Tous les Sud-Africains, sans distinction de race ou de couleur, se sont rendus aux urnes du 26 au 28 avril 1994
Dans le cadre de la mission d’observation dévolue à l’ONU, une délégation algérienne conduite par Ahmed Lagraa et Lakhdar Brahimi en sa qualité de Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, était chargée de superviser ces élections.
La République sud-africaine est un Etat fédéral qui compte une population estimée à plus de 41 millions, avec pour capitale Pretoria et une superficie de 1.221.037 km². Deux langues officielles, afrikaans et l’anglais cohabitent avec trois langues africaines: xhosa, zoulou, sésotho. Les principaux clients sont l’Union européenne, avec 46,4%, le Japon, 12,3% et les pays en voie de développement avec 26,6%. Les principaux fournisseurs sont l’UE avec 42,1%, l’Allemagne, avec 19,2% et le Japon avec 11,8%. Le démantèlement de l’apartheid a donné naissance à une transition caractérisée par un gouvernement d’union nationale (1994/1999), une Assemblée constituante, un Parlement bicaméral composé d’une Assemblée nationale et d’un Sénat. Chaque chambre compte 400 membres. Ces structures ont débouché après la préparation d’une Constitution aux élections, (1999), en donnant naissance à un gouvernement démocratique, le démantèlement de l’apartheid, fondé sur la ségrégation raciale, les Blancs, les Noirs et les métis. L’arrivée au pouvoir en 1948 du Parti national, est intervenue suite aux premières élections multiraciales où tous les Sud-Africains, sans distinction de race ou de couleur, se sont rendus aux urnes du 26 au 28 avril 1994. Au cours de cette période dramatique de 46 ans, l’Algérie alors elle-même engagée dans une lutte de Libération nationale contre une puissance coloniale qui navigue dans le cercle restreint des puissants du monde, s’était activement manifestée aux côtés des communautés opprimées d’Afrique du Sud. Après l’indépendance, l’Algérie n’a pas lésiné sur son soutien multiforme dans la lutte contre l’apartheid. Et bien entendu, dans le cadre de la mission d’observation dévolue à l’ONU quant au déroulement du scrutin, une délégation algérienne était présente, conduite par moi-même en qualité de coordinateur, comprenant trois autres diplomates, deux représentants, l’un du ministère de la Justice en la personne de Nabil Hattali, magistrat, et l’autre du ministère de l’Intérieur en la personne de Mokeddem Benthmane. Il faut ajouter que Lakhdar Brahimi, en sa qualité de Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, était chargé de superviser ces premières élections multiraciales. Au moment où Lakhdar Brahimi a pénétré dans la grande salle comprenant plus de 5000 observateurs, à ma demande, la délégation algérienne a entonné Quassaman, ce qui l’a extraordinairement à la fois surpris et séduit.
19 partis en course
De son estrade, debout, il nous a salués pendant toute la durée de Quassamen, au grand étonnement des présents. Je lui ai fais part d’une seule doléance, à savoir que les membres de la délégation algérienne obtiennent les meilleures affectations. Deux diplomates ont été affectés au Kwazulu natal, (moi-même auprès de la tribu de Nelson Mandela, les Xhosas), l’autre diplomate chez les Zoulous, un diplomate à Johannesburg et l’autre au Eastern Transvaal. Quant aux deux représentants des ministères algériens, le magistrat au Eastern Cape et l’autre à Northern Cape. En tant que diplomate présent en ces instants historiques, j’ai fondé l’espoir et, notamment à la diplomatie algérienne de cueillir les fruits de tant d’efforts et d’investissements dans le combat mené contre l’oppression et la ségrégation raciale. Les deux pays ont en commun de nombreuses similitudes. Au plan politique: les deux pays ont été confrontés pratiquement à des enjeux stratégiques durant cette période dont ils ne garantissaient pas aisément des réponses adéquates,
-d’oeuvrer de manière pacifique et dans un cadre institutionnel de transition accepté par la société civile pour opérer la rupture et le changement radical dans la perspective d’instauration d’un Etat de démocratie politique et économique.
Situés aux deux extrémités du continent, l’un au Nord, l’autre au Sud, ils peuvent réaliser leur jonction pour s’investir davantage et jouer un rôle qui est le leur dans leurs régions respectives en vue d’éloigner au fur et à mesure les malheurs que traverse le continent, pour se donner la chance de survie dans l’ordre mondial de demain. Les particularités du scrutin
-1- Il y avait 19 partis dans la course électorale, inscrits sur le bulletin de vote, remis à chaque électeur. Il est à remarquer que vous ne pouvez jamais trouver un bulletin de vote par terre. Le bulletin de vote imprimé en couleur, comprend les partis politiques en lice, inscrits en toutes lettres, suivis du symbole puis du sigle, enfin la photo de son leader. Le bulletin de vote ainsi rédigé permet à un illettré de porter son choix dans l’isoloir sans l’aide d’une tierce personne.
-2- Il n’y a pas de listes électorales. Le Sud-Africain doit être muni d’une pièce d’identité officielle pour accomplir son devoir électoral. Puisqu’il donne son vote à un parti, donc qu’il vote à Pretoria ou à Durban, son vote est toujours décompté pour le parti de son choix. Simplement, la liste électorale n’est pas indispensable parce qu’il ne peut pas quitter le bureau de vote qu’après avoir fait tremper les doigts de la main droite d’un liquide invisible, incolore et inodore, qui ne peut disparaître qu’après une durée de sept jours et qu’aucun savon ou autre moyen ne peut effacer. Le bureau de vote a deux accès: une entrée où une table est érigée qui vérifie à l’aide d’un appareil de rayons ultra-violets de détection de l’encre invisible que le citoyen n’a pas voté ailleurs. Cette situation permet au citoyen de voter où il veut et dans le bureau de vote de son choix. Une seconde table chargée de l’identification, une autre à l’encrage, la suivante, la remise du bulletin de vote et ainsi de suite, il continue sa démarche jusqu’ à sa sortie du bureau de vote, par la seconde issue.
Pas de liste électorale
Voici le circuit: lorsqu’un votant se présente au bureau de vote, il est accueilli à la table n°1 où est posé un appareil. Le votant doit introduire ses deux mains. Grâce à une lumière ultra-violette, on peut détecter si le votant n’a pas auparavant accompli ce devoir par l’existence d’une encre sur ses doigts. Après cette vérification, le votant se rapproche de la table n°2: le votant doit présenter l’un des dix documents d’identification prévus par la réglementation. Le préposé vérifie si le votant est bien le titulaire du document grâce à la photo apposée sur le titre d’identité, ensuite si l’âge requis, soit 18 ans. Un cachet humide est alors apposé sur ce document d’identité. Après cela, le votant est conduit à la table n°3: c’est à ce niveau que le votant est encré. Les doigts de sa main droite y compris ses ongles sont marqués par l’encre invisible puis il doit s’adresser à la table n°4. Un bulletin de vote est tiré du carnet des bulletins de vote parce que les bulletins de vote ne sont pas imprimés volants puis un cachet humide est apposé sur le bulletin de vote et remis au votant qui se dirige vers l’isoloir. Le président de la République est élu par l’Assemblée nationale dans les dix jours suivant la confirmation des élections. Celui-ci est le leader du parti majoritaire à l’Assemblée nationale. C’est ainsi que l’ANC, (Congrès national africain), Parti de Mandela qui a obtenu la majorité des sièges a permis à Nelson Mandela d’être président.
Il avait effectué sa formation militaire dans les maquis algérien sous le suivi d’officiers de la glorieuse Armée de libération nationale.
Nelson Mandela avec des moudjahidine en 1960. Mandela s’est rendu en Algérie deux fois. La première fois, en mai 1990 après sa libération des geôles de l’apartheid et la seconde, après son élection comme président en 1994. En 1980, à la suite de la découverte de la fourniture secrète de blindés légers à l’armée marocaine, l’ANC, parti de Mandela, se range sur les thèses du Polisario et en 1994, dès sa prise de fonction comme président, Mandela s’engage par écrit sur la reconnaissance de la Rasd. C’est le binational, feu Abdelkrim Khatib, originaire d’Algérie, fondateur du PJD, Parti (islamiste) Justice et Développement, premier chirurgien du Maroc, ayant effectué ses études à Alger, fondateur et chef de l’Armée de libération marocaine durant le protectorat français, également président du Conseil national de la révolution composé de 27 membres dont Allal el Fassi et Abderrahmane Yousfi, premier président du Parlement marocain en 1963, fondateur de la haute commission maroco-algérienne de coordination de la résistance entre les deux pays, qui a oeuvré pour le rapprochement entre le leader sud-africain et le Royaume. C’est lui qui a convaincu Hassan II de fournir des armes et des munitions à l’ANC pendant sa lutte contre l’apartheid.
C’est encore lui qui sera l’envoyé spécial du roi auprès de Mandela pour le convaincre de se rendre au Maroc. Pour tous ses efforts, Khatib aura droit en 1995, à un hommage appuyé à Johannesburg et son ouvrage autobiographique, Parcours d’une vie, édité en 1997, a été préfacé par Mandela.