Marian Salzman, experte américaine primée en communication d’entreprise, a soutenu, dès les premiers mois de la pandémie que les changements apportés à nos vies par le Covid-19 étaient là pour rester.
Dans cet entretien, elle explique les tendances qui dominent en 2022. Ces derniers sont détaillés dans son nouveau livre « The new megatrends: seeing clearly in the age of disruption ».
Le covid-19 nous a poussé à redéfinir la manière avec laquelle nous interagissons, quel rôle la technologie et les réseaux sociaux jouent-ils dans ce changement ?
Après la fin de la pandémie de grippe de 1918, les technologies ont connu un essor considérable et les gens ont cherché à se divertir et à se socialiser, ce qui a donné lieu à ce que nous appelons les années folles aux États-Unis. Cependant, aujourd’hui, il y a plus d’incitations à rester à la maison et la technologie nous permet de nous socialiser à distance, et nous avons tout ce dont nous avons besoin pour communiquer en ligne – avec le travail, la famille et les amis. En d’autres termes, la vie en ligne est devenue notre réalité. L’espace virtuel n’est plus seulement un lieu où l’on se rend pour se divertir.
Aujourd’hui, c’est un espace très réel et très tangible où nous sommes employés, où nous allons à l’école, où nous achetons de la nourriture et où, en cas de besoin, nous demandons de l’aide. Par conséquent, malgré la distance physique engendrée par la crise sanitaire, les gens sont parvenus à interagir de manière efficace. Grâce aux réseaux sociaux, l’espace virtuel est devenu une composante essentielle de notre vie réelle.
Ainsi, le métavers est là pour rester, bien qu’il n’existe pas suffisamment longtemps dans nos vies pour que nous puissions nous y familiariser et prévoir ses implications. Même si certains estiment qu’il ne s’agit que d’un feu d’artifice qui s’éteindra bientôt, je parie qu’il continuera de faire partie intégrante de nos vies, car il a déjà infiltré les secteurs de la mode et du divertissement.
La montée de la culture du selfie englobe une tendance culturelle à l’égocentrisme, à l’autopromotion et même au dégoût de soi. Nous vivons nos vies sur des réseaux sociaux où chacun a une chance d’être la prochaine star de TikTok.
Bien que le web veuille combler le fossé entre nous tous, nos algorithmes individualisés finissent par isoler nos intérêts hyper ciblés. Notre vie en ligne n’est plus une alternative à la réalité, mais en fait partie intégrante ; d’ici à 2038, il y aura forcément des technologies de la pensée et de l’esprit adaptées à chacun. Nous le voyons déjà à travers les flux personnalisés et la réalité virtuelle. L’humanité devra donc veiller à ce que, tout en étant tournée vers elle-même, elle s’efforce d’unir efficacement plutôt que de diviser.
Le confinement a provoqué un véritable essor du télétravail, sera-t-il appelé à durer ?
Le télétravail fait définitivement partie de la « nouvelle normalité ». Les approches hybrides, avec des horaires de travail flexibles et le travail à domicile, gagnent du terrain dans les entreprises du monde entier.
Dans l’ère postpandémique, les entreprises devront clarifier leurs positions sur le travail hybride et rechercher la combinaison optimale entre le travail au bureau et le travail à domicile.
Elles chercheront des moyens efficaces (c’est-à-dire rapides et bon marché) pour améliorer les compétences de leurs équipes en utilisant un mélange de ressources en ligne, de séminaires et de coaching. Ce qui est désormais requis, c’est une connaissance directement applicable d’un sujet plutôt qu’une connaissance théorique de celui-ci.
Les agents de changement deviennent des créateurs de cohérence. Ces derniers ont été, et sont encore, dans une certaine mesure, l’objet d’une grande résonance au sein d’une entreprise. Un nouveau rôle est en train d’émerger, celui des « cultivateurs de cohésion », qui rassemblent les parties éparses des organisations et apportent leur expertise pour créer un environnement de travail inclusif et équilibré dans ce nouveau modèle de travail hybride.
Quel a été l’impact du confinement et de la distanciation sociale sur la santé mentale des individus ?
Outre l’isolement social, le plus gros problème pour moi est la crise climatique. Elle affecte notre santé mentale et spirituelle, ainsi que nos habitudes alimentaires.
Le stress ne va pas disparaître, ni même diminuer ; il fait lui aussi partie de la « nouvelle normalité ». La génération qui grandit dans l’ombre du changement climatique, de COVID-19 et des perspectives économiques incertaines n’entrevoit pas un avenir aussi prometteur de prospérité que les générations précédentes.
Pour beaucoup, cela laisse deux choix : se battre pour le changement collectif ou s’y opposer. C’est le moment d’adopter des programmes et des technologies pour résoudre les problèmes de santé mentale. De nombreuses entreprises ont compris qu’elles devaient créer et penser à de nouveaux outils pour améliorer la santé mentale de leurs employés par le biais de la pleine conscience, du développement personnel, des applications mobiles, des appareils mobiles neuro-réactifs, des programmes de soutien psychologique, du renforcement de l’inclusion sur le lieu de travail.
Vous avez parlé de l’impact du changement climatique sur le mental de l’individu, comment l’humanité fera-t-elle face à ce problème ?
Le changement climatique affecte tous les aspects de nos vies. Les conditions météorologiques extrêmes, telles que les sécheresses en Asie et en Afrique, obligent le consommateur ordinaire à changer ses habitudes et à devenir plus écologique. Ce changement de paradigme permet d’injecter un sentiment de contrôle dans un monde qui semble en permanence posé au bord du chaos.
Les villes telles que nous les connaissons sont en train de changer, elles se redessinent. En parallèle, de nouvelles villes émergeront en cours de route où les gens pourront être en contact avec la nature (des espaces verts domineront).
Une meilleure qualité de vie sera offerte dans la mesure où il y aura la possibilité de pratiquer des activités en dehors du foyer à travers des infrastructures pour les activités artistiques et créatives. »
À l’exemple des autres secteurs, l’éducation vit-elle également une transformation ?
L’éducation a été profondément touchée par la pandémie, et il ne fait aucun doute que l’éducation de demain sera hybride. Plusieurs universités proposent déjà des formations à distance. Les écoles du monde entier expérimentent pour trouver ce qui fonctionne le mieux, car nous avons réalisé pendant la pandémie que les jeunes ont besoin de la socialisation que permet l’apprentissage en personne.
Les dépenses mondiales en matière d’éducation devraient atteindre au moins 10 000 milliards d’euros d’ici à 2030. Les experts découvriront peut-être de nouveaux modèles dynamiques et plus efficaces pour gérer les écoles.
Le monde a été profondément affecté par ces nombreux changements. Pensez-vous que le degré d’affectation dépend de la dimension culturelle de chaque pays ?
C’est tout à fait exact. Par exemple, là où la connectivité en ligne est moins facilement disponible, il y aura certainement un écart dans l’impact des médias sociaux et du web mondial (selon certaines personnes, c’est une chose positive).
En ce qui concerne le changement climatique, il est consternant de constater que les régions du monde qui ont le moins contribué à la crise actuelle en subissent les pires effets. Les pays et régions qui contribuent le plus à la crise doivent redoubler d’efforts pour atténuer la gravité de la dévastation liée au changement climatique que leurs actions ont engendrée.
À noter que Marian Salzman est diplômée avec mention de l’université de Brown en sociologie. Elle est vice-
présidente senior de la communication mondiale chez Philip Morris International. Elle a travaillé pour
diverses entreprises et organisations telles que Nike, PepsiCo et la Fondation des Nations unies. Elle est
l’auteur et la co-auteure de 16 livres, dont Buzz, le premier grand livre d’affaires sur le buzz marketing.