Après vingt-trois années de pouvoir absolu, le président laisse derrière lui un champ de ruines politique.
La Tunisie est à la croisée des chemins. Quatre jours après le départ de l’ex-président Zine El-Abidine Ben Ali pour l’Arabie saoudite, la Tunisie est face à plusieurs personnalités politiques qui veulent s’introduire au palais de Carthage.
Qui des militaires, civils et islamistes succédera au dictateur déchu. Après vingt-trois années de pouvoir absolu, le président laisse derrière lui un champ de ruines politique. La faiblesse de l’opposition laïque, laminée pendant le régime Ben Ali, rendant aléatoire le succès d’une transition démocratique.
La nouvelle équipe gouvernementale, nommée hier, sera chargée en particulier de préparer, en un temps record de deux mois selon la Constitution, des élections présidentielle et législatives «libres et transparentes» surveillées par un comité indépendant et des observateurs internationaux. Dans ce cadre, un premier candidat à la succession de Ben Ali s’est d’ores et déjà déclaré.
Il s’agit de l’opposant historique Moncef Marzouki, exilé en France et dirigeant du Congrès pour la République (CPR), parti de la gauche laïque interdit sous le régime Ben Ali. «Je serai effectivement candidat» à l’élection présidentielle, a-t-il déclaré sur France Info. «Mais je vous dirai que la question (…) c’est : est-ce que oui ou non, il y aura des élections libres et honnêtes et est-ce que oui ou non, on va permettre à toutes les bonnes volontés (…) de se présenter?», a-t-il dit. Est-ce que «oui ou non on va abolir le code électoral en vigueur actuellement, qui a été concocté sous la dictature, pour la dictature. Sous quelle Constitution nous allons faire ces élections ? Est-ce que c’est sous la Constitution de la dictature ? », a poursuivi l’opposant, qui s’apprête à rentrer en Tunisie. «Pour le moment, nous sommes devant un paradoxe», a cependant commenté
M. Marzouki : «La Tunisie a chassé le dictateur mais la dictature est toujours là. La dictature, ce n’est pas simplement Ben Ali, la dictature c’est le système. Or le système est basé sur un parti, le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique) au pouvoir sous Ben Ali», a-t-il dit. Le RCD est «un parti clientéliste, un parti sécuritaire qui encadre l’ensemble du pays, qui est une véritable pieuvre et ce parti-là est toujours là. Et c’est ce parti qui a gardé dans le nouveau gouvernement les postes clés et qui s’imagine qu’il va pouvoir duper et rouler les Tunisiens en élisant l’un des siens».
Du camp islamique, le chef historique du parti Ennahda (Rennaissance), Rached Ghannouchi (sans lien de parenté avec le Chef du gouvernement Mohammed Ghannouchi) a affiché déjà son intention de se présenter pour la prochaine élections présidentielle. Exilé depuis 1989, le chef historique du parti islamiste Ennahda a annoncé son retour au pays et s’est dit prêt à «travailler pour bâtir un Etat de droit». Contesté au sein même de son mouvement, Rached Ghannouchi ne dispose pas d’une assise populaire qui peut le hisser au palais de Carthage. Gracié par l’ex-président Ben Ali lorsqu’il été emprisonné par Habib Bourgiba, Ghannouchi avait exprimé sa confiance au parti RCD de Ben Ali, indésirable par le peuple.
Mais les années d’humiliation endurées par le peuple tunisien et la vague de religiosité qui a apparu ces dernières années en Tunisie pourraient renforcer son réservoir électoral. Enfin, l’armée tunisienne, qui a joué un rôle déterminant dans la transition, tentera également de mettre sa main sur la vie politique, après son écart sur les affaires sous le régime Ben Ali.
Par Hocine L.