Délocalisation de la faculté des sciences exactes vers le campus d’Amizour Les enseignants ripostent par un refus catégorique et une grève

Délocalisation de la faculté des sciences exactes vers le campus d’Amizour Les enseignants ripostent par un refus catégorique et une grève
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La décision prise par l’Université de Béjaïa concernant la délocalisation de la faculté des sciences exactes vers la faculté de droit d’Amizour est jugée d’anti-pédagogique. Les enseignants présentent des justifications très profondes qui prouvent que cette démarche est impossible. Déjà en grève, ils expriment un refus catégorique dans le fond et dans la forme et attendent l’annulation de la décision pour entamer l’année universitaire.

Tout laisse croire que la faculté des sciences exactes de l’Université de Béjaïa va connaître l’une des années les plus perturbées de son histoire. Et pour cause, ce département doit plier bagage et se rendre dans une nouvelle faculté destinée initialement à accueillir les étudiants des sciences juridiques à Amizour. Non seulement il s’agit d’une délocalisation totalement anti-pédagogique puisque les infrastructures inscrites dans le cadre de la faculté de droit sont complètement dédiées et réalisées pour l’enseignement des sciences juridiques et qu’elles ne répondent aucunement aux besoins des étudiants des sciences exactes mais aussi l’Université de Béjaïa fait avec cette décision une première, celle de séparer les sciences technologiques et les sciences exactes. Aucune université au niveau national n’a pensé à la séparation de ces deux sciences, mais à Béjaïa la décision est déjà prise ! Seulement voilà les enseignants de la faculté des sciences exactes s’y opposent majoritairement et catégoriquement. Ils se disent déterminés à défendre et sauver leur faculté. Ils reprennent l’année universitaire avec la grogne, tous les examens de rattrapage sont reportés tandis que toute reprise est tributaire de l’annulation de la délocalisation.

Rappel des faits

Nous sommes un certain samedi 27 avril 2013. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a inspecté plusieurs infrastructures relevant de l’Université de Béjaïa, notamment le nouveau site d’Amizour dédié à la faculté de droit et des sciences administratives et juridiques. Une faculté avec une capacité de 4 000 places pédagogiques. La décision de l’extension de la faculté de droit avait été prise, en fait, en 2008. Cette infrastructure a été conçue et présentée comme tel, et les coups de théâtre commencent en 2014 lorsqu’une première décision d’affectation de la faculté des sciences humaines et sociales vers la faculté de droit était prise. La grogne était au rendez-vous avec un seul mot d’ordre «la non-délocalisation». Les protestataires ont eu gain de cause pendant que la question

«où sont passés les étudiants de droit qui devaient rejoindre leur nouvelle faculté ?» demeurait sans réponse. Après des rumeurs ayant fait écho durant l’année dernière que la nouvelle affectation concernera la faculté des sciences exactes, les enseignants de cette faculté n’ont pas tardé à réagir à l’issue des réunions tenues dans tous les départements de cette faculté et ayant souligné l’impossibilité de la délocalisation avec les arguments les plus solides.

Refus catégorique et grève ouverte

Après l’annonce officielle de la délocalisation durant les vacances, les enseignants ont inauguré l’année universitaire avec le blocage des examens de rattrapage en signe de protestation contre cette décision jugée d’anti-pédagogique sur toute la ligne. Ces mécontents sont en assemblée ouverte depuis début septembre, ils sont catégoriques : il n’y aura pas d’examens ni de cours sans l’annulation de la décision.

Lors d’une rencontre que nous avons eu ce lundi avec le groupe représentant les enseignants de la faculté des sciences exactes, il nous a été présenté les aspects liés à la pédagogie et à la recherche qui prouvent que ce «déménagement» est effectivement impossible.

Il nous a été expliqué que l’administration s’est appuyée sur des arguments «fictifs» : la question de la surcharge en l’occurrence pour évacuer cette faculté. Hors, la loi des chiffres ne fait état d’aucune surcharge ni de renforcement de personnel.

Parmi les enseignants présents à cette rencontre, le Professeur Touazi Djoudi représentant du département Informatique qui a relevé que

«les infrastructures inscrites dans le cadre du projet de la faculté de droit sont complètement dédiées et réalisées pour une faculté de droit et sciences économiques. Elles ne peuvent pas convenir aux aspirations et aux besoins de la faculté des sciences exactes».

Et d’ajouter que les enseignants de sa faculté n’ont pas été associés dans le plan de réalisation de ce campus. «Sur le plan construction lui-même, aucun équipement n’existe pour prendre en charge les travaux pratiques de nos étudiants alors que nous sommes une faculté où il y a beaucoup de pratique et les laboratoires pédagogiques et de recherches ne sont pas faciles à réaliser.

On vient de réaliser un centre de calcul intensif après plusieurs années de combat. Les équipements coûtent des milliards et ne se trouvent pas facilement en Algérie, on les importe. Pour réaliser un laboratoire pédagogique ou de recherche, il faut plusieurs années.

Donc comment délocaliser des étudiants et comment les prendre là-bas. Il n’y a pas de moyens pédagogiques et scientifiques pour les prendre en charge ?» s’interroge ce professeur. Tous les enseignants présents à cette réunion, Bibi Mohaned Ouamer, Zidane Youcef, Mohamed Meziani Abdelkader, Boudrahem Nassim étaient unanimes à dire que leurs départements sont en opposition totale avec cette décision. «C’est un refus catégorique dans le fond et dans la forme», indique-t-on.

Les enseignants sont revenus au cours de leur réunion sur la prochaine inauguration de l’Académie des Sciences et des Technologie qui concernera les universités des sciences et des technologies de Bab Ezzouar et d’Oran. Cela se passe au moment où ces deux sciences connaissent la séparation au niveau de l’Université de Targua Ouzemour.

«Dans le monde entier ces deux structures vont ensemble, impossible de les séparer. On partage tout. La science est un support indéniable, indispensable pour la technologie.

On ne peut pas faire la technologie sans les mathématiques, la physique, la chimie, l’informatique…», rappellent les enseignants. Il est également regretté les tentatives de corrompre certains enseignants.

Il y a des tentatives de menaces et d’intimidation, des propositions d’avantages pour amener les enseignants à quitter les lieux. Cette séduction se présente dans la proposition de postes, de logements… Ces tentatives sont restées jusque-là vaines et malgré cela aucun enseignant n’a exprimé son accord pour le départ, le recteur semble seul à vouloir défendre cette délocalisation tandis que les enseignants, les travailleurs d’administration et les étudiants y sont en parfaite opposition.

Il y a lieu, en effet, de parler de bricolage, de mauvaise gestion voire même d’une volonté d’assassiner la faculté des sciences exactes puisque les arguments présentés par le recteur sont faux et toutes les preuves sont disponibles et frappantes. L’on se demande par ailleurs qui étudiera à la faculté des sciences exactes dans le cas où elle sera délocalisée effectivement ?

La version de la direction de l’Université

Dans sa version des faits, le rectorat de Targa Ouzemour s’est appuyé, dans une note affichée, sur la décision prise par le conseil de la direction réuni le 27 juillet et validée par le conseil scientifique de l’université réuni le 29 juillet. Il est expliqué que  «le recteur a présenté tous les arguments objectifs qui ont amené le conseil de direction à prendre cette décision».

Le recteur a, en outre, donné des clarifications et des réponses aux préoccupations soulevées, tout en rappelant le soutien et l’engagement du conseil de direction pour faciliter le processus de déménagement qui se fera d’une manière progressive en fonction des conditions mises en place et la même source a précisé que l’affectation du campus d’Amizour à la faculté des sciences exactes permettra à celle-ci de meilleures perspectives de développement et que cette décision est en parfaite adéquation avec le projet de restructuration de l’université.

Le conseil d’administration a donc retenu l’idée d’un partage équitable des structures pédagogiques entre le campus Targua Ouzemour, Amizour et El Kseur. Tout compte fait, l’intervention du ministère de l’Enseignement supérieur semble nécessaire pour remédier à la situation devant des enseignants qui refusent une décision qui porte nuisance à leur faculté et ses objectifs pédagogiques et scientifiques et un recteur qui veut adapter en sciences exactes une infrastructure inadaptable.

Y.A.