Que retenir de la campagne électorale de la prochaine présidentielle qui a entamé, hier, sa troisième et dernière semaine sinon qu’elle a été singulière en tout point de vue de celles qui l’ont précédée. A telle enseigne que tout le monde : candidats, électeurs, partisans du 4e mandat, votants ou boycotteurs se disent en leur for intérieur : vivement le 17 avril.
Meetings tenus dans des salles à moitié vides au point où des candidats ou leurs représentants, y compris ceux du Président-candidat, ont piétiné l’éthique jusqu’à faire venir des bambins et des adolescents faire office d’auditoires, des prises de parole lapidaires ayant duré, pour certaines d’entre elles, pas plus de dix minutes, d’autres meetings, tout simplement annulés faute justement d’assistance ou empêchés par les opposants au 4e mandat pour le Président sortant ou par ceux qui récusent carrément le scrutin en lui-même et tutti quanti.
Telles sont les facettes d’une campagne électorale qui a connu son apogée, son triste apogée, avant-hier à Béjaïa, avec les émeutes qui ont empêché le directeur de campagne du Président-candidat de tenir son meeting électoral.
De ce fait, la crainte et la peur que l’épisode béjaoui fasse des émules vont crescendo au sein d’une opinion publique qui souhaite que le 17 avril prochain arrive pour que cette tension terrible s’estompe. Encore que pour bien d’observateurs avertis de la scène nationale, bien de répliques ne seraient pas exclues au-delà de la prochaine présidentielle. Avec surtout une classe politique, qu’elle soit partie prenante de ce scrutin ou qu’elle le boude, qui s’inscrit dans l’après-17 avril prochain.
D’où cette guerre de positionnement chez les uns dans la perspective de récolter le maximum de dividendes, en contrepartie d’un soutien le plus souvent zélé avec ces écarts de langage et autres boutades à l’origine de la colère citoyenne, et le souci de se doter d’un rapport de force favorable en vue de peser après, notamment pour les promoteurs, et ils sont nombreux, d’une transition démocratique à même de constituer une alternative au statu quo dans lequel le pays, selon eux, baigne.
Ceci pour dire que cette dernière semaine de campagne électorale ne risque pas de manquer de piment en termes d’échanges d’«amabilités» avec ces «accusations» le moins que l’on puisse dire, gravissimes, lancés par les candidats eux-mêmes ou par l’intermédiaire de leurs représentants ou leurs relais médiatiques.
M. K.
Abdelmalek Sellal à Tizi Ouzou : «Personne ne nous fait peur»
Le pouvoir était assurément confronté hier dimanche à sa plus difficile épreuve depuis des années : au lendemain de la cauchemardesque sortie de Béjaïa, samedi, où, pour la première fois dans l’histoire, le candidat du pouvoir pour la présidentielle sera contraint d’annuler son meeting, la sortie de Sellal à Tizi- Ouzou devenait, de fait, un test que devait absolument réussir le clan présidentiel, faute de quoi la campagne de Abdelaziz Bouteflika perdrait tout crédit. Or, paradoxalement, la sortie la plus redoutée aura été la plus réussie pour Sellal depuis le lancement de la campagne. Bien sûr, le dispositif sécuritaire qui «enveloppait» la venue du directeur de campagne de Bouteflika était le plus important aussi. Mais la tension tant redoutée n’était pas au rendez-vous.
Du moins, à l’arrivée de Abdelmalek Sellal à l’entrée de la ville des Genêts où il commencera sa virée par un symbolique dépôt d’une gerbe de fleurs devant la stèle imposante du regretté Matoub Lounès. Au niveau de la Maison de la culture Mouloud Mammeri, lieu du meeting, l’organisation était, pour la première fois également depuis le début de la campagne, irréprochable. En tout cas, Sellal s’est même permis de traverser la foule, aisément.
Une fois à la tribune, il prononcera par ailleurs son plus long discours jusque-là ! Un discours où tous les symboles si chers à la région de la Kabylie seront convoqués. Les grands héros seront cités : Matoub Lounès, Fatma N’soumer, Amirouche, Abane, Krim, etc. Mais aussi la revendication de toujours, tamazight, la démocratie, les libertés, pour le combat desquels Tizi en a toujours constitué le fief. L’émigration aura eu également sa part de lion, ce dimanche, dans une région qui fournit le plus gros des populations de la communauté algérienne à l’étranger.
«Les gens de Béjaïa» seront aussi souvent cités et loués durant ce meeting. Bref, il fallait bien insister sur tout ce qui pouvait «toucher , dans une région, Tizi et Béjaïa que Bouteflika n’a jamais visitée en dehors des campagnes électorales en 15 ans de règne ! «Je me rappelle bien qu’en 2009, et j’avais les larmes aux yeux, lorsque, rappelez- vous aussi, Bouteflika était venu ici, et vous disait, ému par l’accueil, qu’aujourd’hui, je peux mourir tranquille ! Mais nous, nous lui avons demandé de vivre encore avec nous pour poursuivre son oeuvre.
Pour accomplir sa mission.» Abdelmalek Sellal voulait visiblement jouer la fibre de l’émotion pour justifier le quatrième mandat. «Si vous soutenez cet homme-là, qui a une dernière mission dans sa vie, celle de hisser l’Algérie au rang d’une grande nation, nous entamerons un grand projet pour l’Algérie.» Il répétera plusieurs fois ce projet «d’une Algérie démocratique et moderne, des libertés (… ) Les chouhada et les moudjahidine en ont rêvé.
Bouteflika a vécu avec eux. Il s’est sacrifié pour l’Algérie. Il a commencé à 16 ans. Cet homme-là ne mérite-t-il pas qu’on lui fasse confiance ? Moi je vous le dis : C’est le seul, le seul, le seul qui mérite toute notre confiance !» Pour frapper les esprits, Sellal ajoutera : «Que lui reste-t-il à espérer de la vie ? Sa dernière mission, il veut, avant de quitter ce monde, hisser l’Algérie parmi les grands de ce monde.» Très soulagé à Tizi, Sellal s’est distingué cette fois par un discours particulièrement offensif. Il se lancera dans une multitude d’allusions à tous les opposants au clan présidentiel et au quatrième mandat. Tous y passent : la bête noire Ali Benflis bien sûr, les partisans du boycott, «les partisans du désespoir», les «professionnels du noircissement », «quelques diables qui pervertissent toutes nos décisions ou mesures», etc. «Sachez que personne ne nous fait peur !»
Aussi, il persiste et signe : «Oui ! nous allons maintenir notre soutien pour les jeunes, avec les dispositifs de l’Ansej, l’Anem, etc. ! Oui ! nous poursuivrons notre politique sociale et tant qu’il y aura l’argent, tant qu’il y aura la rente, elle bénéficiera aux plus démunis (…) Oui ! je suis un Amazigh, un Chaoui, un Kabyle, un Targui, un homme libre et je dis ce que je veux. Celui qui n’est pas content, eh bien, tant pis pour lui ! Moi, en tout cas, même si quelqu’un m’agresse, je viendrai vers lui pour l’embrasser!» A l’évidence, celui qui concentre sur lui le gros des tirs de tous les opposants au quatrième mandat, s’est offert, à partir de Tizi, une tribune pour se «détendre» un peu d’une énorme pression, lui qui a passé sa très longue carrière, non pas au-devant de la scène politique, mais dans la haute administration…
K. A.