Qui l’aurait imaginé ? Des laïcs, des islamistes, des démocrates et même, parait-il des salafistes, qui se retrouvent sous un même toit pour une même cause : appeler au boycott de l’élection présidentielle du 17 avril prochain. Pourtant, c’est le spectacle qui nous a été offert ce vendredi à la salle Harcha Hacene à Alger.
Il y a une vingtaine d’années, personne n’aurait parié un copeck sur ce rapprochement inédit entre des courants politiques que tout oppose. La différence tant idéologique que dogmatique, voir même de projets de société antinomique, n’était pas de nature à esquisser une convergence de vue entre ces différents courants politiques. A cela s’ajoutaient les divergences au sein même d’une famille politique, conséquences de relations parfois ambigües de certains partis avec le pouvoir en place. On l’a vu chez les islamistes, mais aussi chez les démocrates. Mais qu’est ce qui a bien pu changer entre la période des années 90 où ces partis ne se faisaient pas de quartier et aujourd’hui ?
Si leur exclusion de la décision politique constitue l’un des éléments catalyseurs, les chamboulements dans la sphère régionale, après les « printemps arabes », la mutation que connaît la société algérienne, les difficultés d’exercice politique pour l’opposition et les leçons de la décennie noire ont contribué à formaliser cette démarche commune. « Ce meeting est un tournant inédit, celui d’une Algérie pluraliste. Nous voulons transmettre un message de paix et de tolérance. C’est la preuve que les Algériens, malgré leurs différends et leur différences, sont capables de dialoguer, échanger leurs visions », s’est réjoui, le président du RCD, Mohcine Bellabes.
« Nous sommes heureux de voir cette salle pleine et, en son sein, des algériens de différentes sensibilités. C’est une belle image qui dit notre disposition à travailler la main dans la main, car nous sommes tous dans la même tranchée. Nous luttons tous pour l’Algérie de demain », renchérit, pour sa part, Sofiane Djillali, de Jid Jadid.
« Aujourd’hui, nous avons un exemple de ce que pourrait l’Algérie sans les interférences des institutions de l’État dans la politique », se félicite de son côté, Abderazak Makri. Quant à l’ex Chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, « ce meeting montre la bonne voie. C’est un comportement civilisé qui montre que les Algériens sont capables d’agir sans violence ».
Reste maintenant à se demander si cette convergence est simplement liée au rejet du prochain scrutin ou s’appuie sur vision stratégique dans l’optique d’assoir une nouvelle république. Car au-delà de la conjoncture se poseront des questions de fond, comme la nature du régime envisagée, la place de la religion dans la politique et la nature de l’école. Et cela sans compter les tentations de leadership qui ne manqueront pas de survenir. Un grand défi, en somme.
Sofiane Tiksilt