En juin 2012, Ahmed Ouyahia, alors Premier ministre et patron hégémonique du RND, a évoqué la présidentielle de 2014, en empruntant une célèbre tirade de l’ancien chef de l’État français Valery Giscard d’Estaing : “C’est une rencontre d’un homme avec son destin.” Chacun est allé alors de son interprétation sur ce qu’il voulait dire réellement.
Nourrit-il des ambitions secrètes de prétendre à la magistrature suprême ? Est-il mis sur ce chemin par des gens de pouvoir ? À l’époque, la thèse paraissait logique et surtout plausible. Pourtant, les événements se succèderont pour la démentir, du moins à courte vue. En septembre de la même année, Ouyahia est démis de ses fonctions à la tête du gouvernement et remplacé par son ministre des ressources en eau, Abdelmalek Sellal.
Trois mois plus tard, soit au début du mois de janvier 2013, coup de théâtre : l’homme démissionne de son poste de secrétaire général du Rassemblement. Le motif exprimé : préserver le parti de l’explosion sous l’effet des actions du mouvement de sauvegarde du RND, animé essentiellement par l’ex-P/APC d’Alger-Centre, Tayeb Zitouni, l’ancien ministre de la Santé, Yahia Guidoum et l’ancienne présidente de l’Union nationale des femmes algérienne (UNFA) Nouria Hafsi. Dès lors, Ahmed Ouyahia s’éclipse totalement de la scène publique, laissant à Abdelkader Bensalah le soin de gérer la crise organique ou plutôt neutraliser, sans en donner l’impression, les “redresseurs”. L’on pense alors qu’Ahmed Ouyahia a payé de sa carrière ses audacieuses dénonciations sur l’argent sale qui pollue le politique et gouverne le pays ; sur le diktat des barons de l’import-export et surtout de sa fameuse déclaration sur le “quatrième mandat qui ne servira pas l’Algérie”. Autant d’attaques déguisées contre le président Bouteflika et son clan, qui lui ont coûté, selon les observateurs avertis, sa carrière politique. Au fur et à mesure que les mois passent, cette analyse devient de moins en moins probable. Elle est d’ailleurs totalement contredite par l’hommage appuyé que reçoit Ahmed Ouyahia, en son absence, par les congressistes lors des 4es assises du parti, qui ont eu lieu à la fin de ce mois de décembre. L’énoncé de son nom, par Abdelkader Bensalah, a fait vibrer la salle par des “viva Ouyahia”. Puis, aussi bien lui que ses plus proches collaborateurs ont été élus au conseil national, duquel ont été évincés ses détracteurs. Les instances souveraines du RND, issues du 4e congrès, sont favorables, sans conteste, à l’ex-secrétaire général. Ce qui prélude d’un retour potentiel aux commandes du parti et certainement aux affaires de l’État.
En fin de compte, le limogeage de l’homme du Premier ministère puis sa démission de la tête du RND ne seraient qu’un recul tactique pour mieux rebondir sur l’échiquier politique dès que la conjoncture l’exige. On a souvent assimilé Ouyahia au joker du pouvoir. Il l’est peut-être réellement.

S. H.