Délaissés, les bigaradiers de Blida dépérissent

Délaissés, les bigaradiers de Blida dépérissent

En ce début de printemps, où les plantes et végétaux revêtent leur vert éclatant, une question persistante revient sur toutes les lèvres à Blida, où tout un chacun s’interroge sur les causes de la non cueillette des fruits des bigaradiers (Citrus Aurantium) « larendj », ou orangers amers, plantés le long des grands boulevards de la ville.

« Nous sommes en mars et les bigaradiers ploient sous le poids de leurs fruits murs », s’interrogent instamment les habitants de Blida, en regardant, avec une pointe d’amertume, les belles bigarades qui commencent à choir, faute de n’avoir pas été cueillies à leur mûrissement, et dont le pourrissement au sol, ajoutent à la « disgrâce » de l’environnement et des arbres, dont certains portent comme des étendards de nombreux sachets en plastique, accrochés à leurs épineuses branches par des vents contraires.

Un environnement déjà mis à mal par cette image désolante de groupes d’enfants et d’adolescents organisant des batailles rangées, à coups d’oranges amères, un fruit qui semble ne plus trouver preneur, qu’auprès de ces bambins qui en agrémentent leurs jeux.

Ainsi en est-il de la Ville des roses, où les orangers et bigaradiers, jadis plantés, par les Andalous, pour agrémenter la beauté de ses rues, risquent désormais de faire partie d’un passé révolu.

Selon l’historien attitré de la ville de Blida, Youcef Ouraghi, les Andalous avaient introduit le bigaradier à partir de la ville espagnole de Valence, pour le planter tout autour de la ville, en une sorte de ceinture verte aux odeurs enivrantes de la fleur d’oranger.

Aujourd’hui, cette ceinture est formée d’au moins un millier de bigaradiers centenaires, s’étendant tout au long du boulevard Colonel Lotfi, à Sidi Yakoub, en passant par le Boulevard Bouguera, jusqu’à la place 1 er Novembre (ou Placette Ettoute) . Elle descend ensuite vers le boulevard Larbi Tebessi, puis la rue Mahdjoub Boualem (Bab Dzair).

Ces arbres occupent les lieux et places des anciennes portes et remparts de l’antique petite ville de « Belda », fondée par le saint patron de Blida, Sid Ahmed Lekbir, à l’instar de Bab Lekbour, Bab Sebt, Bab Lekhouikha, Bab Dzair, et Bab Rahba, peut-on constater.

Laisser les fruits sur l’arbre : un facteur préjudiciable

« Ne pas cueillir les fruits murs sur les arbres est un facteur préjudiciable pour ces derniers. Cela réduit leur rendement et ternit la couleur de leur troncs », assurent des agriculteurs de la wilaya.

La dégénérescence lente de ces arbres est visible, ces dernières années. Leurs troncs et branches sont devenus noirâtres et une couleur jaunâtre a remplacé le vert foncé de leurs feuillages.

En outre, la floraison de ces arbres, qui donnait lieu à de belles fleurs très odorantes, attendues impatiemment par les amateurs de distillation d’eau de rose et de fleurs d’oranger, a nettement diminuée, de nos jours.

« Cependant, il est possible de traiter ces arbres avec des produits phytosanitaires », estiment ces spécialistes, qui se désolent que cela ne soit pas fait.

La vente des oranges amères : une rentrée d’argent pour la commune

Jadis, la cueillette des oranges amères et leur vente à des unités locales de transformation, constituait une rentrée d’argent non négligeable pour la commune.

Cette opération qui se faisait habituellement au début de chaque année, n’est plus de mise. « L’oranger amer, symbole vivant de la Ville des roses, est aujourd’hui abandonné à son triste sort, au risque de le voir disparaître, un jour », déplore M. Ouraghi.

Plein de nostalgie, Ammi Youcef se remémore le temps, où les récoltes abondantes d’oranges amères étaient écoulées au profit d’unités de transformation et autres conserveries locales, qui en faisaient de délicieuses marmelades, et des arômes pour les gâteaux.

L’orange amère est un antibiotique naturel très indiqué dans les problèmes de l’appareil respiratoire. Ses fleurs, aux fragrances très fortes, sont exploitées dans la distillation de l’eau de rose, « une pratique dont la réputation a dépassé les frontières nationales », observe-t-il.

Aujourd’hui le citoyen de Blida estime qu’il est, pour le moins, aberrant de planter de palmiers dans une ville de la Mitidja, réputée pour être l’une des plus fertiles plaines au monde, au moment où son emblème vivant (l’oranger amer) est dédaigné par les gestionnaires de la cité.

Aussi, de nombreux habitants de la ville réclament « une réhabilitation » de cet arbre emblématique, pour que Blida préserve « son cachet de Ville des roses et des orangers ».