Les Algériens jugent que les élus sont corrompus, incompétents et qu’ils n’ont pas de pouvoir ou les trois à la fois.
L’Algérien se sent perdu face aux élections locales du 29 novembre prochain. La date butoir approche. Les partis politiques s’investissent pleinement. Au moment où des milliers de candidats parlent aux Algériens, les Algériens parlent aussi entre eux de ces mêmes élections… et de ce qu’ils pensent réellement.
Pour ce énième rendez-vous encore, il y aura de tout: des listes, des candidats, des discours, des urnes, des bulletins… sauf une chose! L’intérêt du citoyen, l’amélioration de la gestion de la cité, encore plus, la tenue de toutes les promesses alléchantes qui fuseraient de part et d’autre le temps d’une campagne électorale.
Détails croustillants à l’appui. C’est direct, simple et explicite. Pour la plupart de ceux qu’on a interrogés sur les futures élections, c’est une sorte de chemin pavé de désintéressement et de déceptions.
En effet, qu’attendent les Algériens de ces élections? Saïd, journaliste, n’attend rien puisqu’il ne votera pas. «Je ne voterai pas», tranche-t-il d’un air très froid. Saïd explique ce qui motive son boycott: «Primo, il n’y a personne de fiable auquel je peux donner ma voix, deuxio, de toute façon, elle sera détournée…».
Comme Saïd, la plupart des personnes interrogées prônent la même attitude. Kader, syndicaliste et homme de cinéma, n’attend rien! «Absolument rien. Ça sera encore une autre manière de redistribuer la rente. C’est toujours la même chansonnette. Des gens qui ne sont pas à leurs places. Ils bourrent leurs sacs de projets personnels et voilà que le mandat est fini», regrette-t-il.
Nous nous sommes rendus à la localité de Hussein Dey dans la capitale. On a rencontré Farid, un enseignant de la langue française, au lycée, qui ne milite pour aucun parti mais est bien au fait de la scène politique. Pour lui, «il n’y a aucune raison de croire à ces élections car après tout, ce n’est que des affairistes et des menteurs qui ne font que profiter du manque de culture politique qui caractérise les Algériens».
Farid nous invite à visiter les quartiers de Hussein Dey. «Le constat est là. Nos élus détruisent une rue, ils la reconstruisent trois fois en une année. Ne parlons pas de l’hiver et de la pluie où tout est inondé… voilà comment les affaires de la commune sont gérées. Voilà, ce qu’on appelle l’amélioration des affaires de la cité», regrette-t-il. Amir, un jeune citoyen de la ville de Rouiba à Alger, se veut plutôt optimiste. Lui, ose espérer que les choses s’améliorent dans sa ville. «Des prochains élus qui occuperont le siège de l’Assemblée communale, j’attends beaucoup. J’attends le nettoyage de ma ville, la réparation des routes, l’éclairage public, la relance du sport et des activités pour les jeunes», soutient-il. Pour Amir, il est temps d’améliorer le cadre de vie à Rouiba, la commune la plus riche d’Algérie «qui est
malheureusement l’une des plus délaissées». Si pour beaucoup, aucun intérêt n’est accordé à cette échéance… un non-évènement, les militants ou candidats considèrent qu’après sa défection massive lors de la dernière élection, le citoyen, tentera de recouvrer son droit à l’expression libre. Pour un candidat, tête d’une liste dans une commune à Alger, «cette consultation, qui se veut, par définition, de proximité, est une opportunité pour le citoyen de s’offrir une alternative politique symbolique, quand bien même elle soit au niveau local», défend-il.
Une manière selon lui, de confier les affaires de la cité à des hommes et des femmes qui sont à même d’en faire écho à leurs doléances. Il s’agit là, d’«un espoir d’une réelle volonté de prise en charge de notre quotidien», poursuit-il.
Toute la problématique aujourd’hui repose sur la capacité des électeurs à faire des élections municipales une démonstration, qu’une manière de gérer est possible en confiant les responsabilités de la cité à ceux qui servent et non ceux qui se servent de leur responsabilité. Car, actuellement, hormis les candidats aux élections et les militants des formations politiques qui participeront aux prochaines élections, tout ce beau monde qu’on appelle sans cesse aux urnes voit du pouvoir local un privilège et non une responsabilité assumée.
Farid, la quarantaine, est catégorique: «Qui se soucie encore des élections en Algérie?» s’interroge-t-il avant d’enchaîner: «Personne!».
Pour lui, les Algériens ne s’intéressent pas à la politique, ils n’ont pas confiance en les politiques. «Les Algériens jugent que les élus sont corrompus, incompétents et qu’ils n’ont pas de pouvoir ou les trois à la fois», tranche-t-il. «Pourquoi voudrais-tu qu’un citoyen vote pour un maire qui n’est pas en mesure de goudronner une route, déblayer une route quand elle est enneigée, distribuer sans bakchich les logements», poursuit-il encore.
Plus loin encore, Mohamed Salem, enseignant dans un technicum et syndicaliste, «ce sera comme labourer dans un océan.
Le 30 novembre, nous nous réveillerons pour continuer notre descente aux enfers».
Sa réponse est éloquente: «Je cherche le moindre indice qui puisse me contredire, je n’en trouve pas.» Des élections locales, il y en a eu déjà. Cela a-t-il provoqué la moindre lueur quant à l’amélioration du quotidien des gens ou l’avenir du pays? Enfin, pour la plupart de tous ceux que nous avons rencontrés, ces élections sont sans enjeu.