali« , a ainsi déclaré François Hollande lors de son interview télévisée du 14 juillet.

Samedi matin, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a pour sa part estimé impératif de « retrouver l’intégrité territoriale du Mali« . Mais comment y parvenir, quand les autorités de transition, en place au Mali depuis le retrait des putschistes du pouvoir en avril, sont incapables de mettre fin à l’occupation du Nord du pays ? « Il faut aussi progressivement que ce gouvernement d’union nationale reprenne de l’autorité sur l’ensemble de son territoire », avait poursuivi Jean-Yves Le Drian. « C’est très compliqué, c’est peut-être très grave pour l’avenir, parce qu’il y a des risques de terrorisme importants. Mais la présence africaine est indispensable, avec le soutien de la France et de l’Europe, évidemment ».

Outre ce travail de déminage sur le dossier malien, Laurent Fabius, qui doit avoir des entretiens avec son homologue Mourad Medelci et avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika, devra aussi aborder la question de la Syrie ainsi que celle de l’Union pour la Méditerranée, forum regroupant l’Union européenne et les pays de la rive sud de la Méditerranée.