Les Frères musulmans ne sont pas meilleurs que d’autres partis ou organisations politiques
La déroute de la Gamaâ Islamiya dans son fief égyptien ne sera pas sans laisser de traces dans tous les mouvements qui en ont emprunté le sillon.
Ce qui se passe ces derniers jours est, sans doute, suivi avec beaucoup d’intérêt de la part de certains de nos partis, notamment ceux qui, il y a encore quelques jours, nous rappelaient, le menton haut et le torse bombé, leur fierté d’avoir beaucoup en commun avec les Frères musulmans et nous prédisaient un succès semblable de leur mouvement lors des prochaines élections. La déroute de la Gamaâ Islamiya dans son fief égyptien ne sera pas sans laisser de traces dans tous les mouvements qui en ont emprunté le sillon. Non seulement chez nous, mais de par le monde car la situation égyptienne a montré les limites de cette organisation et a confirmé son incapacité à gérer, l’archaïsme de son raisonnement et son penchant naturel pour la violence et l’agressivité.
Les Frères musulmans ne sont pas meilleurs que d’autres partis ou organisations politiques. Ils ont démontré qu’ils savent même être pires lorsqu’il s’agit d’écouter les peuples. Le risque que court l’Egypte est peut être le plus grave de toute son histoire – et Dieu sait combien elle n’est pas récente – mais ceci n’a inquiété ni Morsi ni ses conseillers ni ses partisans qui ont décidé de s’agripper au pouvoir malgré tout et qui, en dépit du réel risque de guerre civile et au nom d’une certaine légitimité populaire, ont poussé l’insolence jusqu’à rejeter l’ultimatum adressé par l’armée. En réitérant, dans son dernier discours à la télévision, «je suis un président démocratiquement élu par le peuple», Morsi fait valoir une légitimité qui a cessé d’exister depuis que le peuple qui l’a élu est descendu dans la rue pour brandir les pancartes du «dégage» et appeler à son départ.
Quelles conséquences aura l’échec égyptien du mouvement des Frères musulmans sur notre scène politique nationale?
Tout d’abord, les Algériens qui ont bien suivi l’expérience égyptienne des Frères musulmans, suivent avec intérêt les événements du pays du Nil et savent maintenant à qui ils ont affaire. Ils ont compris qu’il n’est pas facile de jouer avec la stabilité du pays et sa sérénité et, de ce fait, il est fort à parier sur un faible résultat de certains partis qui ont tenté, dès à présent d’intimider les acteurs politiques de tous bords. L’islamisme a de moins en moins de chance de passer chez nous en 2014. D’autre part, les partis en question savent qu’ils seront éclaboussés par ce qui se passe en Egypte car, lorsque les Frères se tapent un rhum en Egypte, tous ceux qui y sont affiliés éternuent de par le monde. Ceci provient du phénomène d’une reproduction pure et simple par ces partis d’un comportement et d’une attitude sans trop tenir compte des différences et des conditions locales. Réduiront-ils leur passion? Reverront-ils leur ambition à la baisse? Nous le saurons sans doute. Mais comme les responsables de ces partis savent que désormais leur crédit va en souffrir, attendons-nous à ce qu’ils s’expriment ces jours mêmes, soit pour se démarquer de leurs frères et amis égyptiens, soit pour souligner leurs différences avec eux, histoire de nous dire qu’il y a une spécificité à respecter, chose, jusque-là volontairement niée.
Les chances des islamistes d’arriver au pouvoir en… Algérie ont diminué
Ceux qui brandissaient le spectre du printemps arabe et qui attendaient, dans la certitude, de prendre le pouvoir à leur tour en Algérie doivent déchanter ces jours, car ils ont compris que leurs chances d’arriver au pouvoir ont sérieusement diminué, pour ne pas dire qu’elles ont été simplement anéanties par l’expérience égyptienne du parti de Morsi et son parti. Délaissant l’important pour le futile, ignorant jusqu’à la priorisation des questions et des problèmes et, occupés à brasser du vent au moment même où le peuple égyptien, s’enfonçant dans un effroyable marasme économique, demandaient à manger, les Frères musulmans offraient, en échange de leur incapacité à gérer le pays, des promesses de paradis et des assurances contre la géhenne oubliant que, de notre temps, les peuples refusent d’ «aller au paradis le ventre creux» (dixit Boumediene).
Les Egyptiens ont compris qu’à Oum Kelthoum des régimes précédents, celui de Morsi a simplement substitué une fausse et mauvaise perception de la religion pour tenter d’anesthésier le peuple. Mais à l’ère des réseaux sociaux et de l’économie de la connaissance, seule l’aptitude à satisfaire les besoins des peuples peut servir d’argument vendeur des régimes car il est révolu à jamais le temps des veillées berceuses au rythme interminable des romances qui ont servi à endormir les citoyens pour leur faire oublier leur faim. La misère égyptienne est grande. Une grande partie des citoyens vit au-dessous du seuil de pauvreté et une autre, non moins importante, est carrément analphabète. Les maladies ne se comptent plus. A cela, il faut ajouter la violence de la vie de tous les jours et la difficulté à dénicher une source de revenu. Or, c’est de cela que les Egyptiens attendaient d’être débarrassés. C’était la mission implicite donnée au nouveau raïs le jour des élections.
Mais le rapport des hommes au pouvoir diffère. Il y a ceux qu’il use et il y a ceux qui en abusent. Malheureusement, depuis qu’il est à la tête de l’Egypte, l’actuel président semble faire partie de cette dernière catégorie. D’entrée, et au lieu de s’employer à améliorer l’économie de son pays et les conditions de vie de ses concitoyens, il s’est octroyé les trois pouvoirs pour faire passer une Constitution qui donnerait l’Egypte, poings liés, à sa confrérie sans se soucier du reste.
Tendance de la médiocrité, à l’inexpérience, au «dez bark»….
La plus importante conclusion que l’on peut déjà tirer des événements égyptiens est que l’on ne peut pas convenablement gérer les pays avec des intentions ou, encore moins, avec des fuites en avant interminables car vient forcément le jour où l’on fonce droit dans le mur. Gouverner un pays requiert des compétences, des comportements, voire des réflexes, or tout ceci semble manquer à ces partis qui ont commencé à s’allier dans l’attente de 2014 et qui avaient publiquement fêté la victoire des Frères musulmans en Egypte convaincus de fêter la leur en 2014. Ceci ne signifie pas qu’au sein de ces partis il n’y ait pas quelques compétences, mais que la tendance y est à la médiocrité, à l’inexpérience, au «dez bark», au penchant pour l’argument de la religion là où l’humain doit primer. D’ailleurs, l’une des raisons essentielles de l’échec des Frères musulmans est qu’ils ont proposé la religion comme solution à une société qui, non seulement, souffre de l’économique mais qui, en plus, n’a pas de problème religieux. L’inadéquation du remède risque d’être la caractéristique principale de ce mouvement car il n’a rien à proposer que sa perception fausse et erronée de la religion. En d’autres termes, c’est ce qu’on nous proposera à nous aussi si un jour ces mouvements et ces partis arrivent au pouvoir. Pour lutter contre le chômage, ils proposeront, au nom d’une certaine religion, de renvoyer les femmes au foyer pour céder la place aux hommes et, entre deux discours creux, on priera pour que la pluie tombe afin que, comme les oiseaux et autres animaux, nous trouverions de quoi manger. Pour éradiquer les maladies, ils invoqueront les cieux et pour l’instruction des générations, ils tableront sur une culture générale plus que boiteuse.
Pourtant, l’Islam est bien plus noble et bien plus haut pour être traîné dans la boue chaque fois que des incompétents, en manque de statut social, sont pris par le désir de guider le monde.
La religion, comme la langue, la région, la race… ne doit pas être un critère fondateur des partis, tel est pourtant la loi chez nous. Alors comment se peut-il que cette loi soit piétinée?
L’homme a toujours été bien sur cette terre et il n’a perdu sa sérénité qu’à partir du moment où il a mélangé les choses. C’est-à-dire à partir du moment où il a cru que la religion peut, à sa place, aléser le métal, couper au laser, produire des processeurs, éradiquer le cancer, faire pousser le blé… alors que la religion n’est qu’un cadre dans lequel il doit, lui-même bouger, suer, apprendre, semer, produire, résoudre les problèmes de la société… Lorsqu’on mélange les rôles, plus rien ne va! Dans les années de l’obscurantisme européen, on a une référence qui nous renseigne suffisamment.
Ce qui se passe en Egypte avec Morsi est sans doute bien plus important que ce qui s’y est passé avec Moubarak car si alors le peuple avait dit non à la dictature, aujourd’hui, il dit non à l’imposture. Et, tout compte fait, cette dernière est pire que la dictature. C’est la fermeture d’une parenthèse qui n’aurait peut-être jamais dû être ouverte. Le printemps arabe est une simple illusion, la révolte arabe est, quant à elle, une réalité. Une révolte qui emporte les dictateurs et les imposteurs pour pousser enfin les battants du chemin de l’avenir devant les générations jusque-là étouffées par les chasseurs de privilèges de tous genres. Ecartez-vous donc du chemin! En tous cas, les peuples n’ont jamais tort. Qu’on se le dise!