Il a tenu parole. Le Premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, a mis, mardi, sa menace à exécution et a remis le tablier, après avoir noté qu’il ne pouvait former un cabinet de technocrates en substitution au gouvernement de coalition qu’il dirigeait. Rachid Ghanouchi, le chef d’Ennahda, tentait hier de le faire revenir à un meilleur sentiment et d’accepter de reprendre ses charges.
Sofiane Aït Iflis – Alger (Le Soir) – Ayant surtout trouvé en face son propre parti, Ennahda, le Premier ministre Hamadi Jebali n’a pu parvenir à structurer un consensus politique autour de son projet de nommer un gouvernement de technocrates, celui formé par la troïka et qu’il présidait étant contesté y compris les partis y siégeant, hormis, bien sûr, Ennahda. Mardi après-midi, après une ultime consultation — une réunion avec le président Marzouki —, Jebali a formalisé sa démission. Visiblement, il n’y avait pas de possibilité de compromis avec le président Marzouki, qui donne l’impression de se soucier plus de l’alliance de son parti, le Congrès pour la République, avec le parti islamiste Ennahda que des retombées politiques de la démission du chef du gouvernement. D’ailleurs, dès après l’annonce du départ de Jebali, le président Marzouki a organisé une entrevue avec Rachid Ghanouchi pour lui demander de lui proposer un nouveau chef du gouvernement. Les deux hommes se sont rencontrés mercredi matin. Sans résultat probant. Rachid Ghanouchi a indiqué, à l’issue de l’audience avec le président, que son parti Ennahda n’a pas encore choisi son candidat. Mais le plus surprenant est qu’il a reconnu que des pourparlers étaient en cours avec le Premier ministre démissionnaire en vue de le convaincre de reprendre les rênes du Premier ministère. «Pour l’instant, on n’a pas de nom», a-t-il dit, reconnaissant être «en pourparlers avec Jebali» pour qu’il accepte de diriger le futur gouvernement. Autrement dit, à croire sincère Ghanouchi, Ennahda ne trouverait pas d’inconvénient à plébisciter à nouveau celui qu’il a désavoué et poussé à la démission. Une bizarrerie politique, si l’on ose dire, dont sont seuls capables les partis islamistes. A moins que Ghanouchi n’ait vraiment pas d’autres hommes sous la main à placer à la tête du gouvernement, on ne comprend pas très bien pourquoi il court derrière Jebali. Sinon, aurait-il une formule de compromis à soumettre au Premier ministre démissionnaire ? Pour Jebali, serait se déjuger publiquement s’il acceptait d’être redésigné la tête d’un gouvernement maintenu dans sa configuration. Rachid Ghanouchi se donne temps de ménager ses alliés. «J’espère que le gouvernement sera formé d’ici la fin de semaine», a-t-il annoncé, précisant que «plusieurs partis ont exprimé leur volonté d’en faire partie». Mais l’on sait que le Congrès pour la République de Moncef Marzouki n’a de cesse de réclamer la fin de l’apanage d’Ennahda sur les ministères régaliens, les Affaires étrangères et l’Intérieur. Revendication que le parti islamiste, majoritaire l’Assemblée nationale constituante, juge inacceptable. La question n’est toujours pas tranchée.
S. A.