Depuis quatre mois, la crise en Ukraine a fait presque oublier au reste du monde la guerre civile syrienne et les drames vécus par les populations civiles à travers plusieurs pays de l’Afrique centrale
Le ton monte entre les Occidentaux et la Russie alors que l’est de l’Ukraine s’enflamme petit à petit, faisant craindre un démembrement progressif de ce pays, en crise politique depuis quatre mois. Le retour de la Crimée dans le giron russe depuis près d’un mois a donné des idées aux Ukrainiens de l’est du pays pour faire sécession, eux aussi. Ce qui a compliqué une situation déjà explosive dans ce pays où la moitié de ses habitants et pro-européenne et l’autre moitié revendique son attachement fort à la Russie. Si la guerre armée n’est pas ouvertement déclarée en Ukraine, sur le plan diplomatique, elle a atteint un stade avancé. Loin, du cercle fermé du Conseil de sécurité qui n’a aucune utilité pour se prononcer sur une crise plus complexe qu’elle en a l’air. Et pour cause, le conflit ukrainien est loin d’être une simple affaire de famille.
La crise politique ukrainienne n’est que le début d’une nouvelle guerre énergétique qui se joue loin de ce pays. La Russie fournit une grande partie du gaz consommé en Europe de l’ouest. C’est ce qui explique d’ailleurs le ton relativement tempéré de Bruxelles quand l’Union européenne devait répondre de son soutien ferme à Kiev et à chaque fois qu’elle est sollicitée à prendre des sanctions contre Moscou. Le spectre de la crise énergétique de 2006 est encore présent dans les esprits pour que Bruxelles se permette de passer sérieusement à l’action et prendre des sanctions à la hauteur de la virulence de ses menaces envers Moscou.
Le blocage que connait le fameux projet de transport du gaz Nabucco qui doit traverser la Turquie, en provenance de la mer Caspienne, joue à l’avantage de la Russie qui a lancé, parallèlement, un projet similaire : le South Stream. Moscou a lancé aussi un autre projet de transport de son gaz vers l’Europe de l’Ouest. Il s’agit du réseau North Stream. Le rapprochement entre Ankara et Moscou serait-il à l’origine du blocage du projet du gazoduc Nabucco, soutenu par l’Europe occidentale qui refuse, pour le moment, l’adhésion de la Turquie à l’Union des 28 ?
Crise ukrainienne et instabilité en Syrie et en Irak
À travers la crise ukrainienne, l’on est amené à comprendre les raisons de l’aggravation de la crise syrienne et l’instabilité permanente en Irak qui n’arrive toujours pas à se doter d’un État fort et à endiguer les violences confessionnelles qui menacent son unité territoriale. Loin du froid glacial de Kiev, les Occidentaux forment une seule poignée pour faire échec à toute tentative de concrétisation d’un projet de gazoduc irano-irako-syrien, appelé aussi projet chiite. Le projet en question est destiné, selon les analystes à faire écouler le stock iranien en Europe, alors que Téhéran est toujours sous le coup des sanctions internationales en raison de son présumé programme nucléaire qui serait destiné à des fins militaires, comme le soutiennent Washington et ses alliés.
Dans cette péninsule arabique, acquise aux États-Unis, le climat d’instabilité en Irak et en Syrie arrange les intérêts de l’Europe qui peut espérer profiter du gaz qatari bientôt. Un projet de gazoduc, via l’Arabie saoudite, devrait soulager l’Europe. Mais il faudra d’abord se débarrasser d’Al-Assad et négocier de solides accords avec la Turquie pour pouvoir réaliser ce projet qui a reçu la bénédiction de Washington. Autrement dit, en contrepartie d’un soutien quasi-inconditionnel de l’invasion américaine de l’Irak en 2003, l’Europe aura gagné une partie de sa bataille pour assurer une certaine sécurité énergétique, loin du chantage de Moscou. Mais il ne faut pas ignorer dans ce jeu pour le contrôle des ressources pétrolières et gazières, la Chine ne peut pas se contenter d’un rôle mineur. C’est là aussi que le jeu des influences et des alliances intervient.
La tournée du président des États-Unis en Asie du Sud, au courant de la semaine dernière, plaide en faveur de cette hypothèse émise par le célèbre quotidien américain le New York Times. Selon ce journal, les États-Unis ont décidé d’adopter une nouvelle doctrine qui consiste à isoler Vladimir Poutine qui a gagné de nombreuses batailles diplomatiques, ces dernières années face à Barack Obama qui se montre ouvertement ferme envers son homologue russe. «Barack Obama se concentre sur l’isolation du président de la Russie, Vladimir Poutine, en coupant ses liens économiques et politiques avec le monde extérieur, en limitant ses ambitions expansionnistes à son propre voisinage et en faisant effectivement un État paria», explique le journal américain dans son édition du dimanche, citant Ivo H. Daalder, ex-ambassadeur de l’Otan et actuel président du Conseil de Chicago sur les Affaires Globales.
L. M.