Démission des ministres candidats et nomadise politique : Les députés de l’Alliance disent NON !

Démission des ministres candidats et nomadise politique : Les députés de l’Alliance disent NON !
demission-des-ministres-candidats-et-nomadise-politique-les-deputes-de-lalliance-disent-non.jpg

Pas contents les députés de l’article de loi qui oblige les ministres à démissionner avant de se porter candidat à un mandat électoral. Encore plus mécontents de l’autre article qui interdit à l’élu de quitter sa formation politique pour rejoindre une autre sous peine de déchéance. Alors que l’avant-projet de loi portant sur le régime électoral est en discussion à l’assemblée, plusieurs députés de l’Alliance présidentielle (FLN, RND et MSP) tentent de torpiller deux textes de loi qui mettent fin aux privilèges des ministres ainsi qu’à la transhumance politique.

Le premier article, le 93, concerne le statut des membres du gouvernement. Celui-ci stipule que « lorsque le candidat est membre du gouvernement, il doit déposer sa démission trois (03) mois avant la date du scrutin ».

Le second, l’article 63, énonce qu’ « il déchu de plein droit de son mandat électif, tout élu qui aura rejoint, en cours de mandat, un parti politique autre que celui sous l’égide duquel il a été élu en qualité de membre de l’Assemblée populaire nationale, du Conseil de la Nation, d’une Assemblée populaire communale ou de wilaya ».

Levée de boucliers

LG Algérie

En clair, les deux dispositions mettent fin aux privilèges dont disposent ministres en temps de campagne électorale et coupent court à ce qui est appelé le « nomadisme politique ».

Ces deux articles provoquent une levée de boucliers des députés de la majorité gouvernementale.

L’un des fervents avocats pour la suppression de ces articles est Hocine Khaldoun, député du FLN dans la circonscription d’Al Tarf et président de la Commission des affaires juridiques, administratives et des libertés de l’APN.

Pour M. Khaldoun dont le parti compte 136 sièges à l’Assemblée, le législateur ne saura empêcher un élu de quitter, au cours de son mandat, sa formation politique pour rejoindre une autre car celui-ci n’a de comptes à rendre qu’à ses électeurs.

Le FLN disposé à accueillir les élus dissidents

« L’élu est mandaté par des électeurs, donc par le peuple »*, justifie-t-il mardi 4 octobre lors des débats. Pour bien expliquer le refus de son parti d’avaliser ce texte de loi, M. Khaldoun affirmera que le FLN est disposé à accueillir tout élu désirant rejoindre sa formation politique. C’est ce qu’on pourrait appeler un bras d’honneur.

Les députés du RND (Rassemblement national démocratique), le parti du Premier ministre Ahmed Ouyahia, ne sont pas en reste.

L’élu est mandaté par le peuple

Mohamed Kacem Laid, élu du RND dans la circonscription de Mostaganem, estime qu’un parti politique « n’est qu’un moyen pour se porter candidat à une élection » et que « l’élu est mandaté par le peuple » et non pas par son parti. « Même dans un couple, le divorce existe », précise-t-il.

S’agissant de l’article 93, le député du RND, qui compte 62 élus à l’APN, considère qu’il valait mieux interdire aux ministres candidats à la députation d’utiliser les moyens de l’Etat durant la campagne électorale plutôt que de les contraindre à démissionner de leurs postes. M. Kacem estime encore qu’il aurait fallu élargir les dispositions aux directeurs et aux autres commis de l’Etat.

Les élus du MSP plaident pour la suppression de l’article 93

Même son de cloche chez les élus du MSP, le parti islamiste lequel dispose de 51 élus à l’Assemblée.

Elu dans la circonscription de Bouira, Ahmed Issad plaide pour la suppression pure et simple de l’article 93 dans la mesure où il n’est pas « conforme à la Constitution ».

La Loi fondamentale, argue-t-il, stipule que l’élu tire la légitimité de son mandat des électeurs. Contraindre un ministre à la démission est, tranche-t-il, un acte « anticonstitutionnel ».

Pour étayer son argumentaire, l’élu de Bouira explique que si cette disposition venait à être appliquée, 3 mois avant les législatives de 2012, elle mettrait de facto l’exécutif « en état de vacances » dés lors que le gouvernement actuel est issu des trois partis FLN, RND et MSP.

Remplacer les ministres candidats poste par poste ?

La remarque ne manque pas de perspicacité. Que ferait le président Bouteflika en cas de démissions d’un ou de plusieurs ministres trois mois avant la tenue des élections législatives qui devront se dérouler au plus tard au mois de mai 2011 ?

Remplacer les ministres poste par poste ? Procéder à un remaniement gouvernemental partiel à l’instar de ce qui a été fait en mai 2010? Congédier l’actuel gouvernement pour nommer un nouvel exécutif ? Ces questions ne manqueront pas certainement d’être posées dans les mois à venir d’autant plus que le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, est secrétaire général du RND.

Mais pourquoi les élus des trois partis de l’alliance présidentielle s’opposent-ils à l’article 93 ? L’enjeu est de taille. Car chaque partis dispose de plusieurs ministres dans le gouvernement actuel, le FLN se taillant la part du lion.

Ministre, un candidat très privilégié

C’est qu’un ministre qui se porte candidat à la députation est quasi-certain d’être élu du fait de l’aura que lui confère son statut. C’est d’autant plus vrai que les moyens dont il dispose et l’influence qu’il peut exercer sur les médias publics ou parapublics pourraient rendre sa tâche encore plus facile.

Qui peut contrôler les dépenses d’un ministre candidat? Qui oserait lui demande des comptes ? Qui encore peut l’empêcher de sillonner le pays pour promouvoir sa candidature des semaines avant le lancement officiel de la campagne électorale ?

L’administration n’étant pas connue pour son impartialité, rien n’empêche ainsi un membre de l’exécutif de faire mains basses sur les moyens de son département pour faire campagne. Et pour parrainer et soutenir les candidats issus de son parti.

En décidant d’introduire cet article dans l’avant-projet de loi électorale, l’exécutif entend mettre chaque candidat sur le même pied d’égalité. Visiblement, les députés de l’alliance présidentielle ne l’entendent pas ainsi. D’où sans doute la levée de boucliers.

L’autre article qui semble poser problème aux députés, la déchéance du mandat de l’élu, vise à introduire une dose de morale et d’éthique dans l’exercice d’une mandature.

Elections douteuses

C’est que depuis les élections locales d’octobre 1997 remportées par le RND alors qu’il venait d’être fraichement créé (février 1997), les différentes institutions du pays (assemblée nationale, communes et wilayas) ont été entachées autant par les fraudes que par des pratiques de débauchages, de départs, de transferts qui ont fini par décrédibiliser le statut de l’élu auprès de l’opinion publique.

A ces pratiques s’ajoutent l’achat des voix des électeurs, largement pratiqué lors de la dernière législative de mai 2007.

Si les députés du RND, du FLN et du MSP plaident pour la libre circulation des élus d’un parti vers un autre, quid alors de la discipline du parti ? Quid encore de l’apport financier auquel doit contribuer un élu à sa formation politique en reversant une partie de son salaire fixé aujourd’hui à 300 000 dinars ?