L’Algérie a célébré le 16 octobre dernier, à l’instar de tous les pays du monde, la journée internationale de l’alimentation décrétée par l’Organisation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture (FAO). L’événement intervient cette année dans une conjoncture où le marché national de produits agricoles traverse des pressions de diverses formes.
Des retombées de l’épisode de fièvre aphteuse qui a sévi l’été dernier, jusqu’à la flambée persistante des prix des produits frais de large consommation, cette célébration de la journée mondiale de l’alimentation vient rappeler, encore une fois, les vulnérabilités qui guettent toujours le système de la sécurité alimentaire en Algérie, malgré tous les efforts consentis et les politiques déployées.
Ainsi, le déséquilibre de la filière des viandes rouges entraîné par la fermeture des frontières pour contenir l’épizootie de fièvre aphteuse en juillet et août derniers et le déficit de la saison céréalière 2013-2014 où la production nationale a reculé de 30% par rapport à l’année d’avant, sont une parfaite illustration de la forte dépendance alimentaire de l’Algérie qui n’est pas près de cet idéal appelé l’autosuffisance alimentaire. L’Algérie qui importe pour une moyenne de 10 milliards de dollars annuellement en produits alimentaires, est appelée à accentuer davantage, dans les mois à venir, son recours au marché international pour l’approvisionnement en produits alimentaires. Ce n’est pas fortuit si le ministre français s’est félicité de l’annonce de la réouverture du marché national à l’importation des bovins dès le 13 octobre dernier car, connaissant l’importance du marché algérien dont les acquisitions moyennes oscillent entre 50 000 et 60 000 têtes bovines par année dont plus de 80% proviennent du marché français. Ce n’est pas un hasard non plus si les syndicats agricoles français ont tiré la sonnette d’alarme en juillet dernier aussitôt la suspension temporaire des opérations d’importation de bovins décidée par le département d’Abdelwahab Nourri.
Les fluctuations incessantes que subit le marché des produits céréaliers, ne sont pas moins révélatrices de cette situation de fragilité car, au-delà de l’appréciation des niveaux de production de chaque saison, les indicateurs de l’évolution de la filière céréalière sur le long terme ne sont pas aussi optimistes lorsque l’on tient compte des différents paramètres d’analyse, à savoir les rendements, les besoins et les moyens mobilisés. Il suffit en tout cas de tenir compte des besoins exprimés en céréales pour vérifier ce constat.
Les produits à base de céréales représentent une part prépondérante dans le système alimentaire des ménages algériens, dépassant de loin les 30% selon les analyses effectuées par les experts de la FAO. Le blé dur demeure la base de l’alimentation en Algérie (semoule, principalement, et pâtes). Cependant, une progression rapide du blé tendre (pain, biscuiterie, pâtisserie) est observée ces 10 dernières années avec « l’occidentalisation du modèle de consommation ». En outre, l’orge et le maïs sont destinés principalement à l’alimentation animale. La consommation apparente théorique s’élève à 230 kg/hab., ce qui place l’Algérie en tête des pays du Maghreb, comme la Tunisie (206 kg/hab.) et le Maroc (175 kg/hab.).
En revanche, au niveau de la production, l’évolution est particulièrement lente depuis l’avènement des différents programmes de relance agricole au début des années 2000. La superficie occupée par la céréaliculture est restée statique avec une moyenne de 3 millions d’hectares dont moins de 200 000 ha dans les périmètres d’irrigation, près de 600 000 producteurs agricoles exercent dans cette filière, soit près de 60% de l’ensemble des exploitants agricoles à l’échelle nationale. Ceci reflète le caractère rudimentaire des rendements par exploitation, alors qu’à l’hectare, ces derniers demeurent à des niveaux faibles avec moins de 20 quintaux/ha.
Mourad Allal (L’Éco n°99 / du 1er au 15 novembre 2014)