M. Lamamra affirme qu’il s’agit d’honorer les sacrifices des Algériens pour “la liberté à travers le monde”. Une position aux antipodes de celle des moudjahidine telle qu’énoncée par le patron de leur organisation, l’ONM.
Annoncée à la mi-juin par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, la première participation de soldats algériens au défilé du 14 juillet a suscité, en France comme en Algérie, une grosse polémique qui, depuis, n’a cessé d’enfler. Le souvenir des atrocités subies pendant la colonisation étant toujours vivaces, les Algériens sont partagés quant à l’opportunité de la décision des autorités d’envoyer des soldats de l’ANP parader sur les Champs-Élysées le jour de la Fête nationale de l’ancien colonisateur. Si d’aucuns, au nom de comptes du passé non encore soldés, s’y opposent de toute leur force, d’autres, en revanche, n’y voient aucun mal.
C’est le cas du patron de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, qui, le 6 juillet dernier, a présenté la participation algérienne aux cérémonies du 14 Juillet comme une manière d’honorer les sacrifices des Algériens pour “la liberté à travers le monde”. “L’Algérie participera, dans le même format et dans les mêmes conditions que 80 autres nations dont des citoyens sont tombés sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, à la manifestation prévue à Paris à cet effet”, a-t-il affirmé, avant d’ajouter : “Le peuple algérien assume toute son Histoire et honore ses propres contributions à la liberté à travers le monde.” Son collègue du gouvernement, Amar Ghoul, est sur la même longueur d’onde.
Lors d’une réunion de son conseil national, jeudi 10 juillet, son parti, Tadjamou Amel El Djazaïr (TAJ), a exhorté les Algériens à “éviter les interprétations tendancieuses de la décision officielle”. Seule condition du parti d’Amar Ghoul : “L’invitation de l’Algérie, à l’instar des autres pays, ne doit pas se faire au détriment de la mémoire, des blessures et souffrances des Algériens.”
Même l’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, n’a rien trouvé à redire sur la participation algérienne au défilé parisien qui, selon lui, n’a rien de “honteux”.
“La question de la participation de l’Algérie au défilé du 14 Juillet est un débat byzantin destiné à la consommation interne. Notre pays a, depuis 1962, toujours pris part à cette manifestation”, a-t-il déclaré lors d’une conférence animée, jeudi 10 juillet, à Béjaïa. “Cette participation n’a rien de honteux, puisque c’est là une forme de reconnaissance par la France des sacrifices des Algériens pendant les Première et Deuxième Guerres mondiales”, a-t-il appuyé. Prenant tout son monde de court, il a assuré que son souhait est que cette participation “soit plus importante et non pas symbolique comme le voulait la France”.
Le “Front du refus”, lui, est animé essentiellement par la “famille révolutionnaire” et les islamistes. Le secrétaire général de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Saïd Abadou, s’est toujours montré intraitable sur les questions ayant trait à la mémoire. Il a signifié son opposition à la participation de militaires algériens au défilé du 14 Juillet, avant comme après sa confirmation par le ministre des Affaires étrangères. “Je suis contre cette participation. Les moudjahidine sont contre cette participation et on l’a déjà fait savoir”, a-t-il déclaré, dimanche 6 juillet, à TSA.
“Je n’ai pas de commentaires à faire sur les déclarations du ministre des Affaires étrangères. Les moudjahidine ont donné leur avis !” a-t-il ajouté. Tranchant et sans détour, le président du Mouvement pour la société de la paix estime que “les militaires algériens ne doivent pas défiler aux côtés des militaires français”. “Les soldats algériens tués lors des deux Guerres mondiales en défendant la France (…) n’y avaient pas participé de leur propre gré. Ils y étaient contraints”, a-t-il écrit sur sa page facebook.
“Ce sont des célébrations qui nous rappellent les crimes féroces perpétrés par les Français au lendemain de la Seconde Guerre mondiale lors des événements du 8 Mai. Alors, comment l’Algérie décide-t-elle aujourd’hui de participer à ce défilé, alors qu’eux (Français) s’obstinent à ne pas présenter leurs excuses et à ne pas indemniser les victimes de leur férocité ?” s’est-il interrogé. La crainte du leader islamiste est qu’il y ait “derrière cette démarche, tenue secrète avant d’être annoncée publiquement, un plan visant à casser les fondements de la politique extérieure du pays et la culture nationale traditionnelle de l’État algérien”.
A. C.